CE 15 mars 2019, SAGEM, n°413584
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat apporte des éclaircissements intéressants d’une part sur les modalités selon lesquelles un opérateur économique peut se prévaloir des capacités financières, techniques et professionnelles d’un autre opérateur économique ; d’autre part sur les limites selon lesquelles il peut valoriser son offre.
Enseignement n°1 : Modalités selon lesquelles un opérateur économique peut se prévaloir des capacités d’un autre opérateur économique
Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de rappeler à plusieurs reprises que l’acheteur public a l’obligation de contrôler les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats à l’attribution d’un marché public (CE 12 novembre 2015, SAGEM, req.n°386578, CE 26 mars 2008, Communauté urbaine de Lyon, req.n°303779). et qu’en cas de contestation, il est tenu d’apporter la preuve qu’il s’est réellement mis en mesure de contrôler les capacités techniques et financières des candidats ainsi que les justificatifs de ce contrôle : « qu’il ressort de l’ordonnance attaquée que, pour accueillir le moyen tiré de ce que le groupement attributaire ne justifiait pas détenir les capacités professionnelles et techniques exigées et ne pas avoir besoin de recourir à des moyens externes, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Dijon s’est fondé sur l’absence d’éléments suffisants, à défaut notamment de la production par le département ou le groupement attributaire, au cours de l’instruction, du dossier de candidature du groupement, pour qu’il soit procédé au contrôle de l’appréciation que le département était tenu de porter sur la candidature du groupement » (CE 17 septembre 2014, Société Delta Process, req. n°378722). Ces obligations s’imposent également pour l’attribution des concessions de services.
Pour valoriser sa candidature, un opérateur économique peut décider de se prévaloir des capacités financières, techniques et professionnelles d’autres opérateurs économiques, que ce soit ses filiales des sociétés du groupe auquel il appartient ou de toute autre entité tierce. L’article R 2142-3 du Code de la commande publique indique que pour les marchés publics, un candidat peut demander que soient prises en compte les capacités professionnelles, techniques et financières d’autres opérateurs économiques, quelle que soit la nature des liens existant entre ces opérateurs et lui. Cet article reprend à l’identique les dispositions de l’article 48 II du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics en vigueur jusqu’au 1er avril 2019.
Mais dans ce cas, il appartient à l’opérateur économique de justifier qu’il en disposera effectivement en cas d’attribution du contrat. C’est la raison pour laquelle tant les textes que la jurisprudence exigences la production d’un document écrit, daté et signé qui indique que l’opérateur économique en question met effectivement à la disposition du candidat ses moyens pour l’exécution des prestations du marché.
L’article R2143-12 du Code de la commande publique précise en effet que : « si le candidat s’appuie sur les capacités d’autres opérateurs économiques, il justifie des capacités de ce ou ces opérateurs économiques et apporte la preuve qu’il en disposera pour l’exécution du marché public. Cette preuve peut être apportée par tout moyen approprié ». Les preuves apportées doivent prendre la forme d’une obligation juridiquement contraignante, afin de garantir que les moyens et compétences de l’entreprise tierce seront effectivement à la disposition de l’entreprise titulaire. Il peut s’agir, par exemple, d’une convention de mise à disposition datée et signée.
En l’espèce, le Conseil d’Etat rappelle que l’autorité concédante « ne peut sélectionner l’offre d’un candidat qui n’a pas justifié de ses capacités ». En outre, la Haute juridiction administrative relève que si l’opérateur économique pouvait se prévaloir des capacités financières de sa maison mère, son dossier de candidature ne contenait aucun engagement formalisé de cette dernière de sorte que sa candidature aurait dû être rejetée.
Enseignement n°2 : Sur les limites de valorisation des offres
Il convient de rappeler qu’aux termes des dispositions de l’article L2152-2 du Code de la commande publique « Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu’elle est incomplète». Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de considérer comme irrégulière, une offre qui de manière générale ne respecte pas les exigences des cahiers des charges (CE 25 mars 2013, Département de l’Hérault, req.n°364824).
Au cas présent, le Conseil d’Etat considère que l’offre retenue est irrégulière dès lors qu’elle proposait en méconnaissance du règlement de consultation, un nombre très significatif de logements sociaux de types ” PLAI ” et ” PLUS “, pour lesquels les constructeurs bénéficiaient d’importantes subventions publiques et de taux d’emprunt privilégiés, qui étaient de nature à modifier nettement l’équilibre économique du contrat. En outre, l’offre retenue prévoyait une densité supplémentaire de 2 000 m² environ sur le site de l’ancien hôpital par rapport au projet présenté dans le document programme, soit une hausse à ce titre de 10 % de la surface, ainsi que quatre-vingt-dix places supplémentaires de parking pour un nombre initialement prévu dans les documents de la consultation de 533.
Enfin, le Conseil d’Etat considère en toute logique que les vices qui affectent le contrat sont d’une particulière gravité dès lors qu’ils méconnaissent l’irrégularité de la candidature et de l’offre du titulaire du marché. Les multiples irrégularités de la candidature et de l’offre du titulaire du contrat constituent des vices d’une particulière gravité qui imposent l’annulation du contrat dès lors qu’ils touchent directement au choix du titulaire du marché sans qu’il soit possible dans ce cas d’invoquer une atteinte excessive à l’intérêt général pour éviter la sanction.
CE 15 mars 2019, SAGEM,n°413584
Considérant ce qui suit :
- Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un avis d’appel public à la concurrence publié le 23 décembre 2010, la commune de Saint-Tropez a lancé une procédure de consultation en vue de la passation d’une concession d’aménagement portant sur la restructuration urbaine de trois secteurs situés en centre-ville : le couvent, la dalle des Lices et l’ancien hôpital. A l’issue de négociations avec quatre candidats, l’offre de la société Kaufman et Broad Provence a été retenue. Aux termes d’une délibération du conseil municipal du 2 août 2011, le maire de Saint-Tropez a été autorisé à signer la convention de concession, ce qu’il a fait le 22 août suivant. La société anonyme gardéenne d’économie mixte (SAGEM), candidate évincée, a saisi le tribunal administratif de Toulon le 6 octobre 2011 d’une demande d’annulation de cette convention, que ce tribunal a rejetée par un jugement du 17 juillet 2013. La cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel de la SAGEM contre ce jugement par un arrêt du 27 octobre 2014. Le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a, par une décision du 12 novembre 2015, annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire à la cour administrative d’appel de Lyon. La SAGEM se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 22 juin 2017 par lequel cette cour a rejeté son appel.
Sur le pourvoi en cassation :
- Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour estimer qu’en dépit de la gravité des irrégularités affectant la validité de la convention de concession d’aménagement litigieuse, il n’y avait pas lieu de prononcer la résiliation ou l’annulation de ce contrat en raison de l’atteinte excessive à l’intérêt général que de telles mesures représenteraient, la cour administrative d’appel de Lyon, qui était pourtant saisie d’argumentations développées des parties sur ce point, s’est bornée à faire état, en des termes hypothétiques et imprécis, des conséquences inextricables d’une éventuelle annulation et de la complexité de l’ensemble des montages juridiques et financiers qui pourraient pour certains être remis en cause par une telle mesure. Elle n’a ce faisant pas mis le juge de cassation à même de procéder à un contrôle de qualification juridique sur son appréciation des conséquences à tirer sur le contrat des irrégularités constatées et a, ainsi, insuffisamment motivé sa décision. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la SAGEM est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.
- Aux termes du second alinéa de l’article L. 821-2 du code de justice administrative : “ Lorsque l’affaire fait l’objet d’un second pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat statue définitivement sur cette affaire “. Le Conseil d’Etat étant saisi, en l’espèce, d’un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l’affaire au fond.
Sur la recevabilité de la demande :
- Il résulte de l’instruction que la SAGEM a présenté une offre dans le cadre de la procédure de passation concernant la concession en litige. Ainsi, et quand bien même son offre aurait-elle pu être rejetée comme irrégulière ou inacceptable par la commune de Saint-Tropez, la société requérante, en sa qualité de concurrent évincé, avait bien intérêt à demander l’annulation de la convention litigieuse. Est sans incidence à cet égard la circonstance que la démarche contentieuse engagée par la SAGEM serait animée par des motifs prétendument illégitimes. Par suite, les fins de non-recevoir opposées par la commune de Saint-Tropez et la société Kaufman et Broad Provence doivent être écartées.
Sur la validité du contrat litigieux :
- En premier lieu, les deux premiers alinéas de l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme énoncent, dans leur rédaction applicable au litige, que : “ L’Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, peuvent concéder la réalisation des opérations d’aménagement prévues par le présent code à toute personne y ayant vocation. L’attribution des concessions d’aménagement est soumise par le concédant à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat “. L’article R.* 300-8 du même code, alors applicable, précisait que : “ Le concédant choisit le concessionnaire en prenant notamment en compte les capacités techniques et financières des candidats et leur aptitude à conduire l’opération d’aménagement projetée, après avoir engagé librement toute discussion utile avec une ou plusieurs personnes ayant remis une proposition “.
- L’article 11.2 du règlement de la consultation pour la concession de l’opération d’aménagement Couvent Lices Hôpital indique, s’agissant de l’appréciation de la capacité économique et financière des candidats, que : “ Chaque candidat produira : / – son chiffre d’affaires global et le chiffre d’affaires relatif aux opérations comparables à la prestation en cause réalisées au cours des trois dernières années, / – les bilans et comptes de résultats des trois derniers exercices disponibles, / – la justification et la nature des garanties financières apportées pour la prise de risque pour réaliser l’opération, dans les conditions de nature à préserver les intérêts de la collectivité “. En vertu de l’article 5 du même règlement, le pouvoir adjudicateur, qui constate que des pièces dont la production était demandée sont absentes ou incomplètes, se réserve le droit de demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai identique pour tous.
- Il résulte des dispositions citées ci-dessus que le concédant doit tenir compte des capacités techniques et financières des candidats à l’opération d’aménagement. S’il a la faculté de demander à un candidat, dans le respect du principe d’égalité, de compléter son dossier afin qu’il puisse justifier de ses aptitudes, ainsi d’ailleurs que le prévoyait l’article 5 du règlement de consultation de la concession d’aménagement litigieuse, il ne peut légalement sélectionner l’offre d’un candidat qui n’a pas justifié de ses capacités.
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Il résulte de l’instruction que si la convention litigieuse a été conclue entre la commune de Saint-Tropez et la société “ Kaufman et Broad Provence “, cette dernière s’était prévalue, au cours de la négociation avec les candidats, du soutien financier de sa maison-mère, “ Kaufman et Broad SA “. Ainsi, son dossier de candidature d’avril 2011 comporte une présentation des capacités financières de “ Kaufman et Broad SA “, dont elle fournit les bilans et comptes annuels, et évoque les garanties financières de cette dernière ainsi qu’un exemple de montage financier dans une autre commune. De même, la commune a produit des pièces, notamment des courriers ou comptes-rendus datés de juin et juillet 2011, montrant tout l’intérêt que portait le président de “ Kaufman et Broad SA “ à l’opération d’aménagement. Enfin, a également été produite devant le tribunal administratif une lettre du Crédit agricole du 22 avril 2011 indiquant que la banque était disposée à étudier le financement de l’opération. Toutefois, dès lors qu’aucun des documents produits ne peut être regardé comme un engagement formalisé, la commune de Saint-Tropez ne pouvait en déduire, lors du choix des candidats, que, pour le projet en cause, les capacités et les garanties financières de la société “ Kaufman et Broad SA “ pouvaient être ajoutées à celles de “ Kaufman et Broad Provence “. Dès lors, comme le soutient la société SAGEM, la commune ne pouvait examiner l’offre de “ Kaufman et Broad Provence “ qui n’avait justifié par aucun document probant que sa société-mère avait mis ses capacités et garanties à sa disposition.
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En deuxième lieu, il est constant que l’opération d’aménagement avait pour objet la réalisation d’environ deux cent quarante logements et, en particulier, que le secteur du couvent avait fait l’objet de permis de construire en cours de validité permettant de réaliser soixante-dix logements et locaux commerciaux. A cet égard, le document programme du traité de concession indiquait que : “ l’ensemble des permis de construire est transféré au bénéfice du concessionnaire. Ces permis ont fait l’objet d’un contrat de maîtrise d’oeuvre en cours de validité. L’aménageur aura à sa charge de le poursuivre ou de le résilier dans des conditions à déterminer avec le concédant “.
- Il résulte de l’instruction que les dossiers de demande de permis de construire, sur la base desquels les offres devaient être élaborées, ont été établis par le cabinet d’architecture Vieillecroze, maître d’oeuvre de la commune de Saint-Tropez. Or, ce même cabinet d’architecture a été, aux termes d’une prestation rémunérée, le conseil de la société “ Kaufman et Broad Provence “, y compris pendant la phase de négociation des offres au cours de laquelle des permis de construire étaient encore en instruction. Si les pièces produites devant la cour de renvoi établissent que le cabinet Vieillecroze avait offert ses services à l’ensemble des autres candidats et participé à des réunions de négociations également pour Icade et Vinci Immobilier, la commune ne pouvait d’ailleurs ignorer que la participation de cet intervenant était de nature, dans les circonstances de l’espèce, à procurer à la société Kaufman et Broad Provence des informations susceptibles de l’avantager. Par suite, la société SAGEM est fondée à soutenir que la procédure suivie a méconnu le principe d’égalité entre les candidats.
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En troisième lieu, le règlement de consultation de la concession litigieuse indiquait que “ le programme prévisionnel autorise la construction d’environ deux cent quarante logements répartis par moitié sur les deux sites, pour deux tiers en logements locatifs à prix maîtrisé et pour un tiers de logements en accession libre “. Le document programme du traité de concession d’aménagement précisait que “ l’objectif premier est de créer une offre locative située à environ 20 % en dessous du prix du marché. Il apparait un réel besoin en logements locatifs intermédiaires non réglementés, entre 10 et 13 euros/m² hors charges. Mais également une demande à la marge pour la mise sur le marché d’une offre comprise entre 8 et 10 euros/m² hors charges “.
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Il ressort toutefois de l’instruction qu’aux termes de la délibération du conseil municipal de Saint-Tropez du 2 août 2011 autorisant le maire à signer la concession d’aménagement avec la société Kaufman et Broad Provence, l’offre retenue comportait, en méconnaissance du règlement de consultation, un nombre très significatif de logements sociaux de types “ PLAI “ et “ PLUS “, pour lesquels les constructeurs bénéficiaient d’importantes subventions publiques et de taux d’emprunt privilégiés, qui étaient de nature à modifier nettement l’équilibre économique du contrat. En outre, l’offre retenue prévoyait une densité supplémentaire de 2 000 m² environ sur le site de l’ancien hôpital par rapport au projet présenté dans le document programme, soit une hausse à ce titre de 10 % de la surface, ainsi que quatre-vingt-dix places supplémentaires de parking pour un nombre initialement prévu dans les documents de la consultation de 533. Dès lors, les modifications intervenues au stade de la signature de la convention ont modifié substantiellement l’économie du projet mis à la concurrence et ont ainsi porté atteinte aux règles de publicité et de mise en concurrence.
- Il appartient au juge du contrat, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier l’importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, soit d’inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d’irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office, l’annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s’il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu’il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l’indemnisation du préjudice découlant de l’atteinte à des droits lésés.
- Il résulte de l’instruction que les vices entachant la convention litigieuse, tirés de la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence, révèlent également, en l’état de l’instruction, une volonté de la personne publique de favoriser un candidat et ont affecté gravement la légalité du choix du concessionnaire. Par leur particulière gravité et en l’absence de régularisation possible, ils impliquent que soit prononcée l’annulation de la concession d’aménagement litigieuse, dès lors que, contrairement à ce qui est soutenu en défense, une telle mesure ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général.
- D’une part, en effet, l’annulation d’une concession d’aménagement n’a pas, par elle-même, pour effet d’anéantir rétroactivement les actes passés pour son application. En particulier, il ne ressort pas de l’instruction que les baux emphytéotiques administratifs conclus entre la commune et l’aménageur en vue de la réalisation de biens locatifs intermédiaires et sociaux, qui ont fait l’objet d’actes séparés, pourraient encore être contestés. De même, les parties n’invoquent aucun élément permettant d’estimer sérieusement, notamment au regard des dispositions des articles 555 ou 1599 du code civil, que l’annulation prononcée aurait à elle seule pour effet de remettre en cause les actes de droit privé conclus, soit entre la commune et l’aménageur soit par l’aménageur avec des tiers, en vue de l’acquisition, de la vente ou de la location de biens immobiliers situés sur le périmètre de l’opération d’aménagement. Il n’est d’ailleurs pas même allégué que ces actes seraient entachés d’un quelconque vice du consentement qui pourrait conduire les personnes ayant acquis des biens réalisés dans le cadre de l’opération d’aménagement à les contester.
- D’autre part, ni la circonstance que la concession soit arrivée à son terme en août 2017 et que les travaux prévus seraient achevés, qui n’est pas de nature à priver d’objet une mesure d’annulation et ne révèle par elle-même aucune atteinte à l’intérêt général, ni l’hypothèse qu’une indemnité serait due par la commune à la société Kaufman et Broad Provence, dont le montant éventuel n’est étayé par aucune allégation sérieuse et qui ne pourra en tout état de cause s’apprécier que dans les conditions de droit commun, ne sont de nature à faire obstacle au prononcé de l’annulation du contrat.
- Il appartiendra aux parties de réexaminer l’exécution financière de la concession d’aménagement annulée sur le terrain quasi-contractuel de l’enrichissement sans cause ainsi que, le cas échéant, sur le terrain de la faute. De même, il reviendra à la société Kaufman et Broad Provence de restituer les terrains ou équipements qui n’ont pas fait l’objet d’un transfert de propriété.
- Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la SAGEM est fondée à soutenir que c’est à tort que, par son jugement du 17 juillet 2013, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la concession d’aménagement conclue le 22 août 2011 par la commune de Saint-Tropez et la société Kaufman et Broad Provence
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 741-2 du code de justice administrative :
- En vertu des dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l’article L. 741-2 du code de justice administrative, les juridictions peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d’office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires. Toutefois, contrairement à ce que soutient la société requérante, le passage dont elle demande la suppression dans le mémoire de la société Kaufman et Broad Provence enregistré le 30 mai 2016 devant la cour administrative d’appel de Lyon n’excède pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d’une procédure contentieuse et ne présente pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire. Les conclusions tendant à sa suppression doivent par suite être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
- Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce et au titre de l’ensemble des instances engagées, de mettre à la charge de la commune de Saint-Tropez et de la société Kaufman et Broad Provence la somme de 3 000 euros à verser chacune à la SAGEM au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la SAGEM qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt du 22 juin 2017 de la cour administrative d’appel de Lyon, le jugement du 17 juillet 2013 du tribunal administratif de Toulon et la concession d’aménagement signée le 22 août 2011 par la commune de Saint-Tropez et la société Kaufman et Broad Provence sont annulés.
Article 2 : La commune de Saint-Tropez et la société Kaufman et Broad Provence verseront chacune la somme de 3 000 euros à la SAGEM au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Tropez et la société Kaufman et Broad Provence au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative devant le tribunal administratif de Toulon, la cour administrative d’appel de Lyon et le Conseil d’Etat sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la SAGEM est rejeté.