CE 18 juin 2021, Société Eiffage, n°450283
Le refus de l’autorité concédante de prolonger le délai de remise des offres ne constitue pas une atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats dès lors que le requérant n’établit pas, d’une part, la preuve de l’insuffisance manifeste du délai accordé au regard des caractéristiques globales du contrat de concession et des circonstances particulières liées à la crise sanitaire et, d’autre part, la preuve de la transmission tardive d’informations essentielles pour la préparation des offres.
Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord qu’en matière précontractuelle, contractuelle et quasi contractuelle, le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu d’exécution du contrat, à moins que les parties y dérogent d’un commun accord prévu au contrat conformément aux dispositions de l’article R 312-11 du Code de justice administrative (point n°2).
En l’espèce, la société Eiffage et l’État n’ayant pas conclu de contrat, le tribunal administratif de Toulouse ne pouvait pas décliner sa compétence territoriale en se fondant sur les stipulations du projet de cahier des charges de la concession, reprises au sein des avis de concession, qui prévoyaient que le tribunal administratif de Paris était compétent pour régler les litiges entre les parties (point n°3).
Le Conseil d’Etat rappelle ensuite que l’autorité concédante doit fixer le délai de remise des offres en tenant compte de la nature, du montant et des caractéristiques des travaux ou services demandés au concessionnaire dans le respect des délais minimums mentionnés à l’article R 3124-2 du code de la commande publique.
En l’espèce, il considère que le délai de remise des offres de 5,5 mois fixé par l’État n’apparaît pas manifestement insuffisant aussi bien au regard des caractéristiques du contrat que des circonstances particulières liées à la crise sanitaire. De même, la société Eiffage n’établit pas la transmission tardive des informations relatives aux conditions d’exécution de la concession aux soumissionnaires par l’État.
L’arrêt est intéressant en ce qu’il revient sur les critères à prendre en compte par l’autorité concédante pour fixer le délai de remise des offres par les soumissionnaires. En se fondant sur les dispositions du premier alinéa de l’article R. 3124-2 du Code de la commande publique (CCP), le Conseil d’Etat rappelle que pour fixer le délai de remise des offres, l’autorité concédante prend « notamment » en compte la nature, le montant et les caractéristiques des prestations (travaux ou services) demandés au concessionnaire, ainsi que « l’impossibilité d’offrir un accès dématérialisé aux documents de la consultation » si besoin est.
Ainsi, ces dispositions prévoient des critères minima à prendre en compte pour fixer le délai, mais ceux-ci peuvent être plus nombreux, ou plus précis, comme en témoigne l’utilisation de l’adverbe « notamment ». Le second alinéa précise quant à lui le délai minimum de remise des offres, auquel l’autorité concédante ne saurait déroger. Ces dispositions combinées permettent à cette dernière de mettre en œuvre un délai suffisant, notamment faisant en sorte que les soumissionnaires puissent accéder aux informations nécessaires à la préparation des offres. Sur ce point, le juge administratif se limite au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation (point n°6).
Par ailleurs, si une ou plusieurs prolongations du délai de remise des offres peuvent être demandées à l’autorité concédante, celle ou ces prolongations doivent être justifiées de manière objective, dans le respect des principes fondamentaux de la commande publique de l’article L. 3 du CCP. C’est ce que le Conseil d’État avait pu préciser récemment dans une affaire Port autonome de Nouvelle-Calédonie et Société d’économie mixte de la baie de la Moselle (CE 18 déc. 2019, n°432590). Il avait indiqué dans cette affaire qu’il résultait de l’instruction que « si le port autonome de Nouvelle-Calédonie a été saisi d’une demande de prolongation du délai de remise des offres par la SEM de la baie de la Moselle, une telle prolongation était objectivement justifiée par la nécessité d’assurer une information égale des candidats ». Dès lors, il avait conclu que « dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la procédure de passation de la délégation de service public aurait méconnu le principe d’impartialité doivent être écartés ».
En l’espèce, le Conseil d’État considère d’une part, que le délai de cinq mois et demi laissé aux soumissionnaires pour élaborer leurs offres « n’apparaît pas manifestement insuffisant au regard tant des caractéristiques du contrat que des circonstances particulières liées à l’épidémie de covid-19 » (point n°7). D’autre part, la société requérante n’a pas rapporté la preuve de la transmission tardive par l’État des informations nécessaires à la préparation des offres (point n°7 : « n’établit pas davantage que l’autorité concédante aurait tardé à transmettre certains éléments relatifs aux données de trafic, aux études géotechniques et hydrauliques, utiles à l’élaboration des offres »).
Par voie de conséquence, le Conseil d’Etat considère que la demande de prolongation du délai de remise des offres n’était pas justifiée de manière objective, et ne portait donc pas atteinte au principe d’égalité de traitement entre les candidats.
CE 18 juin 2021, Société Eiffage, n°450283
Considérant ce qui suit :
[…]
[…]
D E C I D E :
Article 1er : L’ordonnance du 25 février 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est annulée.
Article 2 : La demande de la société Eiffage est rejetée.
CE 18 juin 2021, Société Eiffage, n°450283:Le refus de l’autorité concédante de prolonger le délai de remise des offres ne constitue pas une atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats dès lors que le requérant n’établit pas, d’une part, la preuve de l’insuffisance manifeste du délai accordé au regard des caractéristiques globales du contrat de concession et des circonstances particulières liées à la crise sanitaire et, d’autre part, la preuve de la transmission tardive d’informations essentielles pour la préparation des offres.