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Publié le 30 Août 2022

Portée de la clause de conciliation préalable obligatoire dans les contrats de maîtrise d’œuvre

Cass.11 mai 2022 Pourvoi n°21-16.023

La clause d’un contrat de maitrise d’œuvre qui impose une saisine préalable du conseil de l’Ordre des architectes avant toute action judiciaire n’est pas applicable lorsque le litige est engagé sur le fondement des dispositions de l’article 1792 du Code civil.

Ce qu’il faut retenir :

La Cour de cassation considère que la clause de saisine préalable du conseil de l’Ordre n’est pas applicable lorsque le litige porte en partie sur la réparation de désordres de nature décennale relevant du régime de l’article 1792 du Code civil.

Pour rappel, l’article 1792 du code civil indique que : « Tout constructeur est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère ».

La Cour de cassation déduit de ces dispositions que la clause de saisine de l’ordre des architectes préalable à toute action judiciaire, en cas de litige sur le respect des clauses du contrat, « ne peut porter que sur les obligations des parties au regard des dispositions de l’article 1134 du code civil et n’a donc pas vocation à s’appliquer dès lors que la responsabilité de l’architecte est recherchée sur le fondement de l’article 1792 du même code ».

La clause de saisine de l’ordre des architectes préalable à toute action judiciaire n’a donc pas vocation à s’appliquer dès lors que la responsabilité de l’architecte est recherchée sur le fondement de l’article 1792 du même code

Notons que dans un arrêt du 19 janvier 2022 (Cass. 3e civ. 19-1-2022 n° 21-11.095), la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de juger que la clause de recours préalable à un mode alternatif de règlement des litiges figurant dans un contrat de maîtrise d’œuvre est présumée abusive au visa des articles L 212-1 et R 212-2 du Code de la consommation.

Cette clause est pour la plupart du temps rédigée de la manière suivante : « En cas de différend portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes dont relève l’architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire. Cette saisine intervient sur l’initiative de la partie la plus diligente ».

La clause de conciliation préalable obligatoire instituée par le cahier des clauses générales d’un contrat de maîtrise d’œuvre ne peut donc s’appliquer que dans l’hypothèse d’une action formée sur le fondement de la responsabilité contractuelle, et en aucun cas sur celui de la responsabilité décennale.

 


Cass.11 mai 2022 Pourvoi n°21-16.023

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Orléans, 23 février 2021) et les productions, le 25 juin 2011, Mme [Y] a confié à la société Neodomus, architecte, aux droits de laquelle vient la société Architecture milieu territoire 45, assurée par la Mutuelle des architectes français (la MAF), une mission de maîtrise d’oeuvre en vue de la rénovation de sa maison d’habitation.

3. Le cahier des clauses générales du contrat d’architecte contenait, en son article G 10, la clause suivante : « En cas de différend portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes dont relève l’architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire. Cette saisine intervient sur l’initiative de la partie la plus diligente ».

4. La réception est intervenue les 21 mars et 4 avril 2012, avec réserves.

5. Des désordres étant survenus, Mme [Y] a, après expertise judiciaire, assigné l’architecte et son assureur en indemnisation.

Enoncé du moyen

6. Mme [Y] fait grief à l’arrêt d’accueillir la fin de non-recevoir opposée à ses demandes par la société Architecture milieu territoire 45 et la MAF, alors « que la clause suivant laquelle, en cas de litige portant sur l’exécution du contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes dont relève l’architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire, qui institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge, n’est pas applicable lorsque la demande est fondée, même à titre subsidiaire, sur l’article 1792 du code civil ; qu’ayant constaté que Mme [Y] avait assigné la société Neodomus, la société Mutuelle des architectes de France et la société Thélem assurances sur le fondement des articles 1792 et 1147 du code civil et ayant, en outre, relevé que les désordres affectant les douches entraient dans le champ d’application de l’article 1792 du code civil pour être survenus postérieurement à la réception des travaux, la cour d’appel qui a fait droit à la fin de non-recevoir soulevée par la société Neodomus et la société Mutuelle des architectes de France et tirée de l’absence de saisine préalable de l’ordre régional des architectes dont relève la société Neodomus, sans rechercher si la responsabilité de la société Neodomus n’était pas invoquée sur le fondement de l’article 1792 du code civil, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 du code civil, L. 124-3 du code des assurances et l’article 12 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1792 du code civil :

7. Aux termes du premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

8. Selon le second, tout constructeur est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

9. Il résulte de ces dispositions que la clause de saisine de l’ordre des architectes préalable à toute action judiciaire, en cas de litige sur le respect des clauses du contrat, ne peut porter que sur les obligations des parties au regard des dispositions de l’article 1134 du code civil et n’a donc pas vocation à s’appliquer dès lors que la responsabilité de l’architecte est recherchée sur le fondement de l’article 1792 du même code.

10. Pour déclarer irrecevable l’action engagée par Mme [Y] contre l’architecte et la MAF, l’arrêt retient que la clause de l’article G 10 du cahier des clauses générales est licite, claire et précise, qu’elle institue une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge et que le moyen tiré du défaut de mise en oeuvre de cette clause constitue une fin de non-recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel, de sorte que l’action en responsabilité formée par Mme [Y], qui ne conteste pas ne pas avoir saisi le conseil régional de l’ordres des architectes, est irrecevable.

11. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations que Mme [Y] demandait réparation de désordres sur le fondement, notamment, de l’article 1792 du code civil, ce dont il résultait que la clause n’était pas applicable, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il accueille la fin de non-recevoir soulevée par la société Neodomus et la Mutuelle des architectes français fondée sur l’absence de saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes dont relève la société Neodomus, dit que l’action en responsabilité engagée par Mme [Y] à l’encontre de la société Neodomus et de la Mutuelle des architectes français par assignation en date des 2 et 3 décembre 2015 devant le tribunal de grande instance d’Orléans est irrecevable, rejette la demande de dommages-intérêts formée par Mme [Y] au titre de la fin de non-recevoir soulevée par la société Neodomus et la Mutuelle des architectes français et condamne Mme [Y] aux dépens d’appel, l’arrêt rendu le 23 février 2021, entre les parties, par la cour d’appel d’Orléans ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

Condamne la société Architecture milieu territoire 45 et la Mutuelle des architectes français aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Architecture milieu territoire 45 et la Mutuelle des architectes français et les condamne à payer à Mme [Y] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour Mme [Y] Mme [X] [Y] reproche à l’arrêt partiellement infirmatif attaquéd’AVOIR fait droit à la fin de non-recevoir soulevée par la société Neodomus (devenue aujourd’hui la société Architecture Milieu Territoire 45) et la société Mutuelle des architectes de France fondée sur l’absence de saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes dont relève la société Neodomus et d’AVOIR dit irrecevable l’action en responsabilité engagée par Mme [Y] à l’encontre de la société Neodomus et de la société Mutuelle des architectes de France par assignation en date des 2 et 3 décembre 2015 devant le tribunal de grande instance d’Orléans

ALORS QUE la clause suivant laquelle, en cas de litige portant sur l’exécution du contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes dont relève l’architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire, qui institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge, n’est pas applicable lorsque la demande est fondée, même à titre subsidiaire, sur l’article 1792 du code civil ; qu’ayant constaté que Mme [Y] avait assigné la société Neodomus, la société Mutuelle des architectes de France et la société Thelem assurances sur le fondement des articles 1792 et 1147 du code civil et ayant, en outre, relevé que les désordres affectant les douches entraient dans le champ d’application de l’article 1792 du code civil pour être survenus postérieurement à la réception des travaux, la cour d’appel qui a fait droit à la fin de non-recevoir soulevée par la société Neodomus et la société Mutuelle des architectes de France et tirée de l’absence de saisine préalable de l’ordre régional des architectes dont relève la société Neodomus, sans rechercher si la responsabilité de la société Neodomus n’était pas invoquée sur le fondement de l’article 1792 du code civil, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 du code civil, L 124-3 du code des assurances et l’article 12 du code de procédure civile.


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