Même en cas de résiliation, le mandataire du groupement a seul qualité pour porter devant le juge la réclamation du groupement ou de ses membres concernant le décompte du marché. Bien que liés par une convention de groupement, les membres peuvent rechercher la responsabilité extracontractuelle du mandataire pour faute commise dans l’exécution du marché et ayant fondé sa résiliation.
Dans un arrêt du 21 mai 2024, la cour administrative d’appel de Marseille s’est prononcé sur l’étendue du rôle de représentation du mandataire d’un groupement momentané d’entreprises. En principe, et ainsi que le rappelle la cour, la résiliation d’un marché a normalement pour effet la cessation de l’appartenance au groupement conjoint d’entreprises. En conséquence, le cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de travaux prévoit dans son article relatif au règlement des différends (ex-article 50, nouvel article 55) que lorsque le marché est passé avec des entrepreneurs groupés, le mandataire assume un rôle de représentation de ses cotraitants jusqu’à la date de fin des obligations contractuelles. En d’autres termes, la fin normale ou anticipée (résiliation) du marché permet à chaque membre du groupement de porter ses propres réclamations en justice.
En l’espèce, le Grand port maritime de Marseille avait confié un contrat de conception et de construction d’un ouvrage à un groupement d’entreprise, puis avait procédé à sa résiliation pour faute. S’en suivirent les opérations de liquidation et l’établissement du décompte de résiliation. Insatisfaite du décompte, la société cotraitante Ineo a souhaité contester le décompte devant le juge administratif.
La cour confirme toutefois le rejet opposé par les premiers juges, et fondé sur le défaut de qualité à agir de la société. En effet, si l’article 50 du CCAG-Travaux alors applicable prévoit que la fin des relations contractuelles marque la fin du rôle de représentation du mandataire, il précise également qu’il est fait exception à ce principe lorsque les litiges poursuivis concernent le décompte général du marché. Or, la cour relève que le CCAG applicable au marché assimile au décompte général le décompte de résiliation… Dès lors, elle estime que le rôle de représentation du mandataire, en l’espèce la société Spie, n’a pas cessé avec la résiliation du marché pour ce qui concerne les réclamations portant sur le décompte de liquidation.
La cour ajoute que le mandat ainsi donné « au titulaire du groupement » peut être révoqué par les cotraitants, mais à la condition d’obtenir l’accord du maître d’ouvrage public.
Déboutée de ses demandes contractuelles contre le maître d’ouvrage, la société Inéo a alors recherché la responsabilité de la société Spie, en estimant que les fautes commises par cette dernière avaient fondé la résiliation et donc causé son préjudice.
Pour la cour, ce litige opposant les deux sociétés n’a pas trait à l’application des stipulations de la convention, mais concerne les pertes de rémunération et frais supportés par la société Ineo à raison des fautes commises par la société Spie dans l’exécution du marché public de travaux. Ce dont elle déduit de manière opportune la compétence de la juridiction administrative.
Cette argumentation parait audacieuse au regard du principe bien établi dans la jurisprudence du Conseil d’État qu’est l’exclusivité de la responsabilité contractuelle (CE, 1er décembre 1976, Berezowski, n° 98946). Cette dernière implique que les parties à un contrat ne peuvent rechercher la réparation des conséquences dommageables d’une faute de leur partenaire contractuel que dans le cadre du contrat. Ainsi les participants à une opération de travaux peuvent-ils rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres intervenants uniquement s’ils ne sont pas déjà liés par un contrat, de droit public ou privé (CE, 26 mai 1982, Ville de Chamonix et autres, n° 16488). En l’espèce, l’objet-même de la convention de groupement est d’organiser la réponse commune au marché public et son exécution groupée ; il apparait donc douteux que la demande de la société Spie soit véritablement étrangère à l’application de la convention, quand bien même elle ne nécessiterait pas l’interprétation de ses termes. De plus, le groupement ne détenant pas la personnalité juridique, ce sont chacun de ses membres qui sont parties au marché public de travaux en litige. Et pour justifier l’attribution de compétence contentieuse à l’ordre administratif, la cour n’affirme-t-elle pas elle-même que la demande implique que soient appréciées les conditions dans lesquelles le marché public de travaux a été exécuté ?
La société Spie ayant également fait grief au maître d’ouvrage des conséquences dommageables de la mesure de résiliation, elle a également demandé aux premiers juge d’en prononcer le « constat d’invalidité ». Sur ce point, la cour assimile purement et simplement cette demande à un simple moyen à l’appui d’une conclusion indemnitaire, et non pas à une conclusion autonome tendant à la reprise des relations contractuelles.
La demande de la société est donc réduite à une simple demande indemnitaire, en réparation des conséquences d’une résiliation illégale. Et là encore, la cour oppose l’irrecevabilité du recours porté par le cotraitant lui-même, dans la mesure où le montant des indemnités dues en cas de résiliation du marché a vocation à intégrer le décompte de résiliation.
Considérant ce qui suit :
1. Par contrat du 5 août 2013, le Grand port maritime de Marseille a confié à un groupement conjoint constitué de la société Spie Batignolles TPCI, devenue la société Spie Batignolles Génie Civil (” Spie “), de la société par actions simplifiée Jean Negri et Fils, de la société SETEC Travaux publics et industriels (” SETEC TPI “), de la société SETEC Hydratec et de la société Ineo Provence et Côte-d’Azur (” Ineo “), un marché d’un montant de 13 349 200 euros hors taxes ayant pour objet ” la conception, la construction, l’installation, la mise en service et la qualification d’une bouchure mobile de type bateau-porte destinée à la forme 10 du Grand port maritime de Marseille “. Le 1er août 2018, à l’issue du chantier, le Grand port maritime de Marseille a refusé de réceptionner l’ouvrage, au motif que ce dernier n’était pas conforme. Le 2 août 2018, le Grand port maritime de Marseille a mis en demeure le groupement de remédier aux non-conformités constatées, sous peine de résiliation du marché pour faute. Par décision du 4 octobre 2018, il a prononcé la résiliation pour faute du marché et, le 14 novembre 2018, a adressé au groupement titulaire le décompte de résiliation du marché, arrêtant le solde débiteur à la somme de 31 066 145,66 euros toutes taxes comprises. Le 21 novembre 2018, la société Spie, en qualité de mandataire du groupement conjoint, a adressé au maître d’ouvrage et au maître d’œuvre un mémoire de réclamation demandant que le solde du marché soit arrêté au montant créditeur de 16 025 308 euros toutes taxes comprises. Par trois requêtes nos 1809934, 1901423 et 1902845, la société Spie, agissant en qualité de mandataire du groupement, a saisi le tribunal administratif de Marseille d’une contestation de ce décompte général, sollicitant la condamnation du Grand port maritime de Marseille à verser au groupement la somme 16 759 251 euros toutes taxes comprises au titre du solde du décompte du marché. Par une requête n° 1810024, la société Ineo Provence et Côte-d’Azur a saisi le tribunal administratif de Marseille d’une demande tendant à la condamnation du Grand port maritime de Marseille à lui verser la somme de 455 385,50 euros hors taxes en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis en raison de l’illégalité de la décision du 4 octobre 2018 de résiliation du marché, ou à défaut, de condamner la société Spie à lui verser la somme de 455 385,50 euros hors taxes en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis en raison des fautes commises par cette société et ayant entraîné la résiliation du marché. Par une seconde requête n° 1906444, cette société a demandé au tribunal administratif de fixer l’actif du décompte général du marché en ce qui la concerne à 3 500 212 euros toutes taxes comprises, et de condamner le Grand port maritime de Marseille à lui verser la somme de 776 465 euros toutes taxes comprises correspondant au solde du décompte. Par le jugement attaqué, dont la société Ineo relève appel, le tribunal administratif de Marseille a condamné la société Spie à verser à la société Ineo une somme de 8 107,69 euros toutes taxes comprises et rejeté l’ensemble des autres demandes des sociétés Spie et Ineo. Par le même jugement, faisant droit aux demandes reconventionnelles présentées par le Grand port maritime, il a condamné la société Spie à verser à ce dernier la somme de 16 631 645,62 euros toutes taxes comprises.
Sur la mise hors de cause des sociétés Setec Hydratec, Setec TPI et Freyssinet France :
2. Aucune conclusion n’étant présentée à l’encontre de la société Freyssinet France, celle-ci doit être mise hors de cause.
3. En revanche, la société Spie ayant, avant de s’en désister, présenté des conclusions dirigées contre les sociétés Setec Hydratec et Setec TPI, il ne peut être fait droit à la demande de mise hors de cause présentée par ces dernières.
Sur le désistement :
4. Dans son mémoire enregistré le 26 octobre 2023, la société Spie s’est désistée de l’ensemble des conclusions dirigées contre le Grand port maritime de Marseille, la société Setec Hydratec et la société Setec TPI. Ce désistement est pur et simple, et rien ne s’oppose à ce qu’il en soit donné acte.
Sur le bien-fondé du rejet de la demande n° 1906444 :
5. Dans sa demande de première instance enregistrée sous ce numéro, la société Ineo a demandé au tribunal administratif de condamner le Grand port maritime de Marseille à lui verser la somme de 776 465 euros toutes taxes comprises au titre du solde du décompte du marché, avec intérêts moratoires à compter du 21 décembre 2018 et capitalisation des intérêts.
6. Il ressort des points 134 à 136 du jugement attaqué que les premiers juges ont rejeté cette demande comme contractuellement irrecevable, au motif qu’en application de l’article 13.5 et de l’article 50.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, seul le mandataire du groupement était habilité à contester le décompte général du marché.
7. Certes, la résiliation d’un marché a normalement pour effet, sauf stipulation contraire du contrat, la cessation de l’appartenance au groupement conjoint d’entreprises.
8. Toutefois, en l’espèce, il résulte de l’article 13.5.2 du cahier des clauses administratives générales du marché, dans son édition de 2009, qui est au nombre des pièces contractuelles, que ” Le titulaire ou le mandataire est seul habilité à présenter les projets de décomptes et à accepter le décompte général ; sont seules recevables les réclamations formulées ou transmises par ses soins “. En outre, l’article 47.2.1 de ce cahier prévoit que ” (…) Le décompte de liquidation du marché, (…) se substitue au décompte général prévu à l’article 13.4.2 (…) “. Enfin, aux termes de l’article 50 du même cahier : ” 50.3.1. A l’issue de la procédure décrite à l’article 50.1, si le titulaire saisit le tribunal administratif compétent, il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs énoncés dans les mémoires en réclamation. / 50.3.2. Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d’un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l’article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l’article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent (…) 50.6. Règlement des différends et litiges en cas d’entrepreneurs groupés conjoints : / Lorsque le marché est passé avec des entrepreneurs groupés conjoints, le mandataire représente chacun d’eux envers le représentant du pouvoir adjudicateur, pour l’application des dispositions du présent article jusqu’à la date, définie à l’article 44.1, à laquelle prennent fin les obligations contractuelles, chaque membre du groupement étant ensuite seul habilité à poursuivre les litiges qui le concernent à l’exception des dispositions de l’article 13.5.2 “.
9. Il résulte des stipulations précitées de l’article 13.5.2 du cahier des clauses administratives générales, dans son édition de 2009, que le mandataire d’un groupement est seul habilité à accepter le décompte, ou, au contraire, à formuler une réclamation. Par ailleurs, il résulte des stipulations de l’article 47.2.1 du même cahier qu’il en va ainsi alors même que la réclamation porte sur le décompte de liquidation établi à la suite de la résiliation du marché. Enfin, l’article 50.6 du même cahier stipule que cette représentation vaut ” pour l’application du présent article [50] “, et s’étend donc à l’action contentieuse régie par l’article 50.3. Il se déduit donc de la combinaison de ces stipulations que, même en cas de résiliation du marché, le mandataire du groupement a seul qualité pour porter la réclamation du groupement devant le tribunal administratif compétent.
10. Le mandat ainsi donné au titulaire du groupement, qui présente pour le maître de l’ouvrage la garantie de disposer d’un interlocuteur unique dans le cadre de la procédure de réclamation puis de la procédure contentieuse, ne peut être révoqué par ses cotraitants sans l’accord du maître d’ouvrage public.
11. Dès lors, la société Ineo n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir contractuelle qui avait été opposée à sa demande tendant à la condamnation du Grand port maritime à lui payer une somme au titre du décompte général du marché.
Sur la régularité et le bien-fondé du rejet de la demande de première instance n° 1810024 :
En ce qui concerne la recevabilité de l’appel :
12. Dans l’instance n° 1810024, la société Ineo a demandé au tribunal administratif, à titre principal, de condamner le Grand port maritime de Marseille à lui verser la somme de 455 385,50 euros hors taxes en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis en conséquence de la décision de résiliation du 4 octobre 2018, ou, à défaut, de condamner la société Spie à lui verser la même somme. La demande de condamnation de la société Spie, qui devait être regardée depuis l’origine comme présentée sur un fondement quasi-délictuel, n’est donc pas nouvelle en appel.
En ce qui concerne la demande de constat d’invalidité de la décision de résiliation :
13. Si la société Ineo reproche aux premiers juges de ne pas s’être prononcés sur sa demande de constat d’invalidité de la décision de résiliation, il ressort de l’examen de ses écritures de première instance que la société Ineo avait seulement sollicité la condamnation du Grand Port maritime, et non la reprise des relations contractuelles ou l’annulation de la décision de résiliation. Dans ces conditions, en sollicitant des premiers juges qu’ils constatassent l’invalidité de la décision de résiliation, la société a seulement présenté un moyen à l’appui de sa demande indemnitaire, et non une conclusion sur laquelle le tribunal administratif était tenu de statuer spécifiquement à peine d’irrégularité de son jugement.
En ce qui concerne la demande de condamnation du Grand port maritime de Marseille :
14. Il ressort des points 128 à 131 du jugement attaqué que le tribunal administratif a rejeté la demande tendant à la condamnation du Grand port maritime, en relevant que la société Ineo, en dépit d’une invitation à régulariser sa requête adressée le 9 mai 2022, n’avait pas justifié avoir lié le contentieux, comme l’impose l’article R. 421-1 du code de justice administrative.
15. Toutefois, aux termes de l’article R. 412-1 du code de justice administrative : ” La requête doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée ou, dans le cas mentionné à l’article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation. (…) “. Et aux termes de l’article R. 612-1 du même code : ” Lorsque des conclusions sont entachées d’une irrecevabilité susceptible d’être couverte après l’expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d’office cette irrecevabilité qu’après avoir invité leur auteur à les régulariser. (…) La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l’expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. (…) “.
16. Il résulte de ces dispositions que la lettre invitant une partie à régulariser une irrecevabilité doit, à peine d’irrégularité de la procédure, mentionner que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables.
17. Dès lors, le tribunal administratif ne pouvait, faute d’avoir assorti sa demande de régularisation d’une telle mention, rejeter la requête de première instance comme irrecevable.
18. Le jugement est donc irrégulier en tant qu’il rejette la requête n° 1810024, et doit donc, dans cette mesure, être annulé.
19. Il y a lieu, pour la Cour, d’évoquer ce litige pour y statuer immédiatement.
20. Aux termes du cahier des clauses administratives générales du marché : ” 46.2. Résiliation du fait du représentant du pouvoir adjudicateur ou de son mandataire (…) / 46.4. Résiliation pour motif d’intérêt général (…) / 47.2.1. En cas de résiliation du marché, une liquidation des comptes est effectuée. (…) / 47.2.2. Le décompte de liquidation comprend : (…) / b) Au crédit du titulaire : (…) – le cas échéant, le montant des indemnités résultant de l’application des articles 46.2 et 46.4 “.
21. En application de ces stipulations, le montant des indemnités dues en cas de résiliation du marché du fait du pouvoir adjudicateur a vocation à intégrer le décompte de résiliation.
22. Or, ainsi qu’il a été dit aux points 8 à 10, seul le mandataire du groupement est habilité à contester le décompte général du marché. Il en résulte que la fin de non-recevoir contractuelle opposée à la demande indemnitaire de la société Ineo et tirée de ce que, n’ayant pas la qualité de mandataire, elle ne pouvait présenter une telle demande, doit être accueillie.
En ce qui concerne la demande de condamnation de la société Spie :
S’agissant de la nature de cette demande :
23. Dans sa demande de première instance enregistrée sous le n° 1810024, la société Ineo a demandé, à titre subsidiaire, la condamnation de la société Spie à lui verser la somme de 455 385,50 euros hors taxes en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis en raison des fautes commises par cette société et ayant entraîné la résiliation du marché. En raison de sa nature, cette action devait, dès l’origine, être regardée comme une action tendant à l’engagement de la responsabilité quasi-délictuelle de la société Spie, ainsi que la société Ineo l’a ultérieurement précisé.
S’agissant de la compétence de la juridiction administrative :
24. Alors même que les deux cotraitants, membres d’un groupement momentané d’entreprises, sont par ailleurs liés par un contrat de droit privé, un litige qui ne concerne pas l’exécution de ce contrat de droit privé et qui implique que soient appréciées les conditions dans lesquelles un contrat portant sur la réalisation de travaux publics a été exécuté, relève de la juridiction administrative.
25. Certes, les membres du groupement ont conclu, en novembre 2013, une convention de groupement, rappelant notamment, en son article 6, que ” chaque Partie reste responsable à l’égard des autres Parties et des tiers pour tout dommage causé par elle ou en relation avec la réalisation de sa Part de Travaux. “.
26. Toutefois, le litige opposant la société Ineo à la société Spie n’a pas trait à l’application des stipulations de la convention de groupement, mais concerne les pertes de rémunération et frais supportés par la société Ineo en raison des fautes commises par la société Spie dans l’exécution du marché public de travaux.
27. Dès lors, ce litige implique que soient appréciées les conditions dans lesquelles le marché public de travaux a été exécuté. Cette action, qui doit donc être regardée comme reposant sur un fondement quasi-délictuel, relève donc de la juridiction administrative.
S’agissant de la recevabilité de cette demande :
28. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société Spie, la société Ineo a, dans sa requête d’appel du 2 août 2022, enregistrée dans le délai d’appel, sollicité sa condamnation.
29. En second lieu, l’exigence de liaison du contentieux résultant de l’article R. 421-1 du code de justice administrative ne s’applique pas aux demandes de condamnation d’une personne privée qui n’est pas chargée de la gestion d’un service public. La fin de non-recevoir opposée par la société Spie et tirée du défaut de demande indemnitaire préalable ne peut donc être accueillie.
S’agissant de la recevabilité contractuelle de cette demande :
30. En premier lieu, l’article 50.6 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux qui réserve au mandataire du groupement la possibilité de présenter les réclamations portant sur les créances qui se rattachent à l’exécution du marché, n’a ni pour objet, ni pour effet d’interdire à l’un des membres du groupement de solliciter la condamnation d’un autre membre du groupement sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle.
31. En second lieu, si le caractère définitif du décompte général fait obstacle à toute nouvelle demande du cocontractant du maître de l’ouvrage, il n’a ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à l’action de l’un des membres du groupement contre ses cotraitants.
S’agissant de la consistance de la somme de 455 385,50 euros dont le versement était demandé dans l’instance n° 1810024 :
32. La société Ineo soutient que la faute de la société Spie ayant conduit à la résiliation du marché l’a privée de la possibilité d’obtenir sa rémunération, d’un montant de 455 385,50 euros hors taxes, correspondant, en premier lieu et à hauteur de 270 664,94 euros hors taxes, à des situations de travaux de la société Ineo validées par le Grand port maritime et restées impayées en raison de l’infliction de pénalités de retard au groupement, en deuxième lieu et à hauteur de 26 096,40 euros hors taxes, à la part financière de la récupération de la taxe sur la valeur ajoutée des sous-traitants réglés directement par le Grand port maritime de mai 2016 à septembre 2017, en troisième lieu et à hauteur de 19 648,85 euros hors taxes, aux situations de travaux de la société Ineo pour les mois de février 2018, mars 2018 et juin 2018, validées par la maîtrise d’œuvre et payées par le Grand port maritime à la société Spie mais sans rétrocession à la société Ineo, en quatrième lieu et à hauteur de 20 276 euros hors taxes, à une situation de travaux de la société Ineo pour le mois de juillet 2018, non payée par le Grand port maritime, en cinquième lieu et à hauteur de 5 715 euros hors taxes, à des travaux supplémentaires réalisés par la société Ineo conformément à l’ordre de service n° 53-16, et payés au mandataire du groupement sans rétrocession à la société Ineo, en sixième lieu et à hauteur de 28 798 euros hors taxes, aux frais de repli et de redémarrage du chantier résultant pour la société Ineo du sinistre imputable à la société Spie, en septième lieu et à hauteur de 6 812,28 euros hors taxes, aux surcoûts résultant de la tempête survenue le 11 décembre 2017, et, en huitième et dernier lieu et à hauteur de 77 374 euros hors taxes, à des surcoûts liés à des changements des conditions d’exécution, vérifications visuelles sur site et acheminement du matériel.
33. Il ressort des points 132 et 133 du jugement que le tribunal administratif a rejeté ces demandes en estimant que la société Ineo n’invoquait dans ses écritures aucune faute précise commise par la société Spie, et n’établissait par ailleurs ni la matérialité des préjudices invoqués, ni le lien de causalité entre ces préjudices et des fautes de la société Spie.
S’agissant des états d’acompte nos 26, 28, 29, 30, 33 et 35 correspondant à des situations de travaux validées par le maître d’ouvrage :
34. Il ressort du courrier du 1er décembre 2017 que les paiements, d’un montant total de 270 664,97 euros hors taxes, dus par le Grand port maritime à raison de certains travaux réalisés par la société Ineo et correspondant aux états d’acompte nos 26, 28, 29, 30, 33 et 35, n’ont pas été payés, en raison de l’application, à titre provisoire, de pénalités de retard au groupement.
35. Certes, comme le soutient la société Spie et ainsi que l’a jugé le tribunal administratif, aux points 46 à 49 du jugement, qui est devenu définitif à cet égard, les pénalités de retard étaient injustifiées faute de preuve des retards.
36. Cependant, la véritable raison pour laquelle ces travaux n’ont finalement pu être payés, ainsi que le tribunal administratif l’a également jugé aux points 84 à 87 du jugement, qui est également devenu définitif à cet égard, tient au fait que les travaux réalisés, n’étant pas conformes aux exigences contractuelles et n’ayant pu être réceptionnés en l’état, ne pouvaient recevoir rémunération.
37. Or, il résulte de l’instruction, et il n’est pas sérieusement contesté, que cette non-conformité des travaux est imputable exclusivement aux fautes commises par la société Spie dans la mise en œuvre du béton précontraint. En effet, le 11 mars 2015, lors de la phase de mise en tension des câbles verticaux de précontrainte du bateau-porte, des fissures sont apparues dans le béton au niveau de la courbure, et des morceaux de béton se sont détachés de l’ouvrage, entraînant l’arrêt de la mise en tension des câbles. Ce désordre, imputable à la société Spie, résultait d’un manque d’acier dans la structure. Cette faute est donc à l’origine de l’impossibilité, pour la société Ineo, de recevoir une rémunération au titre des prestations qu’elle a effectuées. Cette dernière a donc droit à être indemnisée par la société Spie à hauteur des situations de travaux correspondant aux travaux effectivement réalisés sur le fondement du contrat, et correspondant aux états d’acompte n° 26, 28, 29, 30, 33 et 35.
38. La société Spie doit donc à la société Ineo la somme de 270 664,97 euros hors taxes que cette dernière réclame à ce titre.
S’agissant de la récupération de la taxe sur la valeur ajoutée dont la société Ineo affirme qu’elle l’aurait payée sur des sommes dues aux sous-traitants de mai 2016 à septembre 2017 :
39. La société Ineo, qui ne fournit aucune explication sur le fondement de cette demande, ne l’assortit ainsi pas des précisions qui permettraient d’en apprécier le bien-fondé.
S’agissant des situations de travaux des mois de février 2018, mars 2018 et juin 2018 :
40. La société Ineo soutient, sans être sérieusement contestée, avoir réalisé des travaux, correspondant aux situations, validées par le maître d’œuvre, au titre des mois de février, mars et juin 2018, pour des montants hors taxes respectifs de 6 452,35 euros, 7 684 euros et 5 512,50 euros.
41. Ainsi qu’il a été dit au point 37, c’est la faute de la société Spie qui a rendu impossible, en raison des non-conformités affectant l’ouvrage, le versement de la rémunération due à la société Ineo. Celle-ci a donc droit à être indemnisée par la société Spie à hauteur de ces sommes.
S’agissant de la situation de travaux du mois de juillet 2018 :
42. La société Ineo soutient, sans être sérieusement contestée, que sa situation de travaux de juillet 2018, produite en pièce jointe n° 20, est restée impayée par le maître de l’ouvrage. Pour les motifs indiqués au point 37, elle est donc fondée à solliciter la condamnation de la société Spie à lui payer la somme de 20 276 euros hors taxes correspondante.
S’agissant des travaux supplémentaires réalisés sur ordre de service n° 53-16 :
43. La société Ineo soutient, sans être sérieusement contestée, avoir réalisé, sur le fondement d’un ordre de service, des travaux supplémentaires, d’un montant de 5 715 euros hors taxes.
44. Ainsi qu’il a été dit au point 37, la société Spie a, par sa faute, rendu impossible le paiement à la société Ineo de cette somme. Elle doit donc l’indemniser.
S’agissant du préjudice subi du fait du ” sinistre béton ” :
45. La société Ineo soutient, sans être utilement contredite, avoir dû exposer des frais, à hauteur de 7 653 euros et 21 145 euros, pour le repli du chantier puis le redémarrage du projet, tous deux liés au ” sinistre béton ” imputable à Spie. Cette dernière lui doit donc la somme de 28 798 euros hors taxes.
S’agissant du préjudice subi du fait de la tempête survenue le 11 décembre 2017 :
46. La société Ineo, qui sollicite une somme au titre de la remise en état d’une tuyauterie endommagée par une tempête survenue le 11 décembre 2017, ne justifie ni du caractère exceptionnel de cet aléa ni, en tout état de cause, de ce qu’il aurait bouleversé l’économie de son contrat, l’indemnité demandée représentant 0,0051 % du montant du marché (6 812,28 / 13 349 200 euros). Dès lors, elle n’est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le désistement de la société Spie de son action en contestation du décompte l’a privée de la possibilité d’obtenir une indemnisation de 6 812,28 euros hors taxes à ce titre.
47. Par ailleurs, la circonstance que ce dommage a été causé pendant la phase de prolongation du chantier, qui était elle-même imputable à la faute de la société Spie, n’est pas de nature à ouvrir à la société Ineo un droit à indemnité de la part de la société Spie, dès lors que ce préjudice n’a pas été directement causé par la faute de la société Spie.
S’agissant des surcoûts tenant aux changements des conditions d’exécution, vérifications visuelles sur site et acheminement du matériel :
48. La société Ineo ne justifie pas du droit à rémunération ou à indemnisation à raison de ces surcoûts qu’elle chiffre à 77 374 euros. Dès lors, elle n’est pas fondée à soutenir que le désistement de la société Spie de son action en contestation du décompte l’a privée de la possibilité d’obtenir une indemnisation de 6 812,28 euros hors taxes à ce titre.
49. Il résulte de tout ce qui précède que la société Spie reste devoir à la société Ineo, au titre des prestations réalisées et à titre indemnitaire, la somme de 345 102,82 euros hors taxes.
Sur le bien-fondé du rejet partiel des demandes reconventionnelles présentées par la société Ineo dans les instances nos 1809934 et 1901423 :
50. Dans le cadre de ses demandes reconventionnelles, présentées dans ces deux instances de manière identique, la société Ineo a sollicité diverses sommes, comprenant certaines des sommes déjà évoquées ci-dessus, qui étaient également demandées dans le cadre de sa demande de première instance enregistrée sous le n° 1810024.
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la société Spie :
51. La société Ineo ne présente pas de conclusions nouvelles en appel, mais conteste seulement le rejet partiel de ses demandes reconventionnelles, présentées dans les instances nos 1809934 et 1901423, sans rehausser le quantum global de ses demandes de première instance. La circonstance que le chiffrage des travaux effectués consécutivement au sinistre du 11 mars 2015 a été modifié est sans influence sur leur recevabilité. La fin de non-recevoir présentée par la société Spie ne peut dès lors pas être accueillie.
En ce qui concerne la fin de non-recevoir contractuelle opposée par la société Spie :
52. La circonstance que le décompte de liquidation du marché est devenu définitif à la suite du désistement, par la société Spie, de son action en contestation de ce décompte, est sans influence sur la recevabilité de l’action de la société Ineo contre la société Spie, son cotraitant et mandataire. La fin de non-recevoir présentée par la société Spie ne peut donc être accueillie.
En ce qui concerne les sommes hors taxes de 270 664,97 euros, 26 096,40 euros, 19 648,85 euros, 20 276 euros et 7 653 euros déjà demandées dans le cadre de l’instance n° 1810024 :
53. La société Ineo sollicite la condamnation de la société Spie à lui payer une somme de 336 686,22 euros hors taxes, soit 404 023,46 euros toutes taxes comprises, correspondant à diverses sommes que la société Spie aurait, selon elle, dû lui reverser. Cette somme de 336 686,22 euros hors taxes correspond, en réalité, aux sommes de 270 664,97 euros hors taxes, de 26 096,40 euros hors taxes, de 19 648,85 euros hors taxes et de 20 276 euros hors taxes sur lesquelles il a déjà été statué ci-dessus, par des motifs qu’il y a lieu de réitérer.
54. Par ailleurs, la société Ineo demande également, à titre reconventionnel, le paiement d’une somme de 7 653 euros hors taxes, soit 9 183,36 euros toutes taxes comprises, correspondant aux frais de repli de chantier, sur laquelle il a également déjà été statué ci-dessus, par des motifs qu’il y a également lieu de réitérer.
En ce qui concerne les autres demandes, présentées seulement à titre reconventionnel dans les instances nos 1809934 et 1901423 :
S’agissant des frais de modification des tuyauteries de refoulement (4 875 euros hors taxes) :
55. La société Ineo a demandé une indemnité de 4 875 euros hors taxes en réparation de surcoûts engendrés par une faute de la société Spie. Elle faisait valoir à ce titre que la société SPIE n’avait pas aligné certaines passe-cloisons dans les voiles en béton verticaux, engendrant des frais de modification et d’adaptation des tuyauteries de refoulement en stratifié verre résine (SVR) sur le site.
56. Le tribunal administratif a écarté ces demandes au point 112 de son jugement, en estimant qu’aucune faute de la société Spie n’était établie.
57. Toutefois, la société Spie ne conteste pas sérieusement avoir méconnu ses obligations contractuelles en n’alignant pas certaines passe-cloisons dans les voiles en béton. Elle ne conteste pas plus sérieusement l’évaluation du surcoût par la société Ineo, qui produit, en pièce jointe n° 29, un document mentionnant deux sommes de 3 920 et 955 euros hors taxes correspondant au ” coût estimé ” d’une tuyauterie de 15 mètres avec fixation sur rambarde, et aux frais de réalisation d’une épreuve après montage. Il y a donc lieu de mettre à sa charge la somme de 4 875 euros hors taxes (3 920 + 955 euros) réclamée par la société Ineo à ce titre.
S’agissant des frais de coactivité (28 554 euros hors taxes) :
58. La société Ineo demande la condamnation de la société Spie à une indemnité à ce titre en soutenant que la réalisation tardive par la société Spie de ses prestations de coulage du béton, avec trois mois de retard, a engendré des frais de coactivité. Elle produit à ce titre, en pièce jointe n° 30, un compte-rendu du comité de direction du groupement momentané d’entreprises en date du 20 mai 2015.
59. Le tribunal administratif a écarté ces demandes aux points 112 et 113 de son jugement, en estimant qu’aucune faute de la société Spie n’était établie.
60. Toutefois, la société Spie ne conteste pas sérieusement avoir méconnu ses propres obligations contractuelles en réalisant les prestations de coulage du béton avec retard, engendrant des surcoûts pour la société Ineo. Il ressort d’ailleurs du compte-rendu du comité de direction du 20 mai 2015 que la société Ineo a effectivement subi des surcoûts ” notamment liés à l’allongement de la phase béton qui [a] généré des phases provisoires et de coactivité non prévus initialement “. Ce même compte-rendu précise que la société Spie ” ne les conteste pas mais [indique qu’]elles sont la conséquence de l'[ordre de service] d’arrêt de bétonnage et seront intégrées dans un mémoire de demande d’indemnisation auprès du [Grand port maritime de Marseille] “.
61. La société Spie ne conteste par ailleurs pas sérieusement le montant des surcoûts, que la société Ineo chiffre à 28 554 euros (33 429 – 4 875 euros). Il y a donc lieu de mettre cette somme à sa charge.
S’agissant du solde de la situation de janvier 2015 (26 477,54 euros hors taxes, soit 31 773,05 euros toutes taxes comprises) :
62. La société Ineo demande la condamnation de la société Spie à lui payer un reliquat de 31 773,05 euros toutes taxes comprises (26 477,54 euros hors taxes) qu’elle restait lui devoir au titre de la situation de janvier 2015. Elle fait en effet valoir que la société Spie a perçu 123 602,98 euros toutes taxes comprises du maître de l’ouvrage au titre des prestations d’alimentation et d’équipements électriques, rémunérées par le prix n° 2B3, alors que ces prestations incombaient à la société Ineo. La société Ineo affirme que la société Spie lui a seulement reversé le 11 avril 2016, par chèque produit en pièce n° 31, la somme de 91 829,93 euros toutes taxes comprises, et reste donc lui devoir un solde de 31 773,05 euros toutes taxes comprises.
63. Le tribunal administratif a considéré, au point 116 de son jugement, que le bien-fondé de cette demande n’était pas établi.
64. Toutefois, la société Spie ne conteste pas avoir retenu la somme de 31 773,05 euros sur les paiements dus à la société Ineo. Si la société Spie soutient qu’il résulterait d’un accord entre les parties que cette somme s’équilibrerait ” avec les moins perçus par [Spie] “, elle n’en justifie pas. Elle doit donc régler à la société Ineo la somme de 26 477,54 euros hors taxes (31 773,05 euros toutes taxes comprises) demandée à ce titre.
S’agissant des ” frais d’encadrement, de changement des conditions d’exécution, de maintenance, de requalification et des frais annexes, d’un montant de 112 479,17 euros hors taxes, soit 134 975 euros toutes taxes comprises, à la suite du redémarrage des travaux décidé par la société Spie le 12 décembre 2015 :
65. La société Ineo sollicite une indemnité totale de 112 479,17 euros hors taxes, soit 134 975 euros toutes taxes comprises, au titre des surcoûts liés au redémarrage des travaux décidé le 12 décembre 2015.
66. Le tribunal administratif a rejeté cette demande au point 118 de son jugement, en retenant que la société Ineo n’établissait pas que ces frais seraient la conséquence directe de la faute commise par la société Spie.
67. Ainsi qu’il a été dit au point 45 ci-dessus, la société a droit à l’indemnisation des frais causés par le redémarrage du chantier, et qu’elle chiffrait au montant de 21 145 euros hors taxes dans sa demande n° 1810024. Elle n’établit pas que les surcoûts effectivement subis seraient supérieurs à cette somme.
S’agissant des extensions des garanties sur le matériel (107 705,67 euros hors taxes, soit 129 246,80 euros toutes taxes comprises) :
68. La société Ineo a demandé la condamnation de la société Spie à l’indemniser, à hauteur de 129 246,80 euros toutes taxes comprises, du coût des extensions de garantie du matériel utilisé.
69. Le tribunal administratif a, au point 119 de son jugement, rejeté cette demande comme non justifiée, à l’exception d’une facture d’un montant de 1 090 euros hors taxes émanant de la société Schneider Electric, qui était produite. Cette condamnation est devenue définitive, la société Spie n’ayant pas présenté d’appel incident.
70. En appel, la société Ineo réclame en supplément une somme de 666,64 euros hors taxes (799,97 euros toutes taxes comprises) correspondant à une autre confirmation d’extension de garantie de six mois pour quatre altimètres de référence PA500 de la marque Maritech, à la suite d’une commande n° 15338548 du 1er juillet 2016.
71. Toutefois, la société Ineo, qui a, ainsi qu’il a été dit, droit à la rémunération des prestations réalisées pendant la période de prolongation du chantier, ne peut tout de surcroît solliciter l’indemnisation des frais supportés pendant cette période, ces frais faisant partie des charges réputées couvertes par sa rémunération.
S’agissant des frais de mobilisation du personnel sur le chantier :
72. La société Ineo a demandé la condamnation de la société Spie à indemniser les surcoûts subis du fait du maintien de son personnel sur le chantier pendant une durée plus longue que celle qui était initialement prévue.
73. Au point 120 de son jugement, le tribunal administratif a rejeté cette demande en estimant que la société Ineo n’établissait pas la réalité de son préjudice, ” dès lors que les personnels en question auraient été rémunérés à l’identique s’ils n’avaient pas été mobilisés sur ce projet “.
74. La société Ineo, qui a, ainsi qu’il a été dit, droit à la rémunération des prestations réalisées pendant la période de prolongation du chantier, ne peut tout par ailleurs solliciter l’indemnisation des frais de mobilisation de son personnel pendant cette période, ces frais faisant partie des charges réputées couvertes par sa rémunération.
S’agissant des redevances d’occupation du domaine public :
75. La société Ineo a demandé la condamnation de la société Spie à l’indemniser du montant des redevances d’occupation du domaine public supplémentaires qu’elle a dû acquitter du fait du sinistre béton.
76. Le tribunal administratif a fait partiellement droit à cette demande au point 121 de son jugement, en retenant qu’elle justifiait s’être acquittée d’une somme de 5 666,40 euros hors taxes (6 799,69 euros toutes taxes comprises) entre les mois de décembre 2015 et juin 2016. Cette condamnation est devenue définitive, la société Spie n’ayant pas présenté d’appel incident. Les premiers juges ont estimé en revanche qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à ses prétentions indemnitaires concernant les redevances payées à compter du mois de juillet 2016 dès lors que, à cette date, le sinistre du 11 mars 2015 avait été réparé, et que les préjudices ultérieurs n’étaient, dans ses conditions, pas rattachables à la faute commise par SPIE Batignolles Génie Civil dans la survenance du sinistre du 11 mars 2015.
77. En appel, la société Ineo sollicite en outre une somme de 1 176,88 euros hors taxes, soit 1 412,26 euros toutes taxes comprises, au titre d’une redevance d’occupation exigée le 7 mai 2015 suivant facture n° 504070 du Grand port maritime.
78. Toutefois, la date initiale d’achèvement des travaux avait été fixée au 15 juin 2015. La société Ineo ne justifie dès lors pas, en tout état de cause, avoir dû acquitter cette redevance en conséquence de l’allongement de la durée du chantier.
S’agissant du taux horaire d’intervention du personnel et du prix des fournisseurs :
79. La société Ineo a demandé le paiement d’une somme de 205 827,50 euros hors taxes, soit 246 993 euros toutes taxes comprises, au titre de frais supplémentaires résultant de l’allongement des délais d’exécution, au titre du ” taux horaire d’intervention du personnel et du prix des fournisseurs “. Elle renvoie à ce titre à une attestation de son contrôleur de gestion en date du 10 août 2017 indiquant le coût horaire de mobilisation du personnel.
80. Le tribunal administratif a, au point 122 de son jugement, rejeté cette demande au motif qu’elle n’était pas assortie des précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé.
81. Alors que la société Ineo a, ainsi qu’il a été dit, droit à la rémunération des prestations réalisées pendant la période de prolongation du chantier, elle ne justifie pas de l’existence d’un surcoût imputable à une faute de la société Spie, et non couvert par cette rémunération.
S’agissant des frais de prolongation de la garantie bancaire :
82. La société Ineo a demandé la condamnation de la société Spie à indemniser la somme de 1 496,63 euros hors taxes, soit 1 795,95 euros toutes taxes comprises, correspondant au coût de la prolongation de la garantie bancaire, pour la retenue de garantie, d’un montant de 161 400 euros.
83. Le tribunal administratif, au point 123 de son jugement, a rejeté cette demande, en estimant que la société Ineo n’établissait pas la réalité de son préjudice.
84. La société Ineo, qui a, ainsi qu’il a été dit, droit à la rémunération des prestations réalisées pendant la période de prolongation du chantier, ne peut par ailleurs solliciter l’indemnisation des frais de tout type supportés pendant cette période, ces frais faisant partie des charges réputées couvertes par sa rémunération.
S’agissant des conséquences financières de la tempête du 11 décembre 2017 :
85. La société Ineo a demandé la condamnation de la société Spie à lui verser une indemnité de 32 361,86 euros hors taxes, soit 38 834,23 euros toutes taxes comprises, en réparation des dommages causés à ses propres équipements et installations électriques (pièce jointe n° 35) en conséquence de l’effondrement de la tour échafaudage édifiée par la société Spie (pièce jointe n° 34) lors de la tempête survenue dans la nuit du 10 au 11 décembre 2017.
86. Le tribunal administratif a rejeté cette demande, en estimant au point 124 de son jugement qu'” il est constant que cet événement n’est pas imputable à la société SPIE Batignolles Génie Civil ” et que ” par ailleurs, la société Ineo Provence et Côte-d’Azur ne se prévaut d’aucune circonstance qui contraindrait la société SPIE Batignolles Génie Civil à l’indemniser des conséquences financières de cet évènement “.
87. Ce préjudice, dont la cause immédiate est la tempête survenue dans la nuit du 10 au 11 décembre 2017, n’a pas été directement causé par une faute imputée à la société Spie. Il ne peut donc être indemnisé.
S’agissant de la perte d’industrie :
88. La société Ineo a demandé la condamnation de la société Spie à lui verser la somme de 449 680 euros toutes taxes comprises correspondant à des pertes d’industrie résultant du décalage de planning de trente-six mois à raison du sinistre du 11 mars 2015 et des complications de chantier subséquentes.
89. Au point 125 du jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande en estimant que la société n’apportait pas de précision suffisante à l’appui de cette demande.
90. La société Ineo, qui a, ainsi qu’il a été dit, droit à la rémunération des prestations réalisées pendant la période de prolongation du chantier, ne peut par ailleurs solliciter l’indemnisation de la marge opérationnelle qui aurait pu être enregistrée si ses moyens avaient été déployés sur d’autres chantiers.
S’agissant de la demande d’intérêts présentée au titre de l’article L. 441-10 du code de commerce :
91. La société Ineo sollicite l’application du taux d’intérêt moratoire prévu par l’article L. 441-10 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’article 1er de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019.
92. Toutefois, en tout état de cause, ces dispositions ne s’appliquent qu’au retard dans le paiement de prestations par le bénéficiaire de celles-ci. Or la société Ineo, dont les conditions de paiement avaient été agréées par le Grand port maritime de Marseille, bénéficiait d’un droit au paiement direct de ce dernier à raison des prestations réalisées, ce droit au paiement direct s’étendant aux prestations supplémentaires ou modificatives.
93. Par ailleurs, elle ne peut invoquer le bénéfice de ces dispositions au titre des indemnisations réclamées à la société Spie, dès lors que ces indemnisations ne constituent pas des prestations dont le paiement y serait soumis.
Sur le total des sommes dues :
94. Il résulte de ce qui précède que la société Ineo est fondée à solliciter la condamnation de la société Spie à lui verser une indemnité d’un montant de 345 107,82 euros hors taxes, soit 414 123,38 euros toutes taxes comprises, au titre des demandes présentées dans l’instance n° 1810024.
95. Il en résulte également que la société Ineo est fondée, au titre des autres demandes, présentées seulement dans le cadre de ses conclusions reconventionnelles dans les instances nos 1809934 et 1901423, à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a limité le montant des indemnités dues par la société Spie à la société Ineo au montant de 6 756,40 euros hors taxes, soit 8 107,69 euros toutes taxes comprises, au lieu de la somme de 79 995,53 euros toutes taxes comprises, correspondant, en premier lieu, aux frais d’installation d’une tuyauterie (4 875 euros hors taxes, soit 5 850 euros toutes taxes comprises), en deuxième lieu, à des frais de coactivité (28 554 euros hors taxes, soit 34 264,80 euros toutes taxes comprises), en troisième lieu, au non-paiement d’une partie des sommes dues au titre de la situation de janvier 2015 (26 477,53 euros hors taxes, soit 31 773,05 euros toutes taxes comprises), en quatrième lieu, au montant de la facture d’extension de garantie du matériel Schneider Electric (1 090 euros hors taxes, soit 1 308 euros toutes taxes comprises), en cinquième lieu, au montant de redevances d’occupation domaniale acquittées entre décembre 2015 et juin 2016 (5 666,40 euros hors taxes, soit 6 799,68 euros toutes taxes comprises)
96. Le montant total des condamnations de la société Spie doit donc être porté de 8 107,69 euros toutes taxes comprises à 494 118,91 euros (414 123,38 + 79 995,53 euros) toutes taxes comprises.
Sur les frais liés au litige :
97. L’article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu’une somme quelconque soit laissée à la charge de la société Ineo, du Grand port maritime de Marseille ou des sociétés Setec TPI et Setec Hydratec, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance.
98. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Spie une somme de 5 000 euros à verser à la société Ineo à ce titre.
99. La société Freyssinet France, ayant été mise hors de cause, n’a pas la qualité de partie dans la présente instance. Elle ne peut donc prétendre au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la demande de production du protocole transactionnel :
100. La production du protocole d’accord conclu entre la société Spie et le Grand port maritime de Marseille n’étant pas nécessaire pour trancher le présent litige, il n’y a pas lieu de solliciter de ces parties qu’elles produisent ce document.
DÉCIDE :