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Publié le 21 Oct 2016

Des références incomplètes rendent la candidature irrégulière

Conseil d’Etat, 21 octobre 2016, Société Philippe Vediaud Publicité, n°392355

La commune de Bègles avait conclu un marché relatif à la mise à disposition de modules d’affichage destinés à l’information municipale et à la publicité. Un candidat évincé a saisi le Tribunal administratif, qui a annulé le marché. La Cour administrative d’appel a annulé le jugement. Le Conseil d’Etat censure à son tour l’arrêt de la Cour, sur la question de la régularité des candidatures.

Règle n°1 : Quelques références erronées ne sont pas de nature à fausser l’appréciation de la qualification professionnelle

La société requérante avait soulevé deux moyens relatifs aux candidatures. Par le premier, elle soutenait que la société attributaire n’aurait obtenu le marché qu’en produisant de fausses références. A cet égard, la Cour administrative d’appel relève, d’une part, que le choix de la commission d’appel d’offres ne s’est pas fait en fonction des références des candidats mais en prenant en compte leurs offres et, d’autre part, que les références erronées produites par le candidat retenu, qui étaient au nombre de six, n’étaient que quelques-unes des très nombreuses références non contestées invoquées par la société ayant remporté le marché. Le Conseil d’Etat valide ce raisonnement, considérant que quelques références inexactes ne sont pas de nature à fausser l’appréciation de la qualification professionnelle du candidat, dès lors que celui-ci présente une quantité des références non contestées beaucoup plus importante.

Règle n°2 : L’absence de dates et de montants dans les références alors que le règlement de consultation l’exigeait rend la candidature irrégulière

La requérante avait également fait valoir que la candidature de la société attributaire du marché était irrégulière, car elle avait produit des références incomplètes, qui ne mentionnaient ni la date ni le montant des marchés dont elle se prévalait à l’appui de sa candidature, alors que le règlement du marché l’exigeait. On rappellera en effet que l’arrêté du 28 août 2006 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs, applicable dans le cas d’espèce et abrogé depuis le 1er avril 2016, permettait aux pouvoirs adjudicateurs de demander, au stade de la candidature, la présentation d’une liste des principales fournitures ou des principaux services effectués au cours des trois dernières années, indiquant le montant, la date et le destinataire public ou privé. L’arrêté du 29 mars 2016, aujourd’hui applicable, reprend cette possibilité. La Cour administrative d’appel n’avait pas examiné ce moyen.

Le Conseil d’Etat annule son arrêt pour cette raison, en considérant que celui-ci est insuffisamment motivé sur ce point et renvoie l’affaire devant le juge du fond.

Conseil aux pouvoirs adjudicateurs et aux entreprises :

Les pouvoirs adjudicateurs peuvent demander aux candidats de produire leurs références en indiquant le montant, la date et le destinataire : dans ce cas, il convient de rejeter les candidatures qui présentent des références sans apporter ces précisions, le cas échéant après avoir demandé aux candidats de les compléter. Toutefois, il ne s’agit pas d’une obligation et si ces indications ne présentent pas d’intérêt pour le pouvoir adjudicateur, il peut être préférable de ne pas les exiger dans le règlement de consultation, afin de ne pas être obligé d’éliminer des candidats qui n’auraient pas apporté ces indications.

Pour les entreprises candidates, il convient de veiller particulièrement à ce que vos références comportent toutes les précisions demandées par le règlement de consultation, sous peine de voir votre candidature éliminée.

Conseil d’État

N° 392355
ECLI:FR:CECHS:2016:392355.20161021
Inédit au recueil Lebon

7ème chambre jugeant seule

M.Frédéric Dieu, rapporteur
M.Olivier Henrard, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP ODENT, POULET ; SCP GASCHIGNARD, avocats

lecture du vendredi 21 octobre 2016

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La société Philippe Vediaud Publicité a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d’une part, d’annuler le marché conclu en 2010 entre la commune de Bègles et la société Communication et Développement Atlantique, ayant pour objet ” la mise à disposition de modules d’affichage destinés à l’information municipale et à la publicité “, d’autre part, de condamner la commune à l’indemniser des préjudices subis à raison de son éviction irrégulière de ce marché. Par un jugement n° 1000736 du 25 avril 2013, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le marché et condamné la commune de Bègles à verser à la société Philippe Vediaud Publicité la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice. La commune de Bègles et la société Philippe Vediaud Publicité ont toutes deux relevé appel de ce jugement.

Par un arrêt n°s 13BX01692, 13BX01693, 13BX1745 du 2 juin 2015, la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par la société Philippe Vediaud Publicité devant le tribunal.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 août, 5 novembre 2015 et 3 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Philippe Vediaud Publicité demande au Conseil d’Etat :

  1. d’annuler cet arrêt ;
  2. de mettre à la charge de la commune de Bègles et de la société Communication et Développement Atlantique le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

  • le code des marchés publics ;
  • le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

  • le rapport de M. Frédéric Dieu, maître des requêtes,
  • les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la société Philippe Vediaud Publicité, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la commune de Bègles et à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société Communication et Développement Atlantique ;

  1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Bègles a conclu avec la société Communication et Développement Atlantique un marché ayant pour objet la mise à disposition de modules d’affichage destinés à l’information municipale et à la publicité ; que le concurrent évincé, la société Philippe Vediaud Publicité, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l’annulation du marché et la condamnation de la commune à lui verser une indemnité en réparation des dommages causés par son éviction illégale ; que, par un jugement du 25 avril 2013, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le marché et a condamné la commune à verser à la société Philippe Vediaud Publicité la somme de 2 000 euros ; que, par l’arrêt attaqué, la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par la société Philippe Vediaud Publicité devant le tribunal ;
  1. Considérant qu’aux termes de l’article 45 du code des marchés publics, applicable au marché litigieux : ” I. – Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d’évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. (…) / La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l’économie. / (…) ” ; qu’aux termes de l’article 52 du même code : ” I. – (…) Les candidatures (…) sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l’avis d’appel public à la concurrence, ou, s’il s’agit d’une procédure dispensée de l’envoi d’un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. / L’absence de références relatives à l’exécution de marchés de même nature ne peut justifier l’élimination d’un candidat et ne dispense pas le pouvoir adjudicateur d’examiner les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats ” ;
  1. Considérant que si la cour administrative d’appel de Bordeaux a écarté le moyen de la société Philippe Vediaud Publicité tiré de ce que l’appréciation des mérites de la candidature de la société Communication et Développement Atlantique avait été faussée par la prise en compte de fausses références professionnelles, elle n’a, en revanche, pas examiné le moyen opérant, distinct du précédent, tiré de ce que la candidature de cette société était irrégulière dès lors que celle-ci, contrairement à ce qu’exigeait le règlement de la consultation, avait produit des références incomplètes qui ne mentionnaient ni la date ni les montants des marchés dont elle se prévalait à l’appui de sa candidature ; que, par suite, la cour administrative d’appel de Bordeaux a sur ce point insuffisamment motivé son arrêt ;
  1. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Philippe Vediaud Publicité est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
  1. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Philippe Vediaud Publicité, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que demandent à ce titre la société Communication et Développement Atlantique et la commune de Bègles ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de chacune de ces dernières, au même titre, le versement à la société Philippe Vediaud Publicité de la somme de 2 000 euros ;

 

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 2 juin 2015 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Bordeaux.
Article 3 : La société Communication et Développement Atlantique et la commune de Bègles verseront chacune une somme de 2 000 euros à la société Philippe Vediaud Publicité au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Communication et Développement Atlantique et par la commune de Bègles au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Philippe Vediaud Publicité, à la commune de Bègles et à la société Communication et Développement Atlantique.


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