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Publié le 12 Fév 2016

Marchés publics : la preuve de la détention des capacités des entités liées au candidat doit être la plus large possible

Marchés publics : la preuve de la détention des capacités des entités liées au candidat doit être la plus large possibleCJUE 14 janvier 2016, Otas Celtnieks SIA Aff.C-234/14
Un candidat à un contrat public est libre de choisir, d’une part, la nature juridique des liens qu’il entend établir avec les autres entités dont il fait valoir les capacités financières, techniques et professionnelles aux fins de l’exécution d’un marché déterminé (groupement et/ou sous-traitance) et, d’autre part, le mode de preuve de l’existence de ces liens.

Règle n°1: l’acheteur public a l’obligation de contrôler les capacités des candidats

L’attribution des marchés publics se fait toujours après vérification des capacités financières, techniques et professionnelles des opérateurs économiques non exclus conformément à l’article 45 du Code des marchés publics et de l’arrêté du 28 août 2006 pris pour son application

Un acheteur public doit donc contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l’attribution d’un marché public (CE 12 novembre 2015, SAGEM, req.n°386578, CE 26 mars 2008, Communauté urbaine de Lyon, req.n°303779). A ce titre, il ne peut pas limiter son contrôle à la complétude du dossier de candidature dès lors qu’il lui appartient de vérifier la qualité intrinsèque des pièces produites par les candidats pour démontrer leurs capacités professionnelles, techniques, et financières à exécuter les prestations (CE 29 avril 2011, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Libertés, n°344617).

Ce contrôle est nécessaire puisqu’en cas de contentieux, il appartiendra à l’acheteur public de démontrer qu’il s’est réellement mis en mesure de contrôler les capacités techniques et financières des candidats ainsi que les justificatifs de ce contrôle (CE 17 septembre 2014, Société Delta Process, req. n°378722) peu importe que le candidat retenu soit une entreprise nouvellement crée (CE 9 mai 2012, Commune de Saint-Benoit, req. n°359455).

Règle n°2: un candidat qui ne dispose pas des capacités suffisantes est libre de faire valoir les capacités d’autres entités soit en répondant en groupement soit en présentant un sous-traitant

Les règles de la commande publique n’exigent pas que l’opérateur économique qui conclut un contrat avec un acheteur public soit en mesure de réaliser directement, avec ses propres moyens, les prestations visées par l’objet du marché. Il suffit qu’il soit à même de faire exécuter la prestation dont il s’agit, en fournissant les garanties nécessaires à cet effet. C’est la raison pour laquelle tant de la réglementation en vigueur que de la jurisprudence admettent à soumissionner ou à se porter candidat à un marché public un opérateur économique qui, au vu des conditions énoncées dans les cahiers des charges, se considère apte à assurer l’exécution de ce marché, directement-entendu candidat individuel ou membre d’un groupement- ou indirectement, en recourant à la sous-traitance.

Lorsque, pour démontrer ses capacités financières et économiques ainsi que techniques et/ou professionnelles en vue d’être admise à participer à une procédure d’appel d’offres, une société décide de faire état des capacités d’organismes ou d’entreprises auxquels elle est directement ou indirectement liée, quelle que soit la nature juridique de ces liens, il lui incombe d’apporter la preuve qu’elle dispose «effectivement» des moyens de ces organismes ou entreprises qui ne lui appartiennent pas en propre et qui sont nécessaires à l’exécution du marché (CJUE 2 décembre 1999, Holst Italia, C 176/98, point 29).

Il appartient alors à l’acheteur public de procéder à la vérification de l’aptitude du soumissionnaire à exécuter un marché déterminé. Cette vérification a, notamment, pour objet de lui donner l’assurance que le soumissionnaire en question aura effectivement l’usage des moyens de toute nature dont il se prévaut pendant toute la durée d’exécution du marché. Dans son arrêt du 14 janvier 2016, Otas Celtnieks SIA Aff.C-234/14 la Cour de justice considère que  qu’il résultent des articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3, de la directive 2004/18 que le soumissionnaire doit rester libre de choisir, d’une part, la nature juridique des liens qu’il entend établir avec les autres entités dont il fait valoir les capacités aux fins de l’exécution d’un marché déterminé et, d’autre part, le mode de preuve de l’existence de ces liens.

Règle n°3: le candidat est libre de prouver la mise à dispositions des capacités d’autres entités par tout moyen

En effet, pour la Cour de justice, si les articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3, de la directive 2004/18 (article 45 du code des marchés publics dans sa version actuelle au niveau national) indiquent que, «par exemple», la production de l’engagement d’autres entités de mettre à la disposition du soumissionnaire les moyens nécessaires constitue un mode de preuve acceptable, ces dispositions ne peuvent en aucune manière exclure d’autres modes de preuve.

Ainsi que le relève l’avocat général dans ses conclusions sur cette affaire, ces dispositions prévoient expressément que ce n’est « qu’à titre d’exemple » que la production de l’engagement d’autres entités de mettre à la disposition du soumissionnaire les moyens nécessaires à l’exécution du marché constitue une preuve acceptable du fait qu’il disposera effectivement de ces moyens. De ce fait, ces dispositions n’excluent en aucune manière que le soumissionnaire établisse « autrement » l’existence des liens qui l’unissent aux autres entités dont il fait valoir les capacités aux fins de la bonne exécution du marché auquel il soumissionne.

En l’occurrence, un pouvoir adjudicateur imposait aux soumissionnaires qui souhaitaient faire valoir les capacités d’autres entités, d’établir avec ces entités des liens d’une nature juridique précise, de sorte que seuls ces liens particuliers étaient susceptibles, aux yeux du pouvoir adjudicateur, de prouver qu’il disposait effectivement des moyens nécessaires pour mener à bien l’exécution des prestations du marché. Plus précisément, le pouvoir adjudicateur exigeait que les soumissionnaires concluent un accord de partenariat avec ces entités ou crée avec celles-ci une société en nom collectif. Ce faisant, les cahiers des charges ne prévoyaient que deux modalités permettant aux soumissionnaires d’établir qu’ils disposent des moyens d’autres entités pour la bonne exécution des prestations du marché, à l’exclusion de tout autre mode de preuve. La Cour considère qu’une telle restriction est irrégulière en ce qu’elle conduit manifestement à vider de tout effet utile les dispositions des articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3, de la directive 2004/18. Les règles de la commande publique s’opposent donc à ce qu’un pouvoir adjudicateur puisse, dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public, imposer à un soumissionnaire qui fait valoir les capacités d’autres entités l’obligation, avant la passation du marché, de conclure avec ces entités un accord de partenariat ou de créer avec celles-ci une société en nom collectif. Ce dernier doit être libre d’apporter la preuve par tout moyen qu’il dispose des capacités des entités dont il entend se prévaloir.

Règle n°4: l’acheteur public doit être en mesure de justifier la forme du groupement imposé pour exécuter le marché

Cette affaire est également intéressante en ce qu’elle rappelle qu’un acheteur public ne peut pas imposer n’importe quel type de groupement pour l’exécution des prestations du marché : la forme du groupement doit être justifiée par l’objet du marché et la nature des prestations à exécuter.

Pour rappel, en cas de groupement conjoint, chaque cotraitant est responsable des prestations qui lui ont été confiées. En cas de groupement solidaire, chaque cotraitant est engagé financièrement pour la totalité du marché et doit pallier une éventuelle défaillance de ses partenaires.

L’article 51 du code des marchés publics tout comme l’article 4 paragraphe  2 de la directive 2014/18 indiquent que les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent pas exiger que les groupements d’opérateurs économiques aient une forme juridique déterminée pour participer à la procédure. En revanche, ils peuvent exiger que le groupement retenu puisse être contraint de revêtir une forme juridique déterminée si le marché lui a été attribué, mais uniquement dans la mesure où cette transformation est nécessaire pour la bonne exécution des prestations du marché.

Dans cette affaire, l’Avocat général profite de l’occasion pour rappeler que cette obligation de revêtir une forme juridique déterminée après la passation du marché « constitue une exigence exceptionnelle qui n’est imposée que lorsqu’elle s’avère objectivement nécessaire et dans le respect du principe de proportionnalité ».

Les opérateurs économiques qui participent à une procédure de marché sont donc libres du choix du mode de coopération avec d’autres entités pour satisfaire aux exigences des capacités exigés par l’acheteur public (groupement ou sous-traitance) tout comme il sont libre du mode de preuve pour justifier auprès de l’acheteur qu’ils disposeront des capacités d’autres entités.

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
14 janvier 2016 (*)

LA COUR (première chambre),

Arrêt

 

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant «Ostas celtnieks» SIA (ci-après «Ostas celtnieks») à la Talsu novada pašvaldība (autorité locale du département de Talsi) et à l’Iepirkumu uzraudzības birojs (Office de surveillance des marchés publics) au sujet des exigences prévues dans le cahier des charges relatif à une procédure de passation d’un marché public de travaux.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3        Le considérant 32 de la directive 2004/18 est ainsi libellé:
«Afin de favoriser l’accès des petites et moyennes entreprises aux marchés publics, il convient de prévoir des dispositions en matière de sous-traitance.»

4        L’article 7 de cette directive détermine les montants à partir desquels s’appliquent les règles de coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services qu’elle édicte. En ce qui concerne les marchés publics de travaux, l’article 7, sous c), de ladite directive fixe ce seuil à 5 186 000 euros.

5        Aux termes de l’article 44 de la même directive:
«1.      L’attribution des marchés se fait […] après vérification de l’aptitude des opérateurs économiques non exclus […], effectuée par les pouvoirs adjudicateurs conformément aux critères relatifs à la capacité économique et financière, aux connaissances ou capacités professionnelles et techniques visés aux articles 47 à 52 […]
2.      Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger des niveaux minimaux de capacités, conformément aux articles 47 et 48, auxquels les candidats et les soumissionnaires doivent satisfaire.
L’étendue des informations visées aux articles 47 et 48 ainsi que les niveaux minimaux de capacités exigés pour un marché déterminé doivent être liés et proportionnés à l’objet du marché.
[…]»

6        L’article 47 de la directive 2004/18, intitulé «Capacité économique et financière», prévoit, à son paragraphe 2:
«Un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, faire valoir les capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens existant entre lui-même et ces entités. Il doit, dans ce cas, prouver au pouvoir adjudicateur qu’il disposera des moyens nécessaires, par exemple, par la production de l’engagement de ces entités à cet effet.»

7        L’article 48 de cette directive, intitulé «Capacités techniques et/ou professionnelles», dispose, à son paragraphe 3:
«Un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, faire valoir les capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens existant entre lui-même et ces entités. Il doit, dans ce cas, prouver au pouvoir adjudicateur que, pour l’exécution du marché, il disposera des moyens nécessaires, par exemple, par la production de l’engagement de ces entités de mettre à la disposition de l’opérateur économique les moyens nécessaires.»
Le droit letton

8        Il ressort de la demande de décision préjudicielle que les articles 41, paragraphe 3 («Capacité économique et financière»), et 42, paragraphe 3 («Capacités techniques et/ou professionnelles»), de la loi sur les marchés publics (Publisko iepirkumu likums, Latvijas Vēstnesis, 2006, n° 65), qui transpose la directive 2004/18 en droit letton, prévoient que le soumissionnaire peut, si cela est nécessaire à l’exécution d’un marché déterminé, faire valoir les capacités d’autres entrepreneurs, quelle que soit la nature juridique des liens qui les unissent. Dans ce cas, le soumissionnaire doit prouver au pouvoir adjudicateur qu’il disposera des moyens nécessaires, par la production de confirmations ou d’accords de ces entrepreneurs portant sur l’exécution du marché.

9        Les règles de base d’un accord de partenariat sont définies au chapitre 16 du code civil, tandis que les conditions imposées aux opérateurs économiques pour la création et l’activité d’une société en nom collectif figurent au titre IX du code de commerce.

Le litige au principal et la question préjudicielle

10      Ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, l’autorité locale du département de Talsi a lancé, au mois de novembre 2011, une procédure de passation d’un marché public de travaux concernant l’amélioration des infrastructures routières afin de faciliter l’accès à la ville de Talsi (ci après le «marché en cause»).

11      Le point 9.5 du cahier des charges relatif à cette procédure prévoyait:
«[…] dans le cas où un soumissionnaire fait valoir les capacités d’autres entrepreneurs, il mentionne tous ces entrepreneurs et prouve qu’il disposera des moyens nécessaires. S’il est décidé de conclure avec ce soumissionnaire, celui-ci devra, avant la conclusion du contrat, conclure un accord de partenariat avec ces entrepreneurs et communiquer ledit accord au pouvoir adjudicateur. [Cet accord] devra comprendre:

  1. une clause selon laquelle chacun séparément et tous solidairement est (sont) responsable(s) de l’exécution du marché;
  2. [la désignation de l’]opérateur économique principal, qui aura tous pouvoirs pour signer le contrat et en dirigera l’exécution;
  3. la description de la part de travail à effectuer par chacun des participants;
  4. le volume, exprimé en pourcentage, du travail à effectuer par chacun des participants.

La conclusion d’un accord de partenariat peut être remplacée par la création d’une société en nom collectif.»

12      Ostas celtnieks a contesté la validité, notamment, de ce point 9.5 du cahier des charges devant l’Office de surveillance des marchés publics. Toutefois, par une décision du 13 février 2012, ce dernier a rejeté les arguments soulevés par Ostas celtnieks à l’appui de sa réclamation en considérant que, aux termes dudit point, le pouvoir adjudicateur avait légitimement précisé les modalités selon lesquelles le soumissionnaire était tenu d’établir qu’il disposait des moyens nécessaires pour mener à bien l’exécution du marché en cause.

13      Ostas celtnieks a introduit un recours contre cette décision devant l’administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district) qui, par une décision du 7 mai 2013, a accueilli celui-ci. Dans sa décision, cette juridiction a relevé en particulier que, s’agissant du point 9.5 du cahier des charges, il ne ressortait ni de la loi sur les marchés publics ni de la directive 2004/18 que le pouvoir adjudicateur puisse imposer à un soumissionnaire l’obligation de produire un engagement de conclure un accord de partenariat avec les autres entités dont il fait valoir les capacités à exécuter le marché en cause et exiger que ce soumissionnaire passe un tel accord ou qu’il crée une société en nom collectif avec ces entités.

14      Cette décision a fait l’objet de pourvois en cassation introduit par l’autorité locale du département de Talsi et l’Office de surveillance des marchés publics devant l’Augstākā tiesa (Cour suprême). À l’appui de leurs recours, ces autorités font valoir, notamment, que les exigences prévues au point 9.5 du cahier des charges sont justifiées par la nécessité de réduire le risque d’inexécution du marché en cause.

15      La juridiction de renvoi considère, en substance, que, aux fins de la passation d’un marché public, le pouvoir adjudicateur doit pouvoir vérifier la capacité du soumissionnaire à exécuter le marché en cause. Elle se demande néanmoins si, à cette fin, la directive 2004/18 autorise le pouvoir adjudicateur à imposer aux soumissionnaires de conclure un accord de partenariat ou un contrat de société avec les autres entrepreneurs dont ils font valoir les capacités à l’appui de leur propre candidature, ou bien si ces soumissionnaires sont libres de choisir de quelle manière ils s’attacheront la participation de ces autres entrepreneurs à l’exécution du marché.

16      Dans ces conditions, l’Augstākā tiesa (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Convient-il d’interpréter les dispositions de la directive 2004/18 en ce sens que, pour réduire le risque d’inexécution d’un marché, elles autorisent à insérer dans un cahier des charges une règle selon laquelle, s’il est décidé de passer le marché avec un soumissionnaire qui fait valoir les capacités d’autres entrepreneurs, celui-ci est tenu, avant la passation dudit marché, de conclure avec ces entrepreneurs un accord de partenariat (incluant les points indiqués dans le cahier des charges) ou de créer avec eux une société en nom collectif?»

Sur la question préjudicielle

Observations liminaires

17      Il importe de relever d’emblée que, tout en partant de l’hypothèse selon laquelle la directive 2004/18 est applicable dans le cadre du litige au principal, la décision de renvoi ne contient aucun élément qui permette de vérifier si la valeur du marché en cause atteint le seuil d’application pertinent fixé à l’article 7, sous c), de ladite directive.

18      En réponse à une question posée par la Cour lors de l’audience de plaidoiries, le gouvernement letton a néanmoins précisé que le marché en cause était un marché de travaux d’une valeur d’environ 3 millions d’euros, à savoir un montant inférieur audit seuil d’application.

19      En outre, selon ce gouvernement, les dispositions de la loi sur les marchés publics sont également applicables aux marchés de travaux, tel que le marché en cause, d’un montant inférieur au seuil fixé par la directive 2004/18.

20      À cet égard, il importe de rappeler que, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, l’interprétation des dispositions d’un acte de l’Union dans des situations ne relevant pas du champ d’application de celui-ci se justifie lorsque ces dispositions ont été rendues applicables à de telles situations par le droit national de manière directe et inconditionnelle, afin d’assurer un traitement identique à ces situations et à celles qui relèvent du champ d’application dudit acte (arrêt Generali-Providencia Biztosító, C 470/13, EU:C:2014:2469, point 23 et jurisprudence citée).

21      Il résulte de ce qui précède que, sous réserve des vérifications à opérer par la juridiction de renvoi et afin de lui fournir une réponse utile à la solution du litige au principal, il y a lieu d’examiner la question préjudicielle.

Sur la question préjudicielle

22      Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3, de la directive 2004/18 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un pouvoir adjudicateur puisse, dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public, imposer à un soumissionnaire qui fait valoir les capacités d’autres entités l’obligation, avant la passation dudit marché, de conclure avec ces entités un accord de partenariat ou de créer avec celles-ci une société en nom collectif.

23      Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, les articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3, de la directive 2004/18 reconnaissent le droit de tout opérateur économique de faire valoir, pour un marché déterminé, les capacités d’autres entités, «quelle que soit la nature des liens existant entre lui-même et ces entités», pour autant qu’il est prouvé au pouvoir adjudicateur que le soumissionnaire disposera des moyens de ces entités qui sont nécessaires à l’exécution du marché (voir, en ce sens, arrêt Swm Costruzioni 2 et Mannocchi Luigino, C 94/12, EU:C:2013:646, points 29 et 33).

24      Une telle interprétation, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, est conforme à l’objectif d’ouverture des marchés publics à la concurrence la plus large possible que poursuivent les directives en la matière au bénéfice non seulement des opérateurs économiques, mais également des pouvoirs adjudicateurs. En outre, elle est également de nature à faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises aux marchés publics, ce à quoi tend également la directive 2004/18, ainsi que le révèle son considérant 32 (arrêt Swm Costruzioni 2 et Mannocchi Luigino, C 94/12, EU:C:2013:646, point 34 et jurisprudence citée).

25      Or, lorsque, pour démontrer ses capacités financières et économiques ainsi que techniques et/ou professionnelles en vue d’être admise à participer à une procédure d’appel d’offres, une société fait état des capacités d’organismes ou d’entreprises auxquels elle est directement ou indirectement liée, quelle que soit la nature juridique de ces liens, il lui incombe d’apporter la preuve qu’elle dispose «effectivement» des moyens de ces organismes ou entreprises qui ne lui appartiennent pas en propre et qui sont nécessaires à l’exécution du marché (voir, en ce sens, arrêt Holst Italia, C 176/98, EU:C:1999:593, point 29 et jurisprudence citée).

26      À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 44, paragraphe 1, de la directive 2004/18, il appartient au pouvoir adjudicateur de procéder à la vérification de l’aptitude du soumissionnaire à exécuter un marché déterminé. Cette vérification a, notamment, pour objet de donner au pouvoir adjudicateur l’assurance que le soumissionnaire aura effectivement l’usage des moyens de toute nature dont il se prévaut pendant la période couverte par le marché (voir, par analogie, arrêt Holst Italia, C 176/98, EU:C:1999:593, point 28).

27      Dans le cadre de ce contrôle, les articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3, de la directive 2004/18 ne permettent ni de présumer qu’un tel soumissionnaire dispose ou non des moyens nécessaires à l’exécution du marché ni, à plus forte raison, d’exclure a priori certains modes de preuve (voir, par analogie, arrêt Holst Italia, C 176/98, EU:C:1999:593, point 30).

28      Il en résulte que le soumissionnaire est libre de choisir, d’une part, la nature juridique des liens qu’il entend établir avec les autres entités dont il fait valoir les capacités aux fins de l’exécution d’un marché déterminé et, d’autre part, le mode de preuve de l’existence de ces liens.

29      Par ailleurs, ainsi que le relève M. l’avocat général au point 43 de ses conclusions, les articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3, de la directive 2004/18 prévoient expressément que ce n’est qu’à titre d’exemple que la production de l’engagement d’autres entités de mettre à la disposition du soumissionnaire les moyens nécessaires à l’exécution du marché constitue une preuve acceptable du fait qu’il disposera effectivement de ces moyens. De ce fait, ces dispositions n’excluent en aucune manière que le soumissionnaire établisse autrement l’existence des liens qui l’unissent aux autres entités dont il fait valoir les capacités aux fins de la bonne exécution du marché auquel il soumissionne.

30      En l’occurrence, l’autorité locale du département de Talsi, en tant que pouvoir adjudicateur, impose à un soumissionnaire, à savoir Ostas celtnieks, qui fait valoir les capacités d’autres entités pour l’exécution du marché en cause, d’établir avec ces entités des liens d’une nature juridique précise, de sorte que seuls ces liens particuliers sont susceptibles, aux yeux du pouvoir adjudicateur, de prouver que l’adjudicataire dispose effectivement des moyens nécessaires pour mener à bien l’exécution de ce marché.

31      En effet, conformément au point 9.5 du cahier des charges, le pouvoir adjudicateur exige que le soumissionnaire, avant la passation du marché public, conclue un accord de partenariat avec ces entités ou crée avec celles-ci une société en nom collectif.

32      Le point 9.5 du cahier des charges ne prévoit, dès lors, que deux modalités permettant au soumissionnaire d’établir qu’il dispose des moyens nécessaires pour l’exécution du marché en cause, à l’exclusion de tout autre mode de preuve des liens juridiques existant entre ce soumissionnaire et les entités dont il fait valoir les capacités.

33      Dans ces conditions, une règle telle que celle édictée au point 9.5 du cahiers des charges conduit manifestement à vider de tout effet utile les dispositions des articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3, de la directive 2004/18.

34      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que les articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3, de la directive 2004/18 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un pouvoir adjudicateur puisse, dans le cadre du cahier des charges relatif à une procédure de passation d’un marché public, imposer à un soumissionnaire qui fait valoir les capacités d’autres entités l’obligation, avant la passation du marché, de conclure avec ces entités un accord de partenariat ou de créer avec celles-ci une société en nom collectif.

Sur les dépens

35      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

Les articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3, de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un pouvoir adjudicateur puisse, dans le cadre du cahier des charges relatif à une procédure de passation d’un marché public, imposer à un soumissionnaire qui fait valoir les capacités d’autres entités l’obligation, avant la passation dudit marché, de conclure avec ces entités un accord de partenariat ou de créer avec celles-ci une société en nom collectif.


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