CE 2 décembre 2022, M. Claude Danthony, n°454318
Le Conseil d’Etat considère que les actes d’approbation du contrat susceptibles d’être contestés par la voie de l’excès de pouvoir sont uniquement ceux (1) qui émanent d’une autorité distincte des parties contractantes, (2) qui concernent des contrats déjà signés et (3) qui sont nécessaires à leur entrée en vigueur et que seuls les tiers justifiant d’un intérêt lésé peuvent les contester.
Enseignement n°1 : Clarification du régime contentieux des actes d’approbation des contrats administratifs.
Dans son arrêt du 26 décembre 2016, n°392815, Association Etudes et Consommation Cfdt Du Languedoc Roussillon, le Conseil d’État a clarifié le régime contentieux des actes d’approbation des contrats administratifs en rappelant :
- D’une part, que seuls les tiers susceptibles d’être lésés « dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine » sont recevables à contester par la voie de l’excès de pouvoir les actes d’approbation d’un contrat ;
- D’autre part, que seuls les vices propres à l’acte d’approbation et non ceux relatifs au contrat lui-même, pouvaient être invoqués.
Le recours pour excès de pouvoir n’a donc pas totalement disparu du contentieux contractuel mais son champ d’action ne concerne que des cas spécifiques qu’il convient de bien maîtriser à commencer par savoir ce que recouvre la notion d’acte d’approbation d’un contrat. En effet, jusqu’à présent, le juge administratif n’avait pas défini cette notion. C’est désormais chose faite avec la décision du 2 décembre 2022 ici commentée.
Enseignement n°2 : Clarification de la notion d’acte d’approbation d’un contrat
Dans son arrêt du 2 décembre 2022, le Conseil d’État considère que « les actes d’approbation d’un contrat (…) sont seulement ceux (1) qui émanent d’une autorité distincte des parties contractantes, (2) qui concernent des contrats déjà signés et (3) qui sont nécessaire à leur entrée en vigueur ». Ainsi, seuls les actes émanant d’une autorité distincte des parties contractantes sont susceptibles de constituer des actes d’approbation pouvant faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Sont exclus tous les actes qui participent au processus de conclusions du contrat. L’acte d’approbation intervient nécessairement postérieurement à la conclusion du contrat.
Dans l’affaire qui lui était soumise, le Conseil d’Etat juge que ne constitue pas un acte d’approbation une délibération del’Ecole normale supérieure de Lyon par laquelle l’établissement avait approuvé la convention confiant à l’Université de Lyon la souscription et la mise en œuvre d’un contrat de partenariat. Cette délibération portait en effet sur l’approbation d’une convention signée antérieurement par les parties au contrat et émanant de l’une d’elles, et participait donc au processus de conclusion du contrat. Le juge favorise ainsi une analyse finaliste de l’acte sans se limiter à son formalisme, retenant que, même s’il déclare approuver le contrat, l’acte participe en réalité au processus de sa conclusion.
CE 2 décembre 2022, M. Claude Danthony, req. n°454318
Considérant ce qui suit :
- Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une délibération n° III-2-B du 14 décembre 2015, le conseil d’administration de l’Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon a approuvé une convention conclue entre l’Etat, l’ENS et la communauté d’universités et établissements ” Université de Lyon ” visant à confier à cette dernière la souscription et la mise en oeuvre d’un contrat de partenariat public-privé en vue de la réhabilitation, la restructuration et la mise aux normes du site Monod de l’ENS de Lyon. Par un jugement du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. C… D…, membre élu du conseil d’administration de l’ENS de Lyon, tendant à l’annulation de cette délibération. M. D… s’est pourvu en cassation contre l’arrêt du 6 mai 2021 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté son appel contre ce jugement. M. A… D… et Mme B… D…, héritiers de M. C… D… décédé le 8 octobre 2021, ont repris l’instance engagée par celui-ci.
- Aux termes de l’article 7 du décret du 7 mai 2012 fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de l’Ecole normale supérieure de Lyon : ” Le président exerce les attributions confiées au président d’université par l’article L. 712-2 du code de l’éducation, à l’exception du 10°, et les textes pris pour son application. (…) “. Aux termes de l’article 9 de ce même décret : ” Le conseil d’administration exerce les attributions confiées au conseil d’administration des universités par le IV de l’article L. 712 3 du code de l’éducation, à l’exclusion des 8° et 9°. (…) “. L’article L.712-2 du code de l’éducation dispose que ” (…) Le président assure la direction de l’université. A ce titre : (…) / 2° Il (…) conclut les accords et les conventions (…) “. L’article L.712-3 de ce code dispose que : ” (…) IV.- Le conseil d’administration détermine la politique de l’établissement. A ce titre : (…) / 3° Il approuve les accords et les conventions signés par le président de l’établissement (…) “.
- Il résulte de ces dispositions que la conclusion des conventions passées par l’ENS de Lyon intervient au terme d’un processus d’approbation par son conseil d’administration de conventions préalablement signées par son président.
- Indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, dans les conditions définies par la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, les tiers qui se prévalent d’intérêts auxquels l’exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester devant le juge de l’excès de pouvoir la légalité de l’acte administratif portant approbation du contrat. Ils ne peuvent toutefois soulever, dans le cadre d’un tel recours, que des moyens tirés de vices propres à l’acte d’approbation, et non des moyens relatifs au contrat lui-même.
- Toutefois, les actes d’approbation d’un contrat visés au point précédent sont seulement ceux qui émanent d’une autorité distincte des parties contractantes, qui concernent des contrats déjà signés et qui sont nécessaires à leur entrée en vigueur. Ne sont pas au nombre de ces actes ceux qui, même s’ils indiquent formellement approuver le contrat, participent en réalité au processus de sa conclusion.
- Après avoir estimé, sans entacher son arrêt de dénaturation et en le motivant suffisamment sur ce point, que la délibération contestée du 14 décembre 2015 du conseil d’administration de l’ENS de Lyon portait approbation de la convention signée antérieurement par l’ensemble des parties, en date du 19 novembre 2015, la cour n’a pas commis d’erreur de droit, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, en jugeant que M. D… n’était pas recevable à former un recours en excès de pouvoir contre cette délibération.
- Il résulte de qui précède que le pourvoi de M. et de Mme D… doit être rejeté, y compris leurs conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le pourvoi de M. et de Mme D… est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A… D…, premier requérant dénommé, et à l’Ecole normale supérieure de Lyon.
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