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Publié le 30 Sep 2021

Sauf stipulation contraire, la TVA est réputée incluse dans le prix du contrat public !

CE 29 juin 2021, SOMUPI n°442506

Dans le silence du contrat, le prix versé par l’acheteur public au titulaire du marché est réputé inclure la TVA.

Ce qu’il faut retenir


Point n°1 : la TVA est un élément qui grève le prix convenu entre les parties

  • Dans un premier temps, le Conseil d’État rappelle que la TVA est un élément qui grève le prix convenu avec le client et non un accessoire du prix. Par suite, dans une opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, un prix stipulé sans mention de la taxe doit être réputé inclure la taxe qui sera due par le prestataire de service, à moins qu’une stipulation expresse fasse apparaître que les parties sont convenues d’ajouter au prix stipulé un supplément de prix égal à la taxe sur la valeur ajoutée applicable à l’opération.
  • Dans un deuxième temps, le Conseil d’État rappelle que dans une opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, un prix stipulé sans mention de la taxe doit être réputé inclure la taxe qui sera due par le vendeur ou le prestataire de service. Seule une stipulation expresse contraire du contrat peut « faire apparaître que les parties sont convenues d’ajouté au prix stipulé un supplément de prix égal à la taxe sur la valeur ajoutée applicable à l’opération » (point n°7). Dès lors en l’espèce, « dans le silence des stipulations […] [l’intéressement auquel le titulaire du contrat avait droit devait] être réputé comme défini toutes taxes comprises » (point n°8).

En effet, la Haute juridiction considère que bien que l’intéressement constitue « un élément du prix de la prestation », les stipulations du CCAP, qui prévoient que « les prix sont établis hors TVA », ne régissent pas l’intéressement puisqu’elles ne s’appliquent qu’aux éléments de prix définis dans un article spécifique du CCAP, lequel ne concernait pas l’intéressement (point n°10).


Point n°2 : sur le contenu du sens des conclusions du rapporteur public communiquées avant l’audience

Cette affaire est également l’occasion de rappeler la portée du sens des conclusions du rapporteur public communiquées aux parties avant l’audience en application de l’article R. 711-3 du Code de justice administrative.

Dans un premier temps, le Conseil d’État prend soin de rappeler l’utilité des conclusions du rapporteur public. Celles-ci ont pour objet de « mettre les parties en mesure d’apprécier l’opportunité d’assister à l’audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu’elles peuvent y présenter […] à l’appui de leur argumentation écrite et d’envisager, si elles l’estiment utile, la production, après la séance publique, d’une note en délibéré ». Ainsi, « les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter » (point n°3).

Dans un second temps, le Conseil d’État profite de l’occasion pour rappeler la portée de ces conclusions en précisant qu’il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l’appréciation qu’il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu’appelle, selon lui, le litige, et notamment d’indiquer, lorsqu’il propose le rejet de la requête, s’il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu’il conclut à l’annulation d’une décision, les moyens qu’il propose d’accueillir. La communication de ces informations n’est toutefois pas prescrite à peine d’irrégularité de la décision.

 


CE 29 juin 2021, SOMUPI n°442506,

 

Considérant ce qui suit :

  1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Ville de Paris a conclu, le 27 février 2007, avec la Société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information (SOMUPI) un marché ayant pour objet la mise en place d’une flotte de vélos à destination du public et de mobiliers urbains d’information à caractère général ou local et accessoirement publicitaire. La rémunération de la SOMUPI était assurée, d’une part, conformément aux articles VI.5.2 et VI.5.3 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché, par des recettes publicitaires émanant des annonceurs tiers au marché et le paiement par la Ville de Paris de prestations complémentaires par application d’un bordereau de prix et, d’autre part, conformément à l’article IX du même document, par un intéressement versé par la Ville de Paris lorsque la qualité du service dépasse des niveaux définis par le cahier des clauses techniques particulières et calculé en fonction des recettes résultant des abonnements et de l’utilisation des vélos. Eu égard à la qualité du service rendu, la SOMUPI a facturé à la Ville de Paris un tel intéressement pour la période comprise entre décembre 2010 et décembre 2015. Alors que la SOMUPI a assujetti cet intéressement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la Ville de Paris a estimé que cet intéressement n’était pas soumis à la TVA et a refusé, par courrier du 8 août 2012, de s’acquitter du montant de la TVA à ce titre. Par courrier du 23 février 2016, la SOMUPI a mis en demeure la Ville de Paris d’acquitter avant le 10 mars 2016 ce montant s’élevant à 7 152 919,01 euros. En l’absence de réponse, la SOMUPI a adressé le 23 mars 2016 à la Ville de Paris un mémoire en réclamation. Par un jugement du 27 octobre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SOMUPI tendant à la condamnation de la Ville de Paris à lui verser la somme de 7 152 919,01 euros, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts. La SOMUPI se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 9 juin 2020 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif.

 

Sur la régularité de l’arrêt :

 

  1. Aux termes de l’article R. 711-3 du code de justice administrative : ” Si le jugement de l’affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l’audience, le sens de ces conclusions sur l’affaire qui les concerne “.

 

  1. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions citées au point 2, a pour objet de mettre les parties en mesure d’apprécier l’opportunité d’assister à l’audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu’elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l’appui de leur argumentation écrite et d’envisager, si elles l’estiment utile, la production, après la séance publique, d’une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter, à l’exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s’impose à peine d’irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

 

  1. Par ailleurs, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l’appréciation qu’il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu’appelle, selon lui, le litige, et notamment d’indiquer, lorsqu’il propose le rejet de la requête, s’il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu’il conclut à l’annulation d’une décision, les moyens qu’il propose d’accueillir. La communication de ces informations n’est toutefois pas prescrite à peine d’irrégularité de la décision.

 

  1. Dans le cas mentionné au point 3 comme dans celui indiqué au point 4, le rapporteur public qui, après avoir communiqué le sens de ses conclusions, envisage de modifier sa position doit, à peine d’irrégularité de la décision, mettre les parties à même de connaître ce changement.

 

  1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le sens des conclusions du rapporteur public devant le tribunal administratif de Paris, tendant au ” rejet au fond ” de la demande de la SOMUPI, a été porté à la connaissance des parties au moyen de l’application Télérecours le 10 octobre 2017 à 17h30, en vue d’une audience devant se tenir le 13 octobre 2017 à 9h30. Il ressort des mêmes pièces, notamment de la note en délibéré produite par la SOMUPI à l’issue de cette audience que, s’il a effectivement conclu au rejet au fond de la demande, le rapporteur public a également indiqué, lors de l’audience, que la requête pourrait être rejetée en raison de son irrecevabilité. Toutefois, dès lors que ces considérations supplémentaires n’ont ni contredit, ni modifié le sens des conclusions qui avait été communiqué aux parties dans les conditions prévues par l’article R. 711-3 du code de justice administrative, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’était sans incidence sur la régularité du jugement du tribunal administratif la circonstance que le rapporteur public ait, en l’espèce, non seulement conclu au rejet au fond, mais encore indiqué que la demande pourrait être rejetée en raison de son irrecevabilité.

 

Sur le bien-fondé de l’arrêt :

 

  1. La taxe sur la valeur ajoutée dont est redevable un vendeur ou un prestataire de service est, comme les prélèvements de toute nature assis en addition de cette taxe, un élément qui grève le prix convenu avec le client et non un accessoire du prix. Par suite, dans une opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, un prix stipulé sans mention de la taxe doit être réputé inclure la taxe qui sera due par le vendeur ou le prestataire de service, à moins qu’une stipulation expresse fasse apparaître que les parties sont convenues d’ajouter au prix stipulé un supplément de prix égal à la taxe sur la valeur ajoutée applicable à l’opération.

 

  1. La cour a jugé que l’intéressement auquel la SOMUPI avait droit devait, dans le silence des stipulations de l’article IX du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et par application du principe énoncé au point précédent, être réputé comme défini toutes taxes comprises.

 

  1. D’une part, contrairement à ce qui est soutenu, en faisant application du principe énoncé au point 7 dans un litige de nature contractuelle, la cour n’a pas entaché son arrêt d’une erreur de droit.

 

  1. D’autre part, ainsi qu’il a été dit au point 1, il ressort des pièces du dossier que la rémunération de la SOMUPI était assurée, d’une part, conformément aux articles VI.5.2 et VI.5.3 du CCAP, par des recettes publicitaires tirées de la commercialisation, par la société, des espaces d’affichage auprès d’annonceurs et par des paiements de la Ville de Paris et, d’autre part, conformément à l’article IX du même document, par un intéressement versé par la Ville de Paris, à la condition que la qualité du service dépasse certains niveaux de qualité définis par le cahier des clauses techniques particulières (CCTP). En estimant que si l’intéressement constitue un élément du prix de la prestation, les stipulations de l’article VI.5.1 du cahier des clauses administratives particulières, qui prévoient que ” les prix sont établis hors TVA “, ne s’appliquent qu’aux éléments du prix définis à l’article VI et ne régissent par suite pas l’intéressement, dont les conditions et les modalités de facturation sont définies par les stipulations spécifiques de l’article IX du CCAP, et non par l’article VI de ce même document, la cour n’a entaché son arrêt ni de dénaturation des stipulations du contrat, ni de contradiction de motifs.

[…]

 

  1. Il résulte de tout ce qui précède que la SOMUPI n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

 

[…]

 

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de la Société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information est rejeté.


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