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De l’importance de l’analyse régulière des prestations supplémentaires éventuelles (PSE)

TA Pau, ord. 23 janvier 2025, Sté Constructions Saint-Eloi, n°2500008

Ce qu’il faut retenir :

Une mention erronée, dans le courrier de rejet, visant des prestations supplémentaires éventuelles autres que celles que l’acheteur a réellement retenues, est sans incidence du moment que les documents de la procédure prouvent que l’offre attributaire est bien l’offre la mieux classée sur la combinaison retenue.

Enseignement n° 1 : Les prestations supplémentaires éventuelles obligatoires font l’objet d’une analyse de chaque combinaison possible

Aux termes de l’article L2152-7 du code de la commande publique : « Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution ». C’est de la mise en œuvre objective des critères d’attribution définis par l’acheteur qu’est censée se dégager le choix de l’offre attributaire du marché. L’acheteur est ainsi tenu par son propre classement à l’issue de l’analyse des offres.

Toutefois, la mécanique des prestations supplémentaires éventuelles (PSE) complique ce schéma simple. En effet, « le choix de retenir une ou plusieurs PSE, au contraire, ne dépend pas de l’application des critères d’attribution » indique la Direction des affaires juridiques (D.A.J., Fiche technique « L’examen des offres », màj 2019). Pour mémoire, les PSE sont des prestations qui ne se substituent pas à la solution de base mais qui viennent s’ajoute à ce qu’il sera possible d’exécuter dans le cadre du marché public. Il en résulte que lorsque l’acheteur requiert la présentation obligatoire de PSE, la méthode d’analyse doit permettre de se conformer aux exigences de l’article L2152-7 du code. La D.A.J. en déduit que le service acheteur doit procéder à « autant de classement des offres qu’il y a de combinaisons possibles » et, après avoir choisi les PSE qu’il souhaite éventuellement retenir, procéder au choix de l’offre économiquement la plus avantageuse sur le classement correspondant.

Dans une affaire portée devant le tribunal administratif de Pau, le service acheteur en cause avait requis la présentation de plusieurs PSE dans le règlement de la consultation. Après analyse des offres, l’acheteur avait envoyé un courrier de notification mentionnant l’offre de base et les PSE n°3 et n° 4 de l’attributaire. Cependant les notes obtenues après mise en œuvre des critères annoncés n’étant pas cohérentes avec la combinaison annoncée, l’entreprise évincée estimait que l’acheteur avait violé le principe de transparence et ses implications quant à la publicité et la régularité des critères et de leurs méthodes de notation.

Enseignement n° 2 : La notification erronée d’une combinaison différente de celle analysée est sans incidence sur la régularité de la procédure

Le TA de Pau écarte cependant l’argument de l’entreprise, au constat de ce que le service acheteur a, en dépit de la mention erronée sur le courrier de notification, souhaité retenir les PSE n°1 et n° 2. Les documents de l’analyse en témoignant. Ainsi la régularité de la procédure ne dépend que de la question de savoir si « les mêmes prestations supplémentaires ont été retenues pour analyser toutes les offres présentées » et donc si le classement ayant fondé le choix de l’attributaire correspond bien, in fine, à la combinaison retenue pour signer le marché.

Il est constant que les juridictions paralysent volontiers les effets juridiques des erreurs purement matérielles. Ainsi le Conseil d’État admet une dérogation au principe d’intangibilité des offres après la date limite de réception pour procéder à la rectification des erreurs « d’une nature telle que nul ne pourrait s’en prévaloir de bonne foi » (CE, 21 septembre 2011, n° 349149). De manière plus générale, le juge administratif de l’excès de pouvoir ou du plein contentieux n’hésitent pas à accorder des substitutions de motifs de fait lorsque l’administration a pris une décision qui aurait été légalement fondée si elle avait motivé autrement sa décision. Mais ce qui ressort surtout du jugement du tribunal administratif de Pau est que le juge du référé précontractuel s’intéresse encore et toujours bien moins aux formalités administratives qu’au jeu effectif de la concurrence entre les opérateurs (v. toute la jurisprudence issue de l’arrêt SMIRGEOMES – CE, 3 oct. 2008, n° 305420 – et, plus récemment, CE 27 sept. 2024, n°490697 : en dépit de l’obligation de l’acheteur d’informer « sans délai » les soumissionnaires du rejet de leur offre – Art. R2181-1 CCP –, le délai anormalement long de 15 mois écoulé entre la décision d’attribution du marché et l’information d’un candidat évincé n’est pas susceptible d’entacher la procédure d’irrégularité).

 


TA Pau, ord. 23 janvier 2025, Sté Constructions Saint-Eloi, n°2500008

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes Pyrénées Vallées des Gaves a lancé une procédure de mise en concurrence pour l’attribution d’un marché public de travaux de valorisation des balcons du Val d’Azun consistant en la construction de grands balcons métalliques, de balançoire et de jeux pour enfants. Ce marché comporte quatre lots, dont le lot n° 3 ” Ossatures métalliques – Travaux de charpente “. La date limite de présentation des offres était fixée au jeudi 1er août 2024 à 12h00 et, par un courrier du 18 décembre 2024, la société Constructions Saint-Eloi a été informée que son offre avait obtenu la note de 94/100 et était classée en deuxième position, le lot n° 3 étant attribué au groupement formé par les sociétés FFT, LBTP et Nestadour, l’offre présentée par ce groupement ayant obtenu la note de 95,03/100. Par la présente requête, la société Constructions Saint-Eloi demande à titre principal au juge saisi sur le fondement des dispositions de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, d’annuler la procédure de mise en concurrence au stade de l’analyse des offres.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : ” Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation () / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement () /”. Et, aux termes de l’article L. 551-10 du même code : ” Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué () “.

3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l’administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d’être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l’opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésé, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

4. Aux termes, par ailleurs, de l’article L. 3 du code de la commande publique : ” Les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d’égalité de traitement des candidats à l’attribution d’un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d’accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies dans le présent code. Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics “. Aux termes de l’article L. 2152-7 de ce code : ” Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. Les modalités d’application du présent alinéa sont prévues par voie réglementaire () “. L’article L. 2152-8 du même code ajoute que : ” Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution () “. L’article R. 2152-11 du même code dispose que : ” Les critères d’attribution ainsi que les modalités de leur mise en œuvre sont indiqués dans les documents de la consultation “.

5. Il résulte des dispositions précitées que, pour assurer le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l’information appropriée des candidats sur les critères et sous-critères d’attribution d’un marché public et les conditions de leur mise en œuvre sont nécessaires dès l’engagement de la procédure de passation d’un marché. Le pouvoir adjudicateur doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l’importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. Il n’est en revanche pas tenu d’informer les candidats de la méthode de notation des offres.

6. En outre, le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics. Toutefois, ces méthodes de notation sont entachées d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés, à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie.

7. En premier lieu, il résulte de l’instruction que, conformément à l’article 8.3 du règlement de consultation, par un courrier du 23 septembre 2024, une négociation a été engagée par le pouvoir adjudicateur avec la société requérante, afin qu’elle apporte des clarifications sur son offre initiale, en vue de compléter l’analyse de son offre, ainsi qu’avec le groupement FFT, LBTP, Nestadour, et que la société Constructions Saint-Eloi a présenté une nouvelle offre et un nouveau devis le 24 septembre 2024, et il est justifié à l’audience de la baisse du montant de base de l’offre proposée par la société requérante. A, aucune méconnaissance du règlement de consultation et de l’article R. 2123-5 du code de la commande publique, et aucune atteinte au principe d’égalité de traitement des différents candidats, ne saurait être retenue.

8. En deuxième lieu, il résulte de l’instruction que le règlement de consultation du marché de valorisation des balcons du Val d’Azun précise les critères de sélection, à savoir celui du prix, pondéré à 60 %, et celui de la valeur technique, pondéré à 40 %. Il résulte également de l’instruction, que l’offre présentée par la société requérante a obtenu la note de 60/60 au critère du prix et la note de 34/40 au critère de la valeur technique, soit une note finale de 94/100, tandis que l’offre du groupement d’entreprises déclaré attributaire du lot n°3 a obtenu une note de 59,03/60 au critère du prix et de 36/40 au critère technique, soit une note finale de 95,03/100.

9. S’il apparaît dans le courrier de notification du 18 décembre 2024, que l’offre présentée par le groupement FFT, LBTP, Nestadour s’élève à ” 468 912,08 euros HT (offre de base + PSE3 +PSE4 ) “, il est précisé à l’audience et il résulte de l’analyse des offres, que l’acheteur a choisi en réalité de retenir, parmi les quatre prestations supplémentaires envisagées dans le règlement de consultation, celles mentionnées en premier et en deuxième lieu dans ce règlement, à savoir ” structure métallique des balançoires ” et ” structure métallique pour les plateformes jeux grands enfants “. A, dès lors que les mêmes prestations supplémentaires ont été retenues pour analyser toutes les offres présentées, la confusion pouvant découler de la mention ” PSE3 ” et ” PSE4 ” dans le courrier de notification précité, ne saurait être considérée comme ayant porté atteinte aux principes de transparence et de mise en concurrence, et comme justifiant l’annulation de la procédure d’attribution de ce marché.

10. Il résulte également de l’instruction que la prise en compte du marché de base et des deux prestations supplémentaires retenues par l’acheteur conduit, après négociation, à ce que l’offre de la société requérante s’élève à 461 330,98 euros, et celle présentée par le groupement attributaire à 468 912,08 euros. Il est constant que la meilleure note attribuée à ce critère, à savoir 60/60, a été accordée à l’offre présentée par la société Constructions Saint-Eloi. La méthode classique d’appréciation de ce critère a conduit à la note de 59,03/60 attribuée, pour ce critère, à l’offre du groupement attributaire (461 330,98 /468 912,08 x 60). La société requérante n’est dès lors pas fondée à soutenir que la méthode de calcul retenue a illégalement neutralisé l’écart de prix entre ces deux offres.

11. En troisième lieu, il résulte de l’instruction que le critère de la valeur technique comprend cinq sous-critères. Si ces sous-critères d’appréciation du critère technique sont contestés en ce qu’ils seraient redondants, se recouperaient et donneraient ainsi une marge d’appréciation discrétionnaire au pouvoir adjudicateur, il résulte de l’instruction que les sous-critères 2.1, 2.2, 2.3, 2.4 et 2.5 renvoient à des exigences distinctes à savoir, respectivement, l’organisation prévisionnelle du chantier (sous-critère 2.1), la méthode de gestion des déchets (sous-critère 2.2), l’organisation des équipes (sous-critère 2.3), les moyens affectés au chantier (sous-critère 2.4) qui visent les moyens matériels, et le réemploi des matériaux (sous-critère 2.5), et la communauté de communes précise qu’il s’agit ainsi de tenir compte des contraintes particulières de ce marché dont les travaux seront exécutés dans plusieurs sites et en zone de montagne, tandis que le réemploi des matériaux a été distingué de la gestion des déchets, dès lors que le réemploi peut présenter une plus-value pour le maitre d’ouvrage.

12. En outre, il résulte de l’analyse des offres que la note de zéro doit être considérée comme ayant été attribuée au sous-critère 2.5 dans l’appréciation de l’offre présentée par la société Constructions Saint-Eloi, et aucune dénaturation ne résulte de l’instruction sur ce point, l’offre se bornant notamment à faire état, dans les annexes au mémoire technique produit, de ce que ” les collaborateurs sont formés à la gestion des déchets ” ce qui ” permet de valoriser aux maximum nos déchets en valorisant le réemploi puis le recyclage en dernier recours “.

13. Dès lors les moyens tirés de la méconnaissance des principes de transparence, de publicité, de mise en concurrence et d’égalité de traitement doivent être écartés, en toutes leurs branches.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par la société Constructions Saint-Eloi, à titre principal comme à titre subsidiaire, doivent être rejetées.

Sur les frais du litige :

15. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la communauté de communes Pyrénées Vallées des Gaves, qui n’a pas la qualité de partie perdante, verse une somme au titre des frais exposés par la société Constructions Saint-Eloi et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Constructions Saint-Eloi, une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par la communauté de communes et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

  • Article 1er : La requête présentée par la société Constructions Saint-Eloi est rejetée.
  • Article 2 : La société Constructions Saint-Eloi versera à la communauté de communes Pyrénées Vallées des Gaves une somme de 1 200 euros (mille deux euros) sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
  • Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Constructions Saint-Eloi, au groupement FFT, LBTP, Nestadour et à la communauté de communes Pyrénées Vallées des Gaves.

 

 


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Table des matières
Analyse des offres,
construction,
contentieux administratif,
Marché public,
Mention erronée dans le courrier de rejet,
n°2500008,
ord. 23 janvier 2025,
prestations supplémentaires,
Prestations supplémentaires éventuelles,
Sté Constructions Saint-Eloi,
TA Pau,
transparence,
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