CE 26 avril 2018, Communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée, req.n°407898
Cet arrêt donne l’occasion de rappeler que le non-respect du formalisme du mémoire de réclamation entraîne l’irrecevabilité du recours.
Pour rappel, une communauté d’agglomération a conclu avec un groupement de maîtrise d’œuvre un contrat portant sur la réhabilitation d’une station d’épuration. En cours d’exécution du marché, ledit groupement a réclamé une augmentation de sa rémunération à laquelle la communauté d’agglomération a refusé de faire droit. Les membres du groupement de maîtrise d’œuvre ont alors décidé de saisir la juridiction administrative en vue de condamner la communauté d’agglomération à leur verser les sommes réclamées.
Le Conseil d’Etat va rejeter le recours au motif que le courrier par lequel les membres du groupement de maîtrise d’œuvre ont sollicité une augmentation de leur rémunération ne peut pas s’assimiler à un mémoire de réclamation au sens du CCAG-PI applicable au marché et de la jurisprudence administrative rendue en la matière.
L’article 40.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de prestations intellectuelles (CCAG-PI) dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion du marché de maîtrise d’œuvre indique que: « tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l’objet, de la part du titulaire, d’un mémoire de réclamation qui doit être remis à la personne responsable du marché ». Il en résulte que tout différend entre le titulaire et l’acheteur public doit faire l’objet, préalablement à toute instance contentieuse, d’un mémoire en réclamation de la part du titulaire du marché.
Au terme de la jurisprudence, un mémoire du titulaire d’un marché ne peut être regardé comme un mémoire de réclamation au sens de l’article 40.1 du CCAG-PI que s’il comporte l’énoncé d’un différend et expose de façon précise et détaillée les chefs de la contestation en indiquant, d’une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d’autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées.
Au cas présent, le Conseil d’Etat considère qu’un courrier qui se borne à proposer une augmentation de la rémunération prévue au marché en proposant différentes solutions pour fonder juridiquement l’octroi de cette augmentation mais sans comporter l’énoncé d’un différend ne peut pas être regardé comme une réclamation au sens de l’article 40.1 du CCAG-PI. En la matière, il faut donc en déduire que trop de politesse tue la procédure. Il ne faut pas proposer mais exiger et menacer pour qu’un courrier puisse être considéré comme un véritable mémoire de réclamation.
Le non respecte du formalisme de la réclamation peut avoir des conséquences radicales sur la recevabilité de la requête puisque l’absence de notification d’une réclamation préalable frappe les recours contentieux d’irrecevabilité qu’il s’agisse d’actions au fond ou de certains procédures de référé comme le référé provision (CE 16 décembre 2009, Sté d’architecture Groupe 6, req.n°326220).
Conseil d’État
26 avril 2018
n°407898
Considérant qu’un mémoire du titulaire d’un marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens de l’article 40.1 du CCAG-PI que s’il comporte l’énoncé d’un différend et expose de façon précise et détaillée les chefs de la contestation en indiquant, d’une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d’autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées ; que par suite, en se bornant à relever, pour juger que le courrier du groupement de maîtrise d’oeuvre en date 20 septembre 2010 devait être regardé comme constituant une réclamation, au sens de cet article 40.1, applicable au marché en cause, et écarter la fin de non recevoir de la communauté d’agglomération tirée de ce que le différend entre elle et son maître d’oeuvre n’avait pas fait l’objet, préalablement à l’instance contentieuse, d’un mémoire en réclamation de la part du groupement, que ce courrier détaillait le montant des prestations dont les sociétés demandaient l’indemnisation et les motifs de cette demande, sans rechercher s’il comportait, en outre, l’énoncé d’un différend, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyen du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que le courrier précité du 20 septembre 2010 ne comportait pas l’énoncé d’un différend dès lors que le groupement proposait différentes solutions pour fonder juridiquement l’octroi d’une augmentation de sa rémunération et indiquait : “ Je demeure à votre entière disposition pour m’entretenir avec vous de la faisabilité de cette solution… “ ; qu’il ne peut dès lors pas être regardé comme une réclamation au sens de l’article 40.1 du CCAG-PI ; que faute d’avoir respecté la procédure prévue à cet article 40.1, la société Envéo Ingénierie n’est pas fondée à soutenir que la demande de première instance des sociétés membres du groupement était recevable et que c’est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la communauté d’agglomération à leur verser une somme de 337 906,50 euros au titre de leur rémunération de maître d’oeuvre ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 12 décembre 2016 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la société Envéo Ingénierie devant la cour administrative d’appel de Marseille est rejetée.
Article 3 : La société Envéo Ingénierie versera à la communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée, à la société Envéo Ingénierie et à la société EMTS.