CE 19 mai 2022, Sté Patriarche,n° 454637
L’absence d’information relative à la répartition des tâches entre les membres d’un groupement solidaire n’entraîne pas l’irrecevabilité des demandes formulées par un membre de ce groupement en son nom propre tendant au paiement des prestations qu’il a lui-même effectuées.
Alors que le CCAG Travaux a prévu depuis 1976 les règles de représentation des membres d’un groupement conjoint dans une action contentieuse, les stipulations du CCAG ont toujours, malgré ses modifications, été silencieuses sur les règles de représentation des membres d’un groupement solidaire.
C’est donc le Conseil d’Etat qui a fixé celles-ci.
Ainsi, par une décision Société Entreprise Solétanche du 15 juin 1983 (req. n° 27329, rec. p. 258), le Conseil d’Etat a jugé que « les entreprises qui se sont engagées conjointement et solidairement par un même marché (…) à participer à l’exécution d’un même ouvrage, sans qu’aucune répartition des tâches soit faite entre elles par le marché, doivent être regardées comme s’étant donné mandat mutuel de se représenter dans tous les actes administratifs et techniques relatifs à l’exécution du marché qui interviennent dans les relations contractuelles du maître de l’ouvrage et des entreprises signataires du marché ». Il n’y a donc aucun besoin de le mentionner expressément dans la convention de groupement (CE 11 mai 2011, req. n° 327452).
Par conséquent, chacune d’entre elles peut agir en justice pour réclamer au maître de l’ouvrage des sommes dues au groupement, notamment en cas de carence du mandataire commun (CE25 juin 2004, Syndicat intercommunal de la vallée de l’Ondaine, req. n° 250573, rec. T. p. 770-805) et leurs conclusions doivent, en principe, être regardées comme présentées au nom et pour le compte des membres du groupement et peuvent tendre au paiement du solde global du marché.
Cependant, cette représentation mutuelle cesse lorsque les membres du groupement, présents à l’instance, formulent des conclusions divergentes (CE 31 mai 2010, Sté d’études, de recherche er de développement d’automatismes, req. n° 323948).
Dans son arrêt du 19 mai 2022, le Conseil d’Etat confirme sa jurisprudence antérieure et indique que « les entreprises ayant formé un groupement solidaire pour l’exécution du marché dont elles sont titulaires sont réputées, dès lors qu’aucune répartition des tâches n’a été faite entre elles par le marché, se représenter mutuellement. Il en résulte que leurs conclusions doivent être regardées comme présentées au nom et pour le compte des membres du groupement et qu’elles peuvent tendre au paiement du solde global du marché » ; « Toutefois, d’une part, la représentation mutuelle de membres de groupement cesse lorsque, présents dans l’instance, ils formulent des conclusions divergentes ».
Précisant les modalités de la représentation mutuelle au sein du groupement, le Conseil d’Etat juge qu’ « un membre d’un groupement solidaire, qu’il soit mandataire ou non de ce groupement, est toujours recevable à demander le paiement, pour son propre compte, des prestations qu’il a lui-même effectuées, même en l’absence de répartition des tâches entre les membres de ce groupement ».
Le Conseil d’Etat ajoute que quand le maître d’ouvrage paie les sommes relatives à ces prestations, ou quand le juge le condamne à les verser, ce dernier est alors libéré de sa dette à concurrence du montant des sommes correspondantes à l’égard de l’ensemble des membres du groupement.
La solution adoptée antérieurement par une cour administrative d’appel qui avait jugé que le membre d’un groupement solidaire ne pouvait demander la condamnation du maître de l’ouvrage à payer le solde des travaux qu’il avait effectués à titre personnel si l’acte d’engagement ne répartissait pas les paiements (CAA Nantes, 14 novembre 2014, req. n° 13NT01018), est donc remise en cause.
CE 19 mai 2022, Sté Patriarche,n° 454637
Considérant ce qui suit :
DECIDE :
Article 1er : L’arrêt du 17 mai 2021 de la cour administrative d’appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Bordeaux.
Article 3 : Le centre hospitalier François Dunan versera à la société Patriarche la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.