CE 3 juin 2020, centre hospitalier d’Avignon, req. n°428845
Ce qu’il faut retenir: La publication d’un avis d’attribution qui mentionne à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation permet de faire courir le délai de recours contre le contrat, peu importe qu’il n’indique pas la date de la conclusion du contrat.
Pour rappel, l’article R. 2183-1 du code de la commande publique rappelle que pour les marchés d’un montant supérieur ou égal aux seuils des procédures formalisées, l’acheteur public doit publier un avis d’attribution dans un délai maximal de trente jours à compter de la signature du marché au BOAMP et ou au JOUE pour l’Etat et les collectivités territoriales. Cet avis d’attribution doit indiquer les principales informations relatives à l’attribution du marché.
La publication d’un avis d’attribution présente l’intérêt de faire courir les délais de recours contentieux que ce soit en matière de procédure de référé ou de recours au fond y compris pour les contrats qui ne sont pas en principe soumis à cette formalité.
En matière de référé contractuel, l’article R551-7 du code de justice administrative rappelle que la publication d’un avis d’attribution permet de réduire de six mois à un mois le délai pendant lequel les candidats évincés peuvent saisir le juge du référé contractuel.
En matière de recours au fond, la publication d’un avis d’attribution permet de réduire à deux mois le délai pendant lequel les candidats évincés peuvent saisir le juge d’une action en contestation de la validité du contrat (CE Ass.16 juillet 2007 Sté Tropic Travaux Signalisation, n°291545, CE Ass. 4 avril 2014, Département du Tarn et Garonne, n°358994)
La publication d’un avis d’attribution présente également un intérêt pour les contrats qui ne sont pas soumis à cette formalité et notamment les marchés à procédure adaptée l’absence de publication d’un avis d’attribution comprenant les informations requise, tout candidat évincé peut effectuer un recours dirigé contre le contrat sans condition de délai, par exemple 1 an après sa signature au lieu de deux mois en cas de publicité.
En matière pénale, dans un arrêt du 18 novembre 2019, C18/03327, la Cour d’appel de Paris a également considéré que la publication d’un avis d’attribution est de nature à faire courir les délais de prescription en matière de délit d’octroi d’avantage injustifié visé par l’article 432-14 du Code pénal.
Pour rappel, la jurisprudence du Conseil d’Etat est constante depuis 2007 pour considérer que la publication d’un avis d’attribution qui ne mentionne pas le nom des attributaires des marchés ni les modalités de leur consultation ne fait pas courir les délais de recours contentieux (CE Ass.16 juillet 2007 Sté Tropic Travaux Signalisation, n°291545, CE Ass. 4 avril 2014, Département du Tarn et Garonne, n°358994).
Le non-respect de ces formalités permet la contestation des marchés devant les juridictions sans conditions de délais (CAA Lyon 14 février 2013, Sté ACS Production, n°12LY00305, CAA Lyon 5 mai 2011, Sté SMTP, n°10LY00134).
Dans son arrêt du 3 juin 2020, centre hospitalier d’Avignon, le Conseil d’Etat complète sa jurisprudence en précisant que la circonstance qu’un avis d’attribution ne mentionne pas la date de la conclusion du contrat est sans incidence sur le point de départ du délai de recours contentieux qui court à compter de cette publication.
CE 3 juin 2020, centre hospitalier d’Avignon, req. n°428845
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions contestant la validité du contrat :
Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La circonstance que l’avis ne mentionne pas la date de la conclusion du contrat est sans incidence sur le point de départ du délai de recours contentieux qui court à compter de cette publication.
4. Ainsi qu’il a été dit au point précédent, la publication d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi permet de faire courir le délai de recours contre le contrat, la circonstance que l’avis ne mentionnerait pas la date de la conclusion du contrat étant sans incidence sur le point de départ du délai qui court à compter de cette publication.
Par suite, en estimant, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de ce que les conclusions du BEAH contestant la validité du contrat litigieux, déposées le 12 mars 2015 au greffe du tribunal administratif de Nîmes, étaient tardives, que les ” avis d’attribution ” du marché, publiés le 2 décembre 2014 au Journal officiel de l’Union européenne et au Bulletin officiel des annonces de marchés publics, conformément aux dispositions de l’article 85 du code des marchés publics alors applicable, figurant aujourd’hui à l’article R. 2183-1 du code de la commande publique, ne constituaient pas une mesure de publicité appropriée susceptible de faire courir le délai de recours contentieux, au motif que ces publications ne faisaient état que de l’attribution du marché, et non de sa conclusion, et ne mentionnaient que les coordonnées de la cellule des marchés du centre hospitalier, mention qui pourtant relevait des modalités de la consultation du contrat, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit.
Sur les conclusions indemnitaires :
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt du 14 janvier 2019 de la cour administrative d’appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Marseille.
Article 3 : Le Bureau européen d’assurance hospitalière versera une somme de 3 000 euros chacun au centre hospitalier d’Avignon et à la SHAM au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par le BEAH au titre des mêmes dispositions sont rejetées.