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Publié le 02 Jan 2018

Référé suspension et délégation de service public : quelques indications sur les éléments permettant de prouver l’urgence!

CE 22 décembre 2017, Département de Mayotte, req.n°405006

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat donne des indications intéressantes sur les éléments qui peuvent être pris en considération par le juge du référé suspension pour apprécier la condition d’urgence à suspendre une décision prise par un acheteur public dans le cadre de l’exécution d’une délégation de service public.

Pour rappel, l’article L. 521-1 du code de justice administrative indique que le juge des référés peut ordonner la suspension de l’exécution d’une décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. La condition d’urgence à laquelle est subordonnée le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme satisfaite lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Encore faut il le démontrer, pièces à l’appui, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Dans cette affaire, l’acheteur public avait refusé de délivrer un agrément à une société filiale d’une entreprise titulaire d’une délégation de service public pour la gestion et l’exploitation du Port de Longoni, en vue de lui permettre d’exercer une activité de manutention sur le domaine portuaire au profit de sa maison mère, délégataire.

Cette société a alors contesté cette décision de refus d’agrément devant la juridiction administrative tout en demandant sa suspension immédiate. Pour estimer que la condition d’urgence était satisfaite, le juge des référés s’était uniquement fondé sur ce que la filiale en question se trouvait, par l’effet de la décision litigieuse, empêchée d’exercer dans l’enceinte du Port de Longoni l’activité de manutention à laquelle elle se destinait.

Le Conseil d’Etat va casser cette ordonnance au motif pris que pour demander la suspension de la décision qu’elle attaque, la requérante se borne à soutenir qu’elle est empêchée, du fait du refus d’agrément, d’exercer une activité de manutention dans l’enceinte du Port de Longoni, sans apporter aucun élément, relatif notamment à la nature et à l’étendue de ses activités, à son chiffre d’affaires ou à la situation de ses salariés, de nature à établir que ce refus porterait gravement atteinte, à brève échéance, à sa situation économique ou de trésorerie de sorte que la condition d’urgence ne peut être regardée comme satisfaite.


N° 405006

Lecture du vendredi 22 décembre 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

  1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que par une décision du 18 février 2016, le président du conseil départemental de Mayotte a rejeté la demande formée par la société Mayotte Channel Gateway (MCG), titulaire d’une délégation de service public pour la gestion et l’exploitation du Port de Longoni, tendant à ce que soit délivré à sa filiale, la société Manu-Port, un agrément en vue de l’exercice d’une activité de manutention sur le domaine portuaire. La société Manu-Port a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, d’une demande tendant à la suspension de cette décision. Le département de Mayotte se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 28 octobre 2016 par laquelle le juge des référés a ordonné la suspension de la décision contestée.
  2. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : “ Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision “. La condition d’urgence à laquelle est subordonnée le prononcé d’une mesure de suspension en application de ces dispositions doit être regardée comme satisfaite lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre.
  3. Pour estimer que la condition d’urgence était en l’espèce satisfaite, le juge des référés s’est uniquement fondé sur ce que la société Manu-Port se trouvait, par l’effet de la décision litigieuse, empêchée d’exercer dans l’enceinte du Port de Longoni l’activité de manutention à laquelle elle se destinait. En statuant ainsi alors qu’une telle circonstance, qui ne permet pas par elle-même d’établir la gravité de l’atteinte portée à la situation économique de la société Manu-Port, n’est pas, à elle seule, de nature à caractériser une situation d’urgence au sens de l’article L. 521-1 précité, le juge des référés a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son ordonnance doit être annulée.
  4. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.
  5. Pour demander la suspension de la décision qu’elle attaque, la société Manu-Port se borne à soutenir qu’elle est empêchée, du fait du refus d’agrément, d’exercer une activité de manutention dans l’enceinte du Port de Longoni, sans apporter aucun élément, relatif notamment à la nature et à l’étendue de ses activités, à son chiffre d’affaires ou à la situation de ses salariés, de nature à établir que ce refus porterait gravement atteinte, à brève échéance, à sa situation économique ou de trésorerie. Il résulte de ce qui précède que la condition d’urgence ne peut être regardée comme satisfaite. Dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par le département de Mayotte, la demande de la société Manu-Port ne peut qu’être rejetée. 
  6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Manu-Port la somme de 3 000 euros à verser au département de Mayotte, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge du département de Mayotte qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :
Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte du 28 octobre 2016 est annulée.
Article 2 : La demande de la société Manu-Port est rejetée.
Article 3 : La société Manu-Port versera au département de Mayotte la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


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