CE 9 juin 2020, Métropole Nice-Côte d’Azur, req. n°436922
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat confirme sa jurisprudence selon laquelle il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de contrôler la compétence de l’acheteur public qui lance la procédure. La seule circonstance que la procédure de passation du contrat est engagée et conduite par une personne publique qui n’est pas encore compétente pour le signer n’emporte pas l’irrégularité de la procédure de passation de la procédure.
Enseignement n°1 : Il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de contrôler la compétence de l’acheteur public qui lance la procédure
Dans un arrêt du 30 juin 1999, Demathieu et Bard, n°198993, le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de rappeler que le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour vérifier si l’acheteur public est effectivement compétent pour signer le contrat : « que si la S.A. DEMATHIEU ET BARD soutient que le marché a été signé par une collectivité publique incompétente en matière d’investissements routiers, il n’appartient pas au juge, statuant sur le fondement de l’article L. 22 précité, de contrôler la compétence de la collectivité publique au regard de l’objet du contrat dont la passation est engagée ».
Dans un arrêt du 19 novembre 2004, n°266975, Commune d’Auxerre c/ Société Saur France, le Conseil d’Etat a confirmé sa jurisprudence en rappelant que le moyen tiré de l’incompétence de la collectivité publique pour signer le contrat est inopérant devant le juge du référé précontractuel : « Considérant que, si la société Saur France soutient que la délégation a été signée par une collectivité publique désormais incompétente en matière de traitement et d’épuration des eaux usées, il n’appartient pas au juge, statuant sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, de contrôler la compétence de la collectivité publique au regard de l’objet de la délégation dont la passation est engagée ; que, par suite, le moyen tiré de l’incompétence de la COMMUNE D’AUXERRE est inopérant et ne peut qu’être écarté ».
Dans son arrêt du 9 juin 2020, le Conseil d’Etat complète sa jurisprudence en indiquant qu’il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de contrôler si, au regard de l’objet du contrat dont la passation est engagée, la personne publique est, à la date où elle signe le contrat, compétente à cette fin. Plus précisément, le Conseil d’Etat considère que le juge du référé précontractuel ne saurait déduire de la seule circonstance que la procédure de passation du contrat est engagée et conduite par une personne publique qui n’est pas encore compétente pour le signer que cette procédure est irrégulière.
En effet, lorsqu’une personne publique a vocation à exercer la compétence nécessaire à la conclusion et à l’exécution d’un contrat de la commande publique, notamment parce qu’elle est en cours de création ou de transformation ou parce qu’une procédure, par laquelle la compétence nécessaire doit lui être dévolue, est déjà engagée, aucune règle ni aucun principe ne font obstacle à ce qu’elle engage elle-même la procédure de passation du contrat, alors même qu’elle n’est pas encore compétente à cette date pour le conclure.
Il appartient seulement à la personne publique de faire savoir, dès le lancement de la procédure de passation, que le contrat ne sera signé qu’après qu’elle sera devenue compétente à cette fin. Une personne publique peut par ailleurs signer un contrat dont la procédure de passation a été engagée et conduite par une autre personne publique, à laquelle, à la date de la signature du contrat, elle est substituée de plein droit, sans que cette procédure soit, en l’absence de vice propre, entachée d’irrégularité.
Enseignement n°2 : Il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de contrôler la validité de la signature du contrat
Dans un arrêt du 27 mars 2006, SA Les Compagnons paveurs, n°282035, le Conseil d’Etat a rappelé que le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour contrôler la validité de la signature d’un marché public : « Considérant qu’en vertu de ces dispositions, la SOCIETE LES COMPAGNONS PAVEURS a demandé au magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier d’enjoindre à la ville de Nîmes de refaire une nouvelle procédure d’appel d’offres ouvert pour la passation, dans le cadre du réaménagement de l’espace public Arènes-Esplanade-Feuchères, du marché portant sur le lot n° 2 pour la fourniture et l’exécution de travaux de dallage, béton, revêtement pierre, mobilier urbain et serrurerie ; qu’il résulte de l’instruction qu’après le rejet de cette demande par une ordonnance en date du 7 juin 2005, la ville de Nîmes a achevé la procédure de passation du contrat qui a été signé le 5 juillet 2005 ; qu’il n’appartient pas au juge des référés, saisi en application des dispositions précitées de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, de contrôler la validité d’une telle signature ; que si la société requérante soutient que d’une part, le marché comporterait des contradictions sur la date de sa signature et sur le montant des travaux et que d’autre part, les pages de l’acte d’engagement n’auraient pas été paraphées par les parties, ces circonstances, à les supposer établies, ne suffisent pas à faire regarder la signature du contrat comme inexistante »
En conséquence, le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour rechercher si le signataire d’un contrat justifie d’une qualité pour le signer (CE 8 février 1999, Sté Campenon Bernard SGE, n°188100). Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a en effet considéré que : « Considérant [……….] que si la société CAMPENON BERNARD SGE soutient que ni le représentant de l’administration ni celui des entreprises cosignataires n’avaient qualité ni reçu délégation pour signer ce marché, il n’appartient pas au juge, statuant sur le fondement de l’article L. 22 précité, de contrôler la validité de la signature du contrat en cause ».;
Enseignement n°3 : Il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de contrôler le respect par un établissement public du principe de spécialité
Dans un arrêt du 21 juin 2000, Syndicat intercommunal de la côte d’Amour et de la presqu’île guérandaise, n°209319, le Conseil d’Etat a également eu l’occasion de préciser que le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour contrôler le respect, par le pouvoir adjudicateur, du principe de spécialité s’agissant d’un établissement public : « Considérant toutefois qu’il n’appartient pas au juge, statuant sur le fondement de l’article L.22 précité, de contrôler le respect, par un syndicat intercommunal à vocation multiple soumis aux dispositions de l’article L.1411-1 du code général des collectivités territoriales, du principe de spécialité des établissements publics mais le seul respect des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles cet établissement est soumis ; qu’ainsi, en se fondant sur la seule circonstance que la commission de délégation avait été amenée à porter une appréciation sur des offres dont le contenu répondait à une variante méconnaissant le principe de spécialité des établissements public, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a entaché son ordonnance d’une erreur de droit ».
CE 9 juin 2020, Métropole Nice-Côte d’Azur, req. n°436922
Considérant ce qui suit :
- Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
- Il ressort des énonciations des ordonnances attaquées que la métropole Nice-Côte d’Azur, qui avait décidé dès le début de l’année 2018 de faire jouer le droit de priorité que lui reconnaît l’article L. 2124-4 du code général de la propriété des personnes publiques pour bénéficier, à l’expiration, le 31 décembre 2019, de la concession des plages naturelles attribuée à la commune de Nice, de la future concession de ces plages pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2031, a lancé en octobre 2018 une procédure de passation d’une délégation de service public balnéaire, portant sur quatorze lots d’exploitation de plage, situés sur le domaine public maritime et le domaine public métropolitain. Par une délibération du 25 octobre 2019, le conseil métropolitain a choisi les sociétés Maka, la société Baieta Plage et la société Servotel Sylnis comme nouveaux sous-concessionnaires pour exploiter, respectivement, les lots n°s 5, 9 et 10. Par trois ordonnances du 5 décembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Les Voiliers, de la société Lido Plage et de la société Sporting Plage, concurrents évincés, annulé la procédure de passation de la délégation de service public pour les lots n°s 5, 9 et 10 et rejeté le surplus des conclusions des sociétés requérantes. La métropole Nice-Côte d’Azur se pourvoit en cassation contre ces trois ordonnances en tant qu’elles ont annulé la procédure de passation de la délégation de service public balnéaire pour les lots n°s 5, 9 et 10.
- Aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : “ Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, la délégation d’un service public ou la sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une société d’économie mixte à opération unique “.
- Il incombe au juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, d’apprécier si ont été commis des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles d’avoir lésé ou ont risqué de léser, fût-ce de façon indirecte, l’entreprise qui le saisit. Il ne lui appartient pas de contrôler si, au regard de l’objet du contrat dont la passation est engagée, la personne publique est, à la date où elle signe le contrat, compétente à cette fin.
- Le juge du référé précontractuel ne saurait davantage déduire de la seule circonstance que la procédure de passation du contrat est engagée et conduite par une personne publique qui n’est pas encore compétente pour le signer que cette procédure est irrégulière, au motif notamment, s’agissant d’une délégation de service public, que la commission de délégation de service public qui a procédé à l’appréciation des offres serait nécessairement, dans une telle hypothèse, irrégulièrement composée et que la procédure de passation serait nécessairement conduite par une autorité qui n’est pas habilitée à cette fin. En effet, lorsqu’une personne publique a vocation à exercer la compétence nécessaire à la conclusion et à l’exécution d’un contrat de la commande publique, notamment parce qu’elle est en cours de création ou de transformation ou parce qu’une procédure, par laquelle la compétence nécessaire doit lui être dévolue, est déjà engagée, aucune règle ni aucun principe ne font obstacle à ce qu’elle engage elle-même la procédure de passation du contrat, alors même qu’elle n’est pas encore compétente à cette date pour le conclure. Il en va notamment ainsi lorsque le contrat en cause a pour objet la gestion d’un service public. Il appartient seulement à la personne publique de faire savoir, dès le lancement de la procédure de passation, que le contrat ne sera signé qu’après qu’elle sera devenue compétente à cette fin. Une personne publique peut par ailleurs signer un contrat dont la procédure de passation a été engagée et conduite par une autre personne publique, à laquelle, à la date de la signature du contrat, elle est substituée de plein droit, sans que cette procédure soit, en l’absence de vice propre, entachée d’irrégularité.
- Il ressort des énonciations des ordonnances attaquées que, pour annuler la procédure de passation de la délégation de service public balnéaire pour les trois lots en litige, le juge des référés du tribunal administratif de Nice s’est fondé sur la circonstance que cette procédure, y compris le choix de l’entreprise attributaire, avait été conduite par la métropole Nice Côte d’Azur, alors que le contrat par lequel l’Etat était susceptible de lui attribuer la concession des plages naturelles de Nice, dont l’attributaire était jusque-là la ville de Nice, n’était pas encore signé et que l’enquête publique préalable n’était pas terminée. Il a déduit de cette circonstance que la métropole n’était pas compétente pour conclure le contrat quand elle a lancé la procédure de passation ni pendant qu’elle la conduite et qu’il en résultait nécessairement que la commission de délégation de service public de la métropole n’avait pu procéder régulièrement à l’analyse des offres, qui aurait dû être effectuée par la commission de la ville de Nice, et que la procédure de passation avait nécessairement été conduite par une autorité qui n’était pas habilitée à cette fin. Estimant que ces irrégularités avaient été susceptibles de léser les sociétés qui l’avaient saisi, il a jugé que l’ensemble de la procédure de passation du contrat était, pour les trois lots en litige, entaché d’irrégularité.
- Il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus que, en statuant ainsi, le juge des référés du tribunal administratif de Nice, qui n’a constaté aucun vice propre dans la composition ou le fonctionnement de la commission de délégation de service public de la métropole Nice-Côte d’Azur et qui a d’ailleurs relevé que l’Etat avait engagé la procédure d’attribution de la concession des plages naturelles de Nice à la métropole et que celle-ci avait expressément fait savoir, dès le 25 octobre 2019, que le contrat ne serait signé qu’après l’attribution de cette concession, a commis une erreur de droit.
- Dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des pourvois, la métropole Nice-Côte d’Azur est fondée à demander l’annulation des ordonnances qu’elle attaque en tant qu’elles ont annulé la procédure de passation de la délégation de service public balnéaire pour les lots n°s 5, 9 et 10.
- Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler les affaires au titre des procédures de référé engagées.
Sur la demande de la société Les Voiliers relative au lot n° 5 :
En ce qui concerne l’incompétence de la métropole Nice-Côte d’Azur :
- Il résulte de ce qui a été dit au point 7 ci-dessus que le moyen tiré de ce que la métropole Nice-Côte d’Azur n’était pas compétente pour mener la procédure de passation de la délégation de service public balnéaire pour le lot n° 5 de la plage de Nice et que la procédure de passation était donc nécessairement irrégulière ne peut qu’être écarté.
En ce qui concerne les critères de sélection des offres :
S’agissant de la pondération des critères et sous-critères de choix :
- Aux termes de l’article 27 du décret 1er février 2016 relatif aux contrats de concession, alors applicable : “ I. – Pour attribuer le contrat de concession, l’autorité concédante se fonde, conformément aux dispositions de l’article 47 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 susvisée, sur une pluralité de critères non discriminatoires. Au nombre de ces critères, peuvent figurer notamment des critères environnementaux, sociaux, relatifs à l’innovation. Lorsque la gestion d’un service public est déléguée, l’autorité concédante se fonde également sur la qualité du service rendu aux usagers. / Les critères et leur description sont indiqués dans l’avis de concession, dans l’invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation. / II. – Pour les contrats de concession qui relèvent du 1° de l’article 9, l’autorité concédante fixe les critères d’attribution par ordre décroissant d’importance. Leur hiérarchisation est indiquée dans l’avis de concession, dans l’invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation “.
- Il résulte de ces dispositions que l’autorité concédante n’est pas tenue de procéder à la pondération des critères d’attribution des offres et a pour seule obligation d’indiquer et de décrire ces critères et, pour les contrats supérieurs aux seuils européens, de les hiérarchiser. En l’espèce, la métropole Nice Côte d’Azur a choisi de procéder à la pondération des trois critères d’attribution des offres – “ qualité du projet d’exploitation “, “ critère technique “ et “ critère financier “ et à la hiérarchisation des sous-critères d’appréciation de ces critères. Le moyen tiré de ce que la procédure de passation du contrat de concession serait irrégulière faute de pondération des sous-critères d’appréciation des offres ne peut qu’être écarté.
- La société Les Voiliers n’est par ailleurs pas fondée à soutenir que la pondération du critère financier à hauteur de 25 % ne permettait manifestement pas de retenir l’offre économiquement la plus avantageuse.
S’agissant de la régularité des sous-critères :
Quant au critère “ Qualité du projet d’exploitation “ :
- Le règlement de la consultation indique que le critère “ Qualité du projet d’exploitation “, pondéré à hauteur de 40 %, est apprécié selon quatre sous-critères d’importance décroissante : “ restauration (diversité des produits, qualification et expérience du personnel de cuisine, organisation de la plage) “, “ plage (nombre de matelas au m², qualité et esthétique des installations et des équipements de plage) “, “ accueil du public et satisfaction des clients (démarche de labellisation, projet d’accueil du public, mesure d’évaluation de la satisfaction du client) “, “ actions en faveur du développement durable et de l’environnement “. Contrairement à ce que soutient la société Les Voiliers, le sous-critère “ plage “, dont le règlement de la consultation précise la méthode de notation en mentionnant la densité des équipements ainsi que leur qualité et leur esthétique, et le sous critère “ actions en faveur du développement durable et de l’environnement “, qui sont relatifs aux activités destinées à répondre aux besoins du service public balnéaire, dont l’article R. 2124-13 du code général de la propriété des personnes publiques précise qu’elles doivent être compatibles avec “ les impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques ainsi qu’avec la vocation des espaces terrestres avoisinants “, sont suffisamment précis et ne confèrent pas à la métropole Nice-Côte d’Azur une marge d’appréciation inconditionnée.
- Par ailleurs, contrairement à ce soutient la société Les Voiliers, la métropole Nice-Côte d’Azur pouvait, sans méconnaître le principe d’égalité entre les candidats ni entacher la procédure d’irrégularité, apprécier la valeur des offres au regard du sous-critère “ accueil du public et satisfaction clients “ en tenant compte des démarches de labellisation engagées ou envisagées par les candidats.
Quant au critère technique :
- Le règlement de la consultation prévoit deux sous-critères au titre du critère technique, lequel est pondéré à hauteur de 35 % : le sous-critère “ programme d’investissement de premier établissement “ et le sous-critère “ renouvellement et entretien des biens et équipements (montant et périodicité) “. Contrairement à ce qui est soutenu, le sous-critère “ programme d’investissement de premier établissement “ n’a ni pour objet ni pour effet de désavantager la candidature du sous-concessionnaire sortant par rapport aux autres candidatures. Par suite, le moyen tiré de ce que ce sous-critère présenterait un caractère discriminatoire doit être écarté.
Quant au critère financier :
- Le règlement de la consultation prévoit que le critère financier, pondéré à hauteur de 25 %, est divisé en deux sous-critères : “ montant des redevances versées à la métropole “ et “ crédibilité de l’offre financière “. Contrairement à ce qui est soutenu, ces deux sous-critères ne donnent pas lieu à une évaluation sur la base des seules déclarations des soumissionnaires, mais à une appréciation sur la base des engagements pris en matière de redevances, d’investissements ou de conditions tarifaires et sur la base des garanties financières fournies par les candidats, dont la métropole peut contrôler l’exactitude. Par suite, la société Les Voiliers n’est pas fondée à soutenir que ces sous-critères seraient entachés d’irrégularité, faute de permettre de sélectionner la meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante.
En ce qui concerne l’absence d’information sur les caractéristiques et les avantages de l’offre retenue :
- L’article 29 du décret 1er février 2016 relatif aux contrats de concession, alors applicable, dispose que : “ I. – Pour les contrats de concession dont la valeur est égale ou supérieure au seuil visé à l’article 9, à l’exception des contrats de concession relevant du a et du b du 2° de l’article 10, l’autorité concédante, dès qu’elle a fait son choix pour une candidature ou une offre, notifie à tous les autres candidats et soumissionnaires le rejet de leur candidature ou de leur offre. Cette notification précise les motifs de ce rejet et, pour les soumissionnaires, le nom du ou des attributaires ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de l’offre “.
- Il résulte de l’instruction que la métropole Nice-Côte d’Azur a informé la société Les Voiliers, par un courrier du 30 octobre 2019, du rejet de son offre en indiquant le nom de la société Maka, attributaire de la concession. Ce courrier précisait les notes obtenues par la société Les Voiliers et par la société Maka au titre des trois critères de sélection et indiquait que “ la société Maka a formulé une meilleure offre, compte-tenu, en particulier, de ses propositions en matière de labellisation de l’équipement de bain, de programme de travaux et de redevances “. La métropole a également communiqué à la société Les Voiliers, le 14 novembre 2019, une copie de la délibération du conseil métropolitain du 25 octobre 2019 approuvant le choix de la société Maka, qui précise les caractéristiques de son offre au vu desquelles elle a été choisie. Par suite, le moyen tiré de ce que la métropole aurait méconnu les dispositions précitées de l’article 29 du décret du 1er février 2016 doit être écarté.
En ce qui concerne l’offre retenue :
- La société Les Voiliers soutient que la société Maka aurait communiqué à la métropole des renseignements financiers erronés en raison du caractère défectueux du cadre de réponse fourni par la métropole, qu’elle n’aurait pas produit la garantie bancaire exigée par l’article 6.2 du règlement de la consultation relative aux “ pièces à fournir au titre de l’offre “ et qu’elle ne serait pas en mesure de reprendre le personnel de la précédente sous-concession. En l’absence de toute précision permettant d’apprécier le bien-fondé de ces affirmations, le moyen tiré de ce que l’offre de la société Maka ne respecterait pas les conditions prévues par les documents de la consultation et aurait dû être éliminée ne peut qu’être écarté.
- Il résulte de tout ce qui précède que la société Les Voiliers n’est pas fondée à demander l’annulation de la procédure de passation de la délégation de service public balnéaire engagée par la métropole Nice-Côte d’Azur pour l’exploitation du lot n° 5 de la plage de Nice.
Sur la demande de la société Lido Plage relative au lot n° 10 :
En ce qui concerne le périmètre de la concession :
- Une collectivité publique ne saurait, sans méconnaître les impératifs de bonne administration ou les obligations générales de mise en concurrence qui s’imposent à elle, donner à une concession un périmètre manifestement excessif ni réunir au sein de la même convention des services qui n’auraient manifestement aucun lien entre eux. L’article R. 2124-14 du code général de la propriété des personnes publiques dispose que : “ Le concessionnaire peut confier à un ou plusieurs sous-traitants, par des conventions d’exploitation, tout ou partie des activités mentionnées à l’article R. 2124-13 “. Aux termes de l’article R. 2124-13 du même code : “ Le concessionnaire est autorisé à occuper une partie de l’espace concédé, pour y installer et exploiter des activités destinées à répondre aux besoins du service public balnéaire. Ces activités doivent avoir un rapport direct avec l’exploitation de la plage et être compatibles avec le maintien de l’usage libre et gratuit des plages, les impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques ainsi qu’avec la vocation des espaces terrestres avoisinants “.
- Il résulte de l’instruction que les activités de restauration, qui font l’objet du premier sous-critère du critère n° 1 “ qualité du projet d’exploitation “, ne sont pas manifestement sans rapport avec les besoins du service public balnéaire ni avec l’exploitation de la plage. Par suite, la société Lido Plage n’est pas fondée à soutenir que la métropole Nice Côte d’Azur aurait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en regroupant, au sein de la même concession, les activités d’exploitation de la plage et des activités de restauration.
En ce qui concerne la candidature et l’offre de la société retenue :
- D’une part, aux termes de l’article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa version alors applicable : “ I.- Une commission ouvre les plis contenant les candidatures ou les offres et dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières, de leur respect de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés prévue aux articles L. 5212-1 à L. 5212-4 du code du travail et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l’égalité des usagers devant le service public “. Il résulte de cette disposition que si l’autorité délégante peut exiger des candidats des documents comptables et des références de nature à attester leurs capacités, cette exigence, lorsqu’elle a pour effet de restreindre l’accès au contrat pour des entreprises de création récente ou n’ayant réalisé jusqu’alors que des prestations d’une ampleur moindre, doit être objectivement rendue nécessaire par l’objet de la délégation et la nature des prestations à réaliser. Dans le cas contraire, l’autorité délégante doit permettre aux candidats de justifier de leurs capacités financières et professionnelles et de leur aptitude à assurer la continuité du service public par tout autre moyen. Il appartient au juge administratif, saisi sur le fondement de l’article L. 551 1 du code de justice administrative, de vérifier la légalité des motifs de l’exclusion d’un candidat d’une procédure de passation d’une délégation de service public, notamment au regard des principes ainsi définis.
- Il résulte de l’instruction qu’eu égard à l’objet du lot litigieux, limité à l’exploitation d’une seule plage, et à la durée, fixée à douze ans, de la sous-concession et compte tenu de la nature des prestations qu’exige le service public balnéaire, l’accès au contrat litigieux ne pouvait être interdit aux entreprises créées au cours de la procédure de passation. En outre, l’article 6.1 du règlement de la consultation précise, s’agissant de la capacité technique et professionnelle des candidats, que “ les sociétés en cours de constitution ou nouvellement créées produiront les éléments dont elles disposent “. Il s’ensuit que la société Lido Plage n’est pas fondée à soutenir que, en raison de sa création au cours de la procédure de passation, la société Baieta Beach, attributaire du contrat de concession en litige, ne pouvait être admise à présenter une offre.
- D’autre part, il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de se prononcer sur l’appréciation portée sur la valeur d’une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu’il est saisi d’un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n’a pas dénaturé le contenu d’une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi au choix de l’attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d’égalité de traitement des candidats.
- La société Lido Plage soutient que la métropole Nice-Côte d’Azur aurait entaché la procédure d’irrégularité en retenant l’offre de la société Baieta Beach, dont les capacités professionnelles, techniques et financières et les engagements seraient selon elle, au seul motif de sa création en cours de procédure, insuffisants. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la société Lido Plage ne peut utilement contester l’appréciation portée par la métropole sur la valeur de l’offre de la société Baieta Beach au regard des critères technique et financier.
- Il résulte de tout ce qui précède que la société Lido Plage n’est pas fondée à demander l’annulation de la procédure de passation de la délégation de service public balnéaire engagée par la métropole Nice-Côte d’Azur pour l’exploitation du lot de plage n° 10 de la plage de Nice.
Sur la demande de la société Sporting Plage relative au lot n° 9 :
En ce qui concerne l’avis de la commission de délégation de service public :
- En vertu des dispositions de l’article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales dans sa version alors applicable, la commission de délégation de service public, après avoir ouvert les plis contenant les offres, donne un avis sur celles-ci. Le moyen tiré de ce que l’avis émis par la commission de délégation de service public serait irrégulier n’est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre d’en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne la procédure de négociation :
- D’une part, aux termes de l’article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales dans sa version alors applicable : “ Au vu de l’avis de la commission, l’autorité habilitée à signer la convention peut organiser librement une négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires dans les conditions prévues par l’article 46 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 susmentionnée “. Contrairement à ce que soutient la société Sporting Plage, ces dispositions, qui n’encadrent pas les modalités d’organisation de la négociation des offres par l’autorité responsable de la personne délégante, permettaient à l’autorité exécutive de la métropole de confier à l’un des élus la négociation des offres avec les candidats admis à négocier, sans qu’il soit besoin à cet effet d’une délégation formelle. Aucune règle ni aucun principe ne font à cet égard obstacle à ce que soit désigné, pour mener la négociation, un membre de la commission de délégation de service public. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure serait entachée d’irrégularité au motif que la négociation a été conduite par une élue qui avait présidé la commission de délégation de service public et qui ne bénéficiait pas d’une délégation à cette fin ne peut qu’être écarté. Il ne résulte par ailleurs pas de l’instruction et n’est d’ailleurs pas soutenu que les négociations auraient été menées en méconnaissance du principe d’impartialité.
- D’autre part, le moyen tiré du caractère insuffisant de l’information donnée aux membres de l’assemblée délibérante et du délai trop bref qui lui aurait été laissé pour se prononcer sur le choix du délégataire ne saurait être utilement soulevé devant le juge du référé précontractuel.
En ce qui concerne les critères de sélection des offres :
S’agissant de la pondération des critères :
- Les dispositions de l’article 27 du décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession, citées au point 11, n’ont ni pour objet ni pour effet d’interdire à l’autorité concédante de procéder à la pondération des critères d’attribution des offres. Par suite, la société Sporting Plage n’est pas fondée à soutenir que la métropole Nice Côte d’Azur aurait entaché la procédure de passation d’irrégularité en procédant à une telle pondération.
S’agissant de la régularité des sous-critères :
- D’une part, ainsi qu’il a été dit au point 17, les deux sous-critères “ montant des redevances versées à la métropole “ et “ crédibilité de l’offre financière “ du critère financier ne donnent pas lieu à une évaluation sur la base des seules déclarations des soumissionnaires, mais à une appréciation sur la base des engagements pris en matière de redevances, d’investissements ou de conditions tarifaires et sur la base des garanties financières fournies par les candidats, dont la métropole peut contrôler l’exactitude. Le sous-critère technique “ programme d’investissement de premier établissement “ n’a par ailleurs, ainsi qu’il a été dit, ni pour objet ni pour effet de désavantager la candidature du sous-concessionnaire sortant par rapport aux autres candidatures. Par suite, la société Sporting Plage n’est pas fondée à soutenir que ces trois sous-critères seraient entachés d’irrégularité.
- D’autre part, contrairement à ce que soutient la société Sporting Plage, le sous-critère technique “ renouvellement et entretien des biens et équipements “ et le sous-critère financier “ crédibilité de l’offre financière “, qui ne laissent pas une marge d’appréciation inconditionnée à l’autorité concédante, sont suffisamment définis.
En ce qui concerne l’absence d’information sur les caractéristiques et les avantages de l’offre retenue :
- Il résulte de l’instruction que la métropole Nice-Côte d’Azur a informé, par un courrier du 30 octobre 2019, la société Sporting Plage du rejet de son offre en indiquant le nom de la société Servotel Sylnis, attributaire de la concession. Ce courrier précisait les notes obtenues par la société Sporting Plage et la société Servotel Sylnis au titre des trois critères de sélection et faisait état de la qualité supérieure des propositions de la société Servotel Sylnis au titre du sous-critère technique “ renouvellement et entretien des équipements “ et du sous-critère financier “ montant des redevances “. La métropole a également communiqué à la société Sporting Plage, le 14 novembre 2019, une copie de la délibération du conseil métropolitain du 25 octobre 2019 approuvant le choix de la société Servotel Sylnis qui précise les caractéristiques de son offre. Par suite, la société Sporting Plage n’est pas fondée à soutenir que la métropole aurait méconnu les dispositions citées au point 20 de l’article 29 du décret du 1er février 2016.
- Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par la métropole Nice-Côte d’Azur et par la société Servotel Sylnis, que la société Sporting Plage n’est pas fondée à demander l’annulation de la procédure de passation de la délégation de service public balnéaire engagée par la métropole Nice Côte d’Azur pour l’exploitation du lot de plage n° 9 de la plage de Nice.
- Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la métropole Nice-Côte d’Azur, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes demandées par la société Les Voiliers, la société Lido Plage et la société Sporting Plage au titre de ces dispositions. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Les Voiliers, de la société Lido Plage et de la société Sporting Plage le versement d’une somme de 4 000 euros chacune à la métropole Nice Côte d’Azur, au titre des mêmes dispositions, pour la procédure suivie devant le Conseil d’Etat et devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice.
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 1er et 2 de l’ordonnance n° 1905413 du 5 décembre 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Nice sont annulés.
Article 2 : Les articles 1er et 2 de l’ordonnance n° 1905411 du 5 décembre 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Nice sont annulés.
Article 3 : Les articles 1er et 2 de l’ordonnance n° 1905398 du 5 décembre 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Nice sont annulés.
Article 4 : Les demandes de la société Les Voiliers, de la société Lido Plage et de la société Sporting Plage devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice et leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La société Les Voiliers, la société Lido Plage et la société Sporting Plage verseront chacune à la métropole Nice Côte d’Azur une somme de 4 000 euros, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.