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Précisions du Conseil d’Etat sur l’interdiction de conclure des accords-cadres sans maximum

 CE 28 janvier 2022, communauté de communes Convergence Garonne, n°456418

Le Conseil d’Etat apporte d’utiles précisions sur l’interdiction de conclure des accords cadres sans maximum selon qu’il s’agit d’une procédure formalisées rentrant dans le champs d’application de la directive 2014/24/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics ou pas.

Point 1 : l’interdiction dans le temps de conclure des accords-cadres sans maximum

Par son arrêt du 17 juin 2021, Simonsen Weel A/S c/ Region Nordjylland og Region Syddanmark (C-23/20), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit, sans prévoir une application différée dans le temps de cette interprétation, que les dispositions de la directive 2014/24/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics doivent être interprétées dans le sens que (1) l’avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre et qu’une fois que cette limite aurait été atteinte, ledit accord-cadre aura épuisé ses effets et que (2) l’indication de la quantité ou de la valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre peut figurer indifféremment dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges.

Il résulte de cet arrêt que, pour tout appel à concurrence relatif à un marché destiné à être passé sous la forme d’un accord-cadre qui, eu égard à son montant, entre dans le champ d’application de cette directive, autrement dit, pour toutes les procédures formalisées, l’avis de publicité doit comporter la mention du montant maximal en valeur ou en quantité que prévoit l’acheteur public. Cette indication peut figurer soit (1) dans l’avis de marché, soit (2) dans les documents contractuels mentionnés dans l’avis de marché et librement accessibles à toutes les personnes intéressées.

Dans son arrêt du 28 janvier 2022, le Conseil d’Etat rappelle qu’il en va différemment que pour les accords-cadres qui ne sont pas régis par cette directive, autrement dit, pour toutes les procédures inférieurs aux seuils des procédures formalisées, pour lesquels le décret du 23 août 2021, modifiant notamment les dispositions de l’article R. 2162-4 du code de la commande publique, a supprimé la possibilité de conclure un accord-cadre sans maximum, en différant, en son article 31, l’application de cette règle aux avis de marché publiés à compter du 1er janvier 2022 afin de ne pas porter une atteinte excessive aux intérêts privés et publics en cause.

En d’autres termes, l’obligation d’indiquer un montant maximal en valeur ou en quantité s’impose :

  • Depuis le 1er avril 2016 pour les procédures formalisées, date de transposition en droit interne de la directive 2014/24/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 ;
  • Depuis le 1er janvier 2022 pour les procédures non formalisées ou ne rentrant pas dans le champ d’application de directive 2014/24/UE.

Cet arrêt fait suite aux différentes ordonnances de référé précontractuel contradictoires sur la portée de la règles rendues par la juridiction administratives: voir notre précédent article.

Point 2 : un manquement objectif susceptible de léser les candidats évincés

Dans son arrêt du 28 janvier 2022, le Conseil d’Etat rappelle qu’un candidat évincé est susceptible d’être lésé par l’absence d’indication dans les documents de la consultation de la quantité ou la valeur maximale des produits à fournir dès lors que ce manquement ne permet pas de présenter une offre adaptée aux prestations maximales auxquelles elle pourrait être amenée à répondre.

Reste maintenant à déterminer si cette irrégularité qui porte est de nature à remettre en cause le classement des offres, et partant, le choix du titulaire du marché, sera considérée comme un vice d’une particulière gravité de nature à remettre en cause le contrat. Rien n’est moins sûr compte tenu de la jurisprudence actuelle du Conseil d’Etat..


CE 28 janvier 2022, communauté de communes Convergence Garonne, n°456418

Considérant ce qui suit :

  1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux que, par des avis d’appel public à la concurrence publiés le 8 mai 2021 au Bulletin officiel des annonces de marchés publics et le 11 mai 2021 au Journal officiel de l’Union européenne, la communauté de communes Convergence Garonne a engagé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un marché sous forme d’accord-cadre ayant pour objet la ” collecte en porte-en-porte et en apport volontaire, tri et valorisation des déchets “, prestations décomposées en deux lots dont le n° 1, objet du présent litige, est relatif à la collecte des déchets ménagers et assimilés en porte en porte. Par une lettre du 16 juillet 2021, la communauté de communes Convergence Garonne a informé la société Coved du rejet de son offre, classée deuxième s’agissant du lot n° 1, et de l’attribution de l’accord-cadre à la société Nicollin. La société Coved a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, d’annuler les décisions relatives à la procédure de passation de ce lot. La communauté de communes Convergence Garonne se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 23 août 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a annulé la procédure d’attribution du lot n° 1.
  2. Aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : ” Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, la délégation d’un service public ou la sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une société d’économie mixte à opération unique. / (…) / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat “.
  3. Les personnes habilitées à engager le recours prévu à l’article L. 551-1 en cas de manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué. Il appartient dès lors au juge du référé précontractuel de rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.
  4. Aux termes de l’article R. 2162-4 du code de la commande publique, dans sa rédaction applicable au présent litige : ” Les accords-cadres peuvent être conclus : / 1° Soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ; / 2° Soit avec seulement un minimum ou un maximum ; / 3° Soit sans minimum ni maximum “.
  5. Par son arrêt du 17 juin 2021, Simonsen Weel A/S c/ Region Nordjylland og Region Syddanmark (C-23/20), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit, sans prévoir une application différée dans le temps de cette interprétation, que les dispositions de la directive 2014/24/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics doivent être interprétées dans le sens que ” l’avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre et qu’une fois que cette limite aurait été atteinte, ledit accord-cadre aura épuisé ses effets ” et que ” l’indication de la quantité ou de la valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre peut figurer indifféremment dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges “.
  6. Il résulte de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne mentionné au point 5 que, pour tout appel à concurrence relatif à un marché destiné à être passé sous la forme d’un accord-cadre qui, eu égard à son montant, entre dans le champ d’application de cette directive, l’avis publié à cet effet doit comporter la mention du montant maximal en valeur ou en quantité que prévoit le pouvoir adjudicateur, cette indication pouvant figurer indifféremment dans l’avis de marché ou dans les documents contractuels mentionnés dans l’avis de marché et librement accessibles à toutes les personnes intéressées. Il n’en va différemment que pour les accords-cadres qui ne sont pas régis par cette directive, pour lesquels le décret du 23 août 2021, modifiant notamment les dispositions de l’article R. 2162-4 du code de la commande publique, a supprimé la possibilité de conclure un accord-cadre sans maximum, en différant, en son article 31, l’application de cette règle aux avis de marché publiés à compter du 1er janvier 2022 afin de ne pas porter une atteinte excessive aux intérêts privés et publics en cause.

  7. D’une part, après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que ni l’avis de marché, ni le cahier des clauses techniques particulières, ni aucune autre pièce du marché ne mentionnait la quantité ou la valeur maximale des produits à fournir dans le cadre du lot n° 1 de l’accord-cadre en litige, qui relève du champ d’application de la directive du 26 février 2014 mentionnée ci-dessus, et, d’autre part, après avoir souverainement estimé qu’en l’espèce, l’absence de cette information n’avait pas mis la société Coved à même de présenter une offre adaptée aux prestations maximales auxquelles elle pourrait être amenée à répondre, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Bordeaux n’a pas inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation en jugeant que la communauté de communes Convergence Garonne avait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence et que la société Coved avait pu être lésée par ce manquement et était ainsi fondée à demander l’annulation de la procédure de passation du lot en litige.

  8. Il résulte de ce qui précède que la communauté de communes Convergence Garonne n’est pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée.
  9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes Convergence Garonne la somme de 3 000 euros à verser à la société Coved au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la société Coved qui n’est pas, dans la présence instance, la partie perdante.

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de la communauté de communes Convergence Garonne est rejeté.
Article 2 : La communauté de communes Convergence Garonne versera à la société Coved la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 


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