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Publié le 28 Oct 2015

Un sous-traitant d’un candidat évincé peut contester la validité d’un contrat !

Un sous-traitant d'un candidat évincé peut contester la validité d'un contrat !CE 14 octobre 2015, Région Réunion, req.n°391183
Un sous-traitant d’un candidat évincé peut contester la validité d’un contrat de la même manière qu’un candidat évincé dès lors qu’il justifie d’un intérêt suffisamment lésé.

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat apporte une première indication sur ce point en considérant que lorsque le sous-traitant proposé par le soumissionnaire a été déterminant dans l’élaboration de la candidature ou de l’offre, celui-ci doit être considéré comme justifiant d’un intérêt suffisamment lésé pour lui permettre de contester la validité du contrat conclu avec une autre entreprise.

Règle n°1 : Un sous-traitant d’un candidat évincé peut contester la validité d’un contrat

Une société ne justifie pas, en sa seule qualité de sous-traitant d’un candidat évincé, d’un intérêt lésé pouvant le rendre recevable à contester la validité du contrat conclu avec une autre entreprise.
En revanche, le Conseil d’Etat considère que dès lors que l’offre d’un des candidats évincés reposait sur la technologie proposée par le sous-traitant, ce dernier doit être considéré comme disposant d’un intérêt lésé suffisant, identique à celui du candidat évincé, pour le rendre recevable à contester la validité du contrat conclu avec une autre entreprise devant le juge administratif.
La nouvelle jurisprudence Tarn et Garonne en matière de marchés publics ouvre désormais le prétoire à tous les tiers y compris désormais aux sous-traitants dès lors qu’ils peuvent se voir reconnaître un intérêt sérieux à conclure le contrat (CE 4 avril 2014, Département Tarn et Garonne, req.n°358994 avec les conclusions du Rapporteur public Bertrand DACOSTA ).

Règle n°2 : Analyse de la solution rendue par le Conseil d’Etat

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat considère que dès lors que l’offre d’un des candidats évincés repose sur la technologie proposée par le sous-traitant, ce dernier doit être considéré comme disposant d’un intérêt lésé suffisant, identique à celui du candidat évincé, pour le rendre recevable à contester la validité du contrat devant le juge administratif. Il s’agit là d’un premier cas d’ouverture au profit de tiers aux contrats qui sera certainement suivi par de nombreux autres exemples. S’agissant des sous-traitants, compte tenu de l’arrêt rendu, le Conseil d’Etat annonce que l’intérêt donnant qualité pour agir sera apprécié au cas par cas en fonction de l’importance de l’intervention du sous-traitant au côté du candidat évincé.

Cette ouverture du prétoire aux sous-traitants s’inscrit dans la droite ligne d’un arrêt en date du 13 avril 2010, Ville de Francfort-sur-le-Main, dans lequel la Cour de justice de l’Union européenne a déjà eu l’occasion de considérer que le changement d’un sous-traitant en cours d’exécution d’un contrat peut impliquer une remise en cause des conditions initiales de la mise en concurrence lorsque le recours à ce dernier plutôt qu’à un autre a été, compte tenu des caractéristiques propres de la prestation en cause, un élément déterminant de la conclusion du contrat  (CJCE du 13 avril 2010, Ville de Francfort-sur-le-Main, Aff. C 91/08).

Pour être recevable à contester la validité du contrat, le sous-traitant doit démontrer que son intervention a été déterminante dans l’élaboration de la candidature ou de l’offre du candidat évincé. En d’autres termes, il doit démontrer que le recours à ses services plutôt qu’à un autre sous-traitant a été, compte tenu des caractéristiques propres du contrat litigieux, un élément déterminant pour permettre au candidat évincé de participer à la procédure.

Conseil d’État
N° 391183
Publié au recueil Lebon
7ème / 2ème SSR
Mme Charline Nicolas, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP MONOD, COLIN, STOCLET ; SCP GATINEAU, FATTACCINI, avocats
Lecture du mercredi 14 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :
La société Pyxise a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de la décision du 2 mars 2015 par laquelle la région Réunion a rejeté l’offre présentée par le groupement Graniou/Moreschetti Axians, auquel elle participait en qualité de sous-traitant pour le marché ” Wi-fi régional grand public “, et, d’autre part, à la suspension de ce marché.
Par une ordonnance n° 1500419 du 3 juin 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis a suspendu l’exécution du marché en litige.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 juin, 6 juillet et 26 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la région Réunion demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter les demandes de la société Pyxise ;
3°) de mettre à la charge de la société Pyxise le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code des marchés publics ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Charline Nicolas, auditeur,
– les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la Région Réunion, et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société Pyxise ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 octobre 2015, présentée pour la société Pyxise ;
1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : ” Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ” ; que, lorsque le tribunal administratif est saisi d’une demande contestant la validité d’un contrat, le juge des référés peut être saisi, sur ce fondement, d’une demande tendant à la suspension de son exécution ; que lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de ce contrat et conduire à la cessation de son exécution ou à son annulation, eu égard aux intérêts en présence, il peut ordonner la suspension de son exécution ;
2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis que le 19 mars 2015, la région Réunion a conclu avec la société Nextiraone un marché public intitulé ” Wi-fi régional grand public “, ayant pour objet la fourniture, la maintenance et les travaux d’aménagements accessoires pour la mise en oeuvre d’une solution de bornes d’accès public gratuit au réseau internet sans fil dite ” Hotspot Wi-Fi “, sur plusieurs sites identifiés de l’île de La Réunion ; que la société Pyxise, sous-traitante du groupement Garniou/Moreschetti Axians dont l’offre a été rejetée, a saisi le juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, d’une demande tendant à la suspension de l’exécution de la décision de rejet de l’offre du groupement précité du 2 mars 2015 et à la suspension de l’exécution de ce marché ; que par une ordonnance du 3 juin 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis a fait droit à la demande de suspension de l’exécution du marché et rejeté le surplus des conclusions de la société ; que le pourvoi de la région Réunion tendant à l’annulation de cette ordonnance doit être regardé comme dirigé contre ses articles 1, 2 et 4 ;
3. Considérant que pour ordonner la suspension du marché litigieux, le juge des référés a relevé qu’il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d’une ” mesure d’annulation “, de prendre en compte, pour apprécier la condition d’urgence, d’une part, les atteintes graves et immédiates que l’annulation litigieuse est susceptible de porter à un intérêt public ou aux intérêts du requérant et, d’autre part, l’intérêt général ou l’intérêt de tiers, ” notamment du titulaire d’un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la mesure demandée “, qui peut s’attacher à l’exécution immédiate de cette mesure ; qu’en se fondant ainsi sur une règle de droit non applicable à la demande de suspension de l’exécution du marché en litige dont il était saisi, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis a entaché son ordonnance d’erreur de droit ; que par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, les articles 1er, 2 et 4 de l’ordonnance attaquée doivent être annulés ;
4. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de statuer sur la demande de suspension de l’exécution de ce marché, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant que si la société requérante n’est pas un concurrent dont la candidature ou l’offre a été rejetée ou qui aurait été empêché de présenter sa candidature, et si en sa seule qualité de société susceptible d’intervenir en qualité de sous-traitante, elle ne justifie pas d’un intérêt lésé pouvant la rendre recevable à contester la validité du contrat en cause, il ressort des pièces du marché que l’offre d’un des groupements candidats reposait sur la technologie que fournit cette société ; que, dans ces conditions, elle justifie être lésée par la conclusion du contrat litigieux de manière suffisamment directe et certaine pour être recevable à en demander l’annulation ainsi que la suspension ;
6. Considérant, toutefois, que les moyens invoqués par la société requérante à l’encontre du contrat en litige, tirés de l’absence de publication au Journal officiel de l’Union européenne et de délai minimum de réponse de cinquante-trois jours, et de ce que ce contrat méconnaît l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales et l’article 10 du code des marchés publics ne sont pas de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité du marché en cause ;
7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la condition d’urgence ni sur la fin de non-recevoir opposée par la région Réunion à la demande de suspension du marché en litige, cette demande doit être rejetée ;
8. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la région Réunion qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Pyxise la somme de 4 500 euros à verser à la région Réunion au titre de ces mêmes dispositions pour l’ensemble de la procédure ;

D E C I D E : ————–
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 4 de l’ordonnance du 3 juin 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la société Pyxise tendant à la suspension de l’exécution du marché en litige et ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société Pyxise versera à la région Réunion une somme de 4 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la région Réunion, à la société Pyxise et à la société Nextiraone.


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