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Publié le 03 Mai 2018

Appel d’offres ouvert: la régularisation d’une offre irrégulière est une simple faculté !

CE 26 avril 2018, Département des Bouches-du-Rhônes, req.n°417072


Règle n°1 : la régularisation d’une offre irrégulière est une faculté et non une obligation

Aux termes de l’article 59 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu’elle est incomplète. Contrairement à l’ancienne réglementation qui prohibait toute possibilité de régulariser une offre irrégulière, la nouvelle réglementation issue du décret du 25 mars 2016 a mis en place un dispositif de régularisation des offres irrégulières dans les procédures d’appel d’offres et les procédures adaptées sans négociation.

L’article 59 indique que l’acheteur « peut autoriser » tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu’elles ne soient pas anormalement basses et que la régularisation n’ait pas pour effet de modifier les caractéristiques substantielles des offres.

Lorsque l’acheteur public décide d’utiliser le dispositif de régularisation des offres irrégulières de l’article 59 du décret du 25 mars 2016 il est tenu d’en faire bénéficier tous les soumissionnaires qui ont remis une offre irrégulière dans un délai approprié dont il n’est pas précisé si il doit être identique selon les irrégularités constatées et pour tous les candidats. on peut imaginer que oui mais rien n’est précisé par les textes. En outre, l’acheteur public n’est pas tenu d’informer les autres soumissionnaires qui ont remis une offre régulière de la mise en place du dispositif.

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat rappelle que dans les procédures d’appel d’offres et les procédures adaptées sans négociation, la régularisation d’une offre irrégulière reste une simple faculté et non une obligation.

Règle n°2 : Les modalités d’appréciation de l’irrégularité d’une offre

Dans cette affaire, le règlement de la consultation précisait que le critère de jugement des offres relatif au nombre des personnels qualifiés spécifiquement affectés au marché serait jugé au regard des éléments remis dans le mémoire technique. Le règlement indiquait également que le candidat devait apporter tout élément justificatif permettant de s’assurer qu’il disposera des personnels nécessaires à l’exécution du marché (promesse d’embauche, sous-traitance, interim…) et que l’absence de ces justifications pourra entraîner la non-conformité de l’offre.

Ces exigences visaient à s’assurer que les entreprises candidates disposeraient effectivement des personnels dont elles se prévalaient. Or, si la société requérante a bien communiquer dans son offre la liste nominative des différents personnels qui seraient affectés au marché, elle n’a produit aucun élément justificatif à l’appui de cette déclaration conformément aux exigences du règlement de la consultation de sorte que son offre a été considérée comme irrégulière sans que l’acheteur public ne soit tenu de la régulariser.


Conseil d’État
26 avril 2018
n°417072

 

  1. Considérant qu’il ressort des énonciations de l’ordonnance attaquée que le département des Bouches-du-Rhône a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution de marchés ayant pour objet l’exécution de travaux d’entretien, de rénovation, de réparation et d’amélioration des bâtiments de son patrimoine immobilier ; qu’il a rejeté comme irrégulière l’offre que la société Inéo Provence et Côte d’Azur avait présentée pour le lot n°10, ” électricité ” ; qu’il se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 20 décembre 2017 par laquelle le juge du référé précontractuel a annulé, à la demande de la société Inéo Provence et Côte d’Azur et sur le fondement des dispositions de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, la procédure de passation du marché au stade de l’analyse des offres ;
  2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : ” Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, ou la délégation d’un service public (…) ” ;
  3. Considérant qu’aux termes de l’article 59 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : ” I. L’acheteur vérifie que les offres (…) sont régulières, acceptables et appropriées. / Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu’elle est incomplète (…) / II. Dans les procédures d’appel d’offres et les procédures adaptées sans négociation, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. Toutefois, l’acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu’elles ne soient pas anormalement basses (…) / IV. La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet de modifier les caractéristiques substantielles des offres (…) ” ; qu’il résulte de ces dispositions que si, dans les procédures d’appel d’offre, l’acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires dont l’offre est irrégulière à la régulariser, dès lors qu’elle n’est pas anormalement basse et que la régularisation n’a pas pour effet d’en modifier des caractéristiques substantielles, il ne s’agit toutefois que d’une simple faculté qui lui est offerte, non d’une obligation ;
  4. Considérant, par suite, que, quels qu’aient été les motifs ayant conduit le département des Bouches-du-Rhône à ne pas inviter la société Inéo Provence et Côte d’Azur à régulariser son offre, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit en estimant que le département ne pouvait l’éliminer sans inviter au préalable cette société à la régulariser ; qu’il suit de là que le département des Bouches-du-Rhône est fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de son pourvoi, à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée
  5. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
  6. Considérant qu’aux termes de l’article 6.2 du règlement de la consultation : ” (…) En application de l’article 62 II du décret relatif aux marchés publics, les critères de jugement des offres sont les suivants : (…) 2- Le nombre des personnels qualifiés spécifiquement affectés au marché, jugé au regard des éléments remis dans le mémoire technique. Il est rappelé que le candidat devra apporter tout élément justificatif permettant de s’assurer qu’il disposera des personnels nécessaires à l’exécution du marché (promesse d’embauche, sous-traitance, interim…). L’absence de ces justifications pourra entraîner la non-conformité de l’offre. Ce critère sera noté de 0 à 5 puis rétabli en base 100 puis pondéré (10 %). L’attention du candidat est attirée sur le fait qu’il devra préciser dans son mémoire les profils des exécutants qu’il envisage d’affecter à l’exécution du marché. A cet effet, il devra préciser pour chaque profil ses qualifications et ses références (…) ” ;
  7. Considérant que les exigences fixées par le règlement de la consultation au stade de l’examen des offres ne sauraient être regardées comme ne s’adressant qu’aux entreprises de petite taille ou à celles nouvellement créées et comme ne s’appliquant pas à la société requérante ; que ces exigences visaient à s’assurer que les entreprises candidates disposaient effectivement des personnels dont elles se prévalaient, compte tenu des difficultés rencontrées par le département lors d’une précédente procédure de passation de marchés portant sur les mêmes prestations, et étaient donc en rapport avec l’objet du marché ; qu’il résulte de l’instruction que, si la société Inéo Provence et Côte d’Azur a communiqué la liste nominative des différents personnels qui seraient affectés au marché, elle n’a produit aucun élément justificatif à l’appui de cette déclaration ; qu’à supposer même que le département ait insuffisamment motivé le rejet de l’offre de la société, les éléments d’information utiles ont été apportés à la requérante dans le cadre de la présente procédure de référé précontractuel ; que, par suite, la société, qui ne critique pas utilement les dispositions précitées du règlement de la consultation, n’est pas fondée à soutenir que le département des Bouches-du-Rhône aurait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en rejetant son offre comme irrégulière sans l’inviter à la régulariser ;
  8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la demande de la société Inéo Provence et Côte d’Azur doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761 du code de justice administrative ;
  9. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge du département des Bouches-du-Rhône qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Inéo Provence et Côte d’Azur le versement d’une somme de 4 500 euros au département des Bouches-du-Rhône au titre des frais exposés tant devant le tribunal administratif que devant le Conseil d’Etat ;

 

D E C I D E :
Article 1er : L’ordonnance du 20 décembre 2017 du juge du référé du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société Inéo Provence et Côte d’Azur est rejetée.
Article 3 : La société Inéo Provence et Côte d’Azur versera au département des Bouches-du-Rhône une somme de 4 500 euros, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Inéo Provence et Côte d’Azur au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au département des Bouches-du-Rhône et à la société Inéo Provence et Côte d’Azur.


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