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Publié le 19 Déc 2014

Le caractère définitif du décompte général d’un marché n’est pas d’ordre public

Le caractère définitif du décompte général d'un marché n'est pas d'ordre public

Le Conseil d’Etat confirme sa jurisprudence selon laquelle le moyen tenant au caractère unique, exhaustif et définitif d’un décompte général n’est pas d’ordre public. En d’autres termes, le juge administratif saisi d’un litige concernant les sommes dues au titre d’un marché public n’est pas tenu de soulever d’office le moyen tiré du caractère définitif du décompte du marché.

Règle n° 1 :

Les parties à un marché public de travaux peuvent convenir contractuellement que l’ensemble des opérations, auxquelles donnent lieu l’exécution du marché, est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé, et dont seul le solde, arrêté lors de l’établissement du décompte définitif, détermine leurs droits et obligations définitifs.

Règle n° 2 :

Les parties sont libres de déroger contractuellement aux principes d’unicité, d’intangibilité et d’exhaustivité du décompte général.

Conseils pratiques :

– Si vous êtes un pouvoir adjudicateur : Pour vous protéger d’éventuelles difficultés lors de l’exécution du marché, il est utile de signer le décompte général avec des réserves définies avec précision, afin de calculer et d’inclure dans le décompte, au passif du titulaire, les sommes correspondantes aux malfaçons, désordres ou tout autre dommage. Ainsi, vous pourrez, par exemple,  réclamer des sommes au titulaire qui ne répare pas les imperfections (CE  20 mars 2013, Centre hospitalier de Versailles, req. n° 357636). En pratique, le pouvoir adjudicateur n’a pas d’autre choix que de refuser le paiement de certaine sommes figurant dans le projet de décompte du marché en expliquant les causes de son refus : c’est l’objet des réserves. Les sommes ne faisant pas l’objet de réserve pourront quant à elles être payées immédiatement.

– Si vous êtes un candidat : Vérifier le délai pour contester le décompte général (cf article 13.4.5 du CCAG travaux). Une fois ce délai écoulé, le décompte général devient définitif et il n’est plus possible de le remettre en cause sauf cas particuliers tels que fraude ou dol. L’arrêt du Conseil d’Etat rappelle que les parties sont libre de renoncer à l’intangibilité du décompte (CAA Lyon, 4 juillet 2013, Société BRB Construction, req.n° 12LY02398).

CE 3 novembre 2014, Société Bancillon BTP, req. n° 372040

Conseil d’État

N° 372040
ECLI:FR:CESSR:2014:372040.20141103
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
M. François Lelièvre, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocat(s)

lecture du lundi 3 novembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 septembre et 11 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la société Bancillon BTP, dont le siège est rue de l’Egalité à Garrigues-Sainte-Eulalie (30190) ; la société Bancillon BTP demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 11MA02221 du 8 juillet 2013 de la cour administrative d’appel de Marseille en tant qu’il a, d’une part, rejeté ses conclusions relatives aux intérêts moratoires portant sur les acomptes mensuels n° 7 et n° 8 et, d’autre part, fixé au 7 octobre 2008 le point de départ des intérêts moratoires sur le solde ;

2°) réglant dans cette double mesure l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,
– les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Bancillon BTP ;

1. Considérant que le pourvoi de la société Bancillon BTP tend à l’annulation de l’arrêt du 8 juillet 2013 de la cour administrative d’appel de Marseille en tant seulement qu’il a, d’une part, fixé au 7 octobre 2008 le point de départ des intérêts moratoires sur le solde du marché qu’elle avait conclu avec l’Etat et, d’autre part, rejeté ses conclusions relatives aux intérêts moratoires sur les acomptes mensuels n° 7 et n° 8 du même marché ; que, par suite, les moyens qu’elle soulève dans son mémoire en réplique contre d’autres motifs de l’arrêt attaqué doivent être écartés comme inopérants ;

2. Considérant qu’il ressort des énonciations non contestées de l’arrêt attaqué qu’un projet de décompte final élaboré par la société Bancillon BTP a été notifié au ministre de la défense le 18 juillet 2008 ; que si la société Bancillon BTP fait valoir qu’un précédent projet de décompte final aurait été notifié dès le 18 février 2008, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le ministre de la défense aurait reçu ce premier projet ; que, par suite, en fixant la date de départ des intérêts moratoires en prenant en compte la notification du 18 juillet 2008, la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;

3. Considérant que si les parties à un marché public de travaux peuvent convenir que l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution de ce marché est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l’établissement du décompte définitif, détermine leurs droits et obligations définitifs, elles n’y sont pas tenues ; que, dès lors, ni le caractère unique et exhaustif d’un tel compte ni son caractère définitif, qui ne sont pas d’ordre public, ne peuvent être opposés d’office par le juge aux prétentions d’une partie ; que, par suite, en se fondant d’office sur l’unicité et l’exhaustivité du décompte général pour rejeter les conclusions de la société Bancillon BTP qui tendaient au versement d’intérêts moratoires sur des acomptes, qui n’y avaient pas été repris, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que, par suite, la société Bancillon BTP est fondée à demander, dans cette seule mesure, l’annulation de l’arrêt attaqué ;

4. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros à la société Bancillon BTP au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 8 juillet 2013 est annulé en tant qu’il rejette les conclusions de la société Bancillon BTP tendant au versement des intérêts moratoires sur les acomptes n° 7 et n° 8.
Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée, à la cour administrative d’appel de Marseille.
Article 3 : L’Etat versera à la société Bancillon BTP la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Bancillon BTP et au ministre de la défense.

Résumé :

39-05-02-01 Si les parties à un marché public de travaux peuvent convenir que l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution de ce marché est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l’établissement du décompte définitif, détermine leurs droits et obligations définitifs, elles n’y sont pas tenues. Dès lors, ni le caractère unique et exhaustif d’un tel compte ni son caractère définitif, qui ne sont pas d’ordre public, ne peuvent être opposés d’office par le juge aux prétentions d’une partie.

54-07-01-04-01-01 Si les parties à un marché public de travaux peuvent convenir que l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution de ce marché est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l’établissement du décompte définitif, détermine leurs droits et obligations définitifs, elles n’y sont pas tenues. Dès lors, ni le caractère unique et exhaustif d’un tel compte ni son caractère définitif, qui ne sont pas d’ordre public, ne peuvent être opposés d’office par le juge aux prétentions d’une partie.

Rappr., sur les conditions d’opposabilité du caractère définitif du décompte, CE, 6 juillet 1992 S.A.R.L. Entreprise J. Rabadan et Cie, T. p. 1113.


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