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Publié le 23 Juin 2025

Désordres décennaux : condamnation in solidum et répartition différenciée de la dette entre constructeurs

CAA Nantes, 16 mai 2025, Cap Atlantique, n° 24NT00163

Ce qu’il faut retenir :

Tous les constructeurs impliqués peuvent être condamnés in solidum au titre de la garantie décennale, mais leur contribution à la dette est répartie selon l’imputabilité des désordres et la gravité de leurs manquements.

Enseignement n° 1 : La garantie décennale permet de faire condamner in solidum entrepreneur, maître d’œuvre et contrôleur technique

De jurisprudence constante, le juge administratif applique indirectement l’article 1792 du code civil aux contrats administratifs qui constituent des marchés de travaux, visant de manière autonome « les principes qui régissent la garantie décennale » (CE, 15 avril 2015, Cne de Saint-Michel-sur-Orge, n° 376229). La cour administrative d’appel de Nantes a mis en œuvre ces principe dans un arrêt du 16 mai 2025, illustrant les principes de la répartition des responsabilités entre les différents constructeurs ayant pris part à l’opération. Sont en effet redevables de cette garantie non seulement les entrepreneurs de travaux mais également le concepteur de l’ouvrage (art. 1792-1 c. civ.), ainsi que le contrôleur technique (art. L. 125-2 du code de la construction et de l’habitation).

En l’espèce, le maître d’ouvrage avait conclu un marché de travaux pour remédier à des défauts d’étanchéité de trois bassins d’un centre aquatique et à une dégradation de leur revêtement intérieur. Ces travaux de remise en état avaient été assuré par la société Sombat, titulaire, et la société Amson intervenue comme sous-traitante du revêtement des bassins. La maîtrise d’œuvre était assurée par la société Gruet Ingénierie et le contrôle technique, par la société Qualiconsult. La réception s’était effectuée sans réserve. Puis des désordres sont apparus trois mois plus tard sur le revêtement des bassins, sous forme de tâches de rouille et de cloques. L’expert missionné avait finalement conclu que les bassins étaient affectés d’un défaut d’étanchéité qui les rendaient, évidemment, impropres à leur destination.

À la demande du maître d’ouvrage, l’ensemble des débiteurs de la garantie décennale auxquels le dommage est reconnu imputable peuvent être condamnés in solidum (v. par ex. CE, 2 oct. 2024, Société Apave Infrastructures et Construction France, n° 488166).

Enseignement n° 2 : Les contributions à la dette sont réparties selon le rôle causal et la gravité des manquements de chaque intervenant

La responsabilité décennale est une responsabilité objective, sans faute, mais l’imputabilité du désordre reste une condition sine qua non de son engagement.

Toutefois l’entrepreneur de travaux doit répondre de son sous-traitant, notamment en vertu des principes de l’exécution personnel du marché et d’effet relatif des contrats. Ainsi dans son rapport l’expert avait-il conclu à un imputabilité de manquements graves aux règles de l’art à la société Amson, ce qui ne fait pas obstacle, bien au contraire, à l’engagement de la responsabilité décennale de la société Sombat elle-même. Au regard de la gravité de ces manquements – sous-utilisation de matières premières, caractéristiques techniques des revêtements incompatibles avec les températures du bassin, absence de finition et défectuosité de plusieurs opérations techniques – le juge fixe la contribution à la dette de l’entreprise de travaux à hauteur de 85%.

La maîtrise d’œuvre répond également des désordres décennaux en l’espèce eu égard au contenu de ses missions. Tant sa mission de conception – au stade de la rédaction du CCTP – que sa mission de direction du chantier – au stade de la mise en œuvre par la société Amson – impliquait qu’elle aurait du réagir face à l’incompatibilité des caractéristiques du revêtement avec les températures d’eau des bassins. En raison de ces défauts de surveillance et de contrôle, sa contribution à la dette est fixée à 10%.

En dernier lieu, le juge examine la responsabilité du contrôleur technique. Il s’appuie assez largement pour ce fait sur les conclusions de l’expert pour qui il ne fait aucun doute que le revêtement d’étanchéité était indissociable de la structure de l’ouvrage, et entrait ainsi dans le périmètre de la mission de la société Qualiconsult. Le contrôleur technique assume en effet une mission de prévention des aléas techniques en rendant des avis notamment sur les problèmes concernant la solidité de l’ouvrage. Par suite, le désordre lui est imputable. Il apparait que dans les circonstances de l’espèce la société Qualiconsult disposait de plusieurs éléments qui auraient pu l’amener à prévenir l’apparition des désordres, alors qu’elle n’a formulé aucune alerte ni pris aucune mesure de réaction : elle était en mesure d’accéder à toutes les informations nécessaires pour constater l’incompatibilité des caractéristiques du revêtement avec les températures des bassins ; et la société Amson ne communiquait pas ses auto-contrôles. Malgré ce constat, le juge retient une contribution à la dette à hauteur de 5% du montant total de l’indemnité allouée au maître d’ouvrage.

 


CAA Nantes, 16 mai 2025, Cap Atlantique, n° 24NT00163

 

Considérant ce qui suit :

1. Postérieurement à la réception, le 28 août 2007, par Cap Atlantique, du centre aquatique de Guérande (Loire-Atlantique), des désordres affectant l’ouvrage sont apparus à compter de 2010, en particulier un défaut d’étanchéité des bassins et une dégradation de leur revêtement intérieur par décollement, rendant dès lors nécessaire l’exécution de travaux réparatoires. CAP Atlantique a ainsi confié, le 23 décembre 2015, à la société Sombat, les travaux du lot n° 1 ” démolitions – carrelage – étanchéité – revêtement polyester “, la mise en œuvre du revêtement des bassins ayant ensuite été sous-traitée à la société Amson. La maîtrise d’œuvre de l’opération a été confiée à la société Gruet Ingénierie, dont le marché a été conclu le 3 août 2015. La société Qualiconsult, contrôleur technique, a été missionnée le 3 mars 2014. A la suite de la réception de ces travaux de remise en état, sans réserve avec effet au 16 juin 2016, de nouveaux désordres sont apparus sur le revêtement des bassins. Aux termes d’une ordonnance du tribunal administratif de Nantes du 29 mars 2018, Cap Atlantique a obtenu la désignation d’un expert, M. A…, qui a déposé son rapport d’expertise le 9 novembre 2020.

2. Saisi par Cap Atlantique, le tribunal administratif de Nantes, par un jugement du 29 novembre 2023, a condamné in solidum, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, les sociétés Sombat, Gruet Ingénierie et Qualiconsult à verser à Cap Atlantique une indemnité de 445 782,69 euros au titre des désordres litigieux, avec intérêts et capitalisation des intérêts, et mis à leur charge solidaire les dépens, liquidés et taxés à la somme de 38 702,31 euros. Le tribunal a également condamné, d’une part, la société Sombat à garantir les sociétés Gruet Ingénierie et Qualiconsult à hauteur de 85 % des condamnations précitées, d’autre part, la société Gruet Ingénierie à garantir les sociétés Sombat et Qualiconsult à hauteur de 10 % de celles-ci et, enfin, la société Qualiconsult à garantir les sociétés Sombat et Gruet Ingénierie à hauteur de 5 % de ces dernières, puis a rejeté le surplus des conclusions des parties. Cap Atlantique fait appel de l’article 2 de ce jugement du 29 novembre 2023 en tant qu’il a limité à la somme de 445 782,69 euros la condamnation des sociétés Sombat, Gruet Ingénierie et Qualiconsult au titre des préjudices résultant des désordres litigieux et demande la condamnation in solidum de ces sociétés à lui verser la somme totale de 869 702,22 euros TTC au titre de ceux-ci. Par ailleurs, d’une part, la société Gruet Ingenierie demande, par la voie de l’appel incident et provoqué, le rejet de toutes les conclusions formées à son encontre, d’autre part, la société Qualiconsult demande à la cour, à titre principal par la voie de l’appel incident, l’annulation du jugement attaqué en tant que le tribunal administratif l’a condamnée à indemniser Cap Atlantique et à ce que toutes les demandes formées contre elle soient rejetées, et à titre subsidiaire par la voie de l’appel provoqué à ce que les sociétés Gruet Ingenierie et Sombat soient condamnées à la garantir des condamnations prononcées à son encontre. Enfin, la société Sombat demande à la cour, par la voie de l’appel incident l’annulation partielle de ce jugement, en tant que le tribunal administratif a octroyé à Cap Atlantique une somme de 21 171,89 euros TTC versée à son délégataire de service public et, par la voie de l’appel provoqué la condamnation des sociétés Gruet Ingenierie et Qualiconsult à la garantir.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions d’appel principal de Cap Atlantique :

S’agissant de la responsabilité décennale des constructeurs :

3. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d’ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n’apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

4. Aux termes de l’article L. 111-23 du code de la construction et de l’habitation alors en vigueur, devenu l’article L. 125-1 du même code : ” Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d’être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l’ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d’ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l’ouvrage et la sécurité des personnes. “. Selon le premier alinéa de l’article L. 111-24 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction alors en vigueur, devenu l’article L. 125-2 du même code : ” Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l’ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil (…) “.

5. Il résulte de l’instruction, en particulier du rapport d’expertise, qu’après le remplacement complet du revêtement d’étanchéité des trois bassins du centre aquatique de Guérande, réceptionné le 16 juin 2016, des tâches de couleur noire ou rouille et des cloques sont apparues dès la fin du mois d’août 2016. Selon l’expert, ces désordres révèlent, d’une part, que le revêtement des bassins se trouve dépourvu de caractère antidérapant et non abrasif et n’a pas été appliqué suivant les règles de l’art avec une épaisseur homogène et suffisante, comme l’exige la réglementation, et, d’autre part, qu’un défaut d’étanchéité affecte celui-ci, rendant ainsi l’ouvrage impropre à sa destination. Par conséquent, les désordres constatés sont de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs.

6. D’une part, l’expert a établi dans son rapport que l’origine des désordres était imputable à la société Amson, sous-traitant de la société Sombat chargée des travaux de revêtement et d’étanchéité, qui a en effet commis des manquements graves aux règles de l’art lors de la mise en œuvre des différents composants du revêtement des bassins. Il apparaît notamment que l’épaisseur de ce dernier était trop faible en raison des commandes insuffisantes de matières premières par ladite société, que ses caractéristiques étaient incompatibles avec les températures d’eau des bassins, pourtant identiques aux températures de confort habituellement observées dans les autres centres aquatiques, que les goulottes des bassins étaient dépourvues de couches de finition et que lors de la mise en œuvre du revêtement, les opérations d’ébullage et d’homogénéisation ont été défectueuses.

7. D’autre part, l’expert a également relevé que l’incompatibilité des caractéristiques du revêtement mis en œuvre avec les températures d’eau des bassins constituait un élément qui aurait dû conduire la société Gruet Ingénierie, en charge de la maîtrise d’œuvre, à réagir en imposant un revêtement conforme aux contraintes de température en cause, en particulier à travers une modification du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché de travaux. Le rapport d’expertise pointe également un défaut de surveillance et de contrôle imputable au maître d’œuvre s’agissant de deux manquements commis par la société Sombat et son sous-traitant Amson, dont elle doit répondre, à savoir l’absence de couches de finition sous les goulottes des bassins et la référence à une norme obsolète pour l’antidérapant du revêtement. La société Gruet Ingénierie ne conteste pas sérieusement, par les pièces qu’elle produit, que les désordres litigieux lui sont imputables alors, au demeurant, qu’elle était chargée d’une mission de direction de l’exécution des travaux (DET) aux termes du marché de maîtrise d’œuvre qu’elle a signé et que les manquements commis par la société Amson, sous-traitant de la société Sombat, sont particulièrement caractérisés, comme il vient d’être dit.

8. Enfin, l’expert a exposé de façon circonstanciée dans son rapport que le revêtement d’étanchéité des bassins était un élément indissociable de la structure de l’ouvrage et entrait de ce fait dans le périmètre de la mission de la société Qualiconsult, qui était chargée du contrôle technique des travaux. En effet, le contrôleur technique contribue à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d’être rencontrés dans la réalisation des ouvrages en application des dispositions précitées de l’article L. 111-23 du code de la construction et de l’habitation. Or, malgré le fait que cette société était en mesure d’accéder à toutes les informations nécessaires pour constater que les caractéristiques du revêtement énoncées dans le mémoire technique de la société Amson étaient incompatibles avec les températures d’eau des bassins, elle n’a toutefois formulé aucune alerte sur ce point auprès de la maîtrise d’œuvre. En outre, l’expert a constaté que l’absence de communication des auto-contrôles de la société Amson aurait dû l’alerter et l’inciter, dès lors, à faire preuve de vigilance quant à la bonne mise œuvre du revêtement d’étanchéité à l’origine des désordres litigieux, ce qu’elle n’a pas fait.

9. Au regard de l’ensemble de ces circonstances, le tribunal administratif a fait une exacte appréciation de la part de responsabilité de la société Sombat dans l’apparition des désordres litigieux en la fixant à 85%, de la part de responsabilité de la société Gruet Ingénierie en la fixant à 10 % et de la part de responsabilité de la société Qualiconsult en la fixant à 5 %. CAP Atlantique est donc fondée à demander la condamnation in solidum de ces sociétés à réparer les conséquences dommageables de ces désordres.

S’agissant de l’évaluation des préjudices :

10. En premier lieu, les frais supportés par une partie pour l’assistance d’un tiers, notamment d’un avocat, durant les opérations d’une expertise tendant à déterminer les causes et l’étendue d’un dommage sont susceptibles d’être pris en compte dans le préjudice résultant de ce dommage dont l’indemnisation est due par la ou les personnes qui en sont reconnues responsables. Toutefois, lorsque l’expertise a été ordonnée par le juge administratif, y compris avant l’introduction de l’instance au fond sur le fondement des dispositions de l’article R. 532-1 du code de justice administrative, et que l’intéressé a la qualité de partie à l’instance au fond, les frais exposés à ce titre ne peuvent être remboursés que par la somme le cas échéant allouée à cette partie au titre de l’article L. 761-1 du même code dans cette même instance au fond. Il appartient au juge, le cas échéant, d’en tenir compte dans le montant de la somme allouée à ce titre. Ainsi, Cap Atlantique n’est pas fondée à demander l’indemnisation, au titre d’un chef de préjudice spécifique, des frais d’avocat qu’elle a exposés pour assurer sa défense au cours des opérations de l’expertise ordonnée par le tribunal administratif de Nantes avant l’introduction de l’instance au fond. Par suite, sa demande d’indemnisation complémentaire doit être rejetée sur ce point.

11. En deuxième lieu, il résulte du rapport d’expertise que les travaux de reprise des désordres litigieux consistent notamment à remplacer la totalité du revêtement des bassins du centre aquatique de Guérande. A ce titre, l’expert a sollicité plusieurs devis et retenu les propositions des sociétés Valagier Résine et Europe Résine, d’un montant respectif de 330 032 euros TTC et de 370 456 euros TTC, en raison de leur qualité sur le plan économique et technique. Cependant, l’expert a indiqué que de tels devis ne constituaient qu’une estimation du coût des travaux réparatoires et que seul le résultat des procédures de passation engagées par le maître d’ouvrage était opposable aux constructeurs responsables des désordres. A ce titre, il résulte des pièces produites pour la première fois en appel par Cap Atlantique que cette dernière, après avoir dû déclarer infructueuse une première procédure, a engagé une nouvelle consultation en vue de procéder à la réfection des bassins de son centre aquatique et qu’elle a retenu l’offre de la société Etandex, d’un montant de 610 200 euros TTC, aux termes d’un acte d’engagement signé le 2 décembre 2024. Le maître d’ouvrage Cap Atlantique soutient à juste titre qu’il y a lieu de retrancher de ce coût total les travaux afférents à la pataugeoire et ceux relatifs à la reprise ponctuelle de plinthes et carrelages, qui ne sont pas en lien avec les désordres en litige, soit un coût des travaux de reprise à retenir, comme résultant des désordres imputables aux constructeurs, de 571 619,17 euros TTC, lequel n’a pas été contesté sérieusement et en temp utile par les parties, tant dans son principe que dans ses modalités de calcul. Enfin, la maîtrise d’œuvre de ces travaux de reprise a été confiée à la société FGEco pour un montant de 47 796 euros TTC. Au total, les travaux de reprise des bassins du centre aquatique et les honoraires de maîtrise d’œuvre y afférents s’élèvent donc, avec en sus les frais de contrôle technique et de coordination SPS retenus par le tribunal et non contestés, à la somme de 623 111,17 euros TTC, qu’il y a lieu de mettre à la charge in solidum des sociétés Sombat, Gruet Ingénierie et Qualiconsult. En conséquence, le jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes doit être réformé sur ce point.

12. En dernier lieu, il résulte de l’instruction que compte tenu de l’ampleur des travaux réparatoires en litige, qui consistent en particulier à remplacer le revêtement des bassins du centre aquatique, la fermeture de ce dernier pour les exécuter est nécessaire, ce qui va entraîner un préjudice d’exploitation à la charge de Cap Atlantique. En effet, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif, il résulte expressément des stipulations du contrat de délégation de service public du 8 juillet 2022 que le délégataire n’assumera pas cette charge mais qu’il est, au contraire, prévu que le délégant l’indemnise sur ce point. En outre, l’expert a chiffré le préjudice relatif à la perte d’exploitation du centre aquatique pendant la période de fermeture en cause à la somme de 16 289 euros TTC par semaine, dont doivent être déduits certains frais de fonctionnement tels que les coûts de l’énergie et les coûts salariaux. Dès lors, il y a lieu d’évaluer ce préjudice à la somme de 5 000 euros par semaine. De surcroît, les entreprises défenderesses ne contestent pas sérieusement le bien-fondé du planning prévisionnel des travaux produit par le maître d’ouvrage, dont il résulte que le centre aquatique de Guérande devra être fermé environ dix-neuf semaines pour réaliser les travaux réparatoires nécessaires. Au regard de l’ensemble de ces éléments, il sera fait une juste appréciation du préjudice relatif à la perte d’exploitation en l’évaluant à la somme de 95 000 euros TTC, qu’il y a donc lieu de mettre à la charge in solidum des sociétés Sombat, Gruet Ingénierie et Qualiconsult. En conséquence, le jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes doit être réformé également dans cette mesure.

13. Il résulte de ce qui précède que CAP Atlantique est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a limité son indemnisation à la somme de 445 782,69 euros et que cette somme doit être portée, compte tenu des autres chefs de préjudice retenus par le tribunal, au montant global de 752 696,26 euros TTC.

En ce qui concerne les conclusions d’appel incident et d’appel provoqué présentées par la société Sombat :

14. En premier lieu, il résulte de l’instruction, en particulier des deux factures des 25 janvier et 18 septembre 2019 d’un montant total de 21 171,89 euros TTC, que Cap Atlantique a dû indemniser l’exploitant du centre aquatique de Guérande d’une perte d’exploitation consécutive à la fermeture de celui-ci en raison des opérations d’expertise rendues nécessaires par l’apparition des désordres litigieux. En effet, l’article 3.7 du contrat de délégation de service public signé le 11 juillet 2017 alors applicable prévoyait que ” le délégataire n’est pas responsable des conséquences d’un litige, de quelque nature que ce soit, lié directement ou indirectement à l’exploitation des centres aquatiques, né antérieurement à la date de signature du présent contrat. (…) “. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Sombat, cette indemnisation a pour objet de compenser le manque à gagner subi par l’exploitant et revêt ainsi le caractère d’une recette commerciale, soumise dès lors à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, les conclusions d’appel incident de la société Sombat tendant à contester le bien-fondé de l’indemnisation de ce chef de préjudice doivent être rejetées.

15. En second lieu, la société Sombat demande à la cour, à titre subsidiaire, par la voie de l’appel provoqué, de condamner solidairement les sociétés Gruet Ingénierie et Qualiconsult à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre. Compte tenu de la part de responsabilité de ces sociétés dans l’apparition des désordres litigieux telle qu’elle résulte de ce qui a été dit au point 9 ci-dessus, il y a lieu de faire droit à la demande de la société Sombat et de condamner les sociétés Gruet Ingénierie et Qualiconsult à la garantir dans la seule mesure retenue par le tribunal, c’est à dire respectivement à hauteur de 10 % et de 5 % des condamnations prononcées par le présent arrêt.

En ce qui concerne les conclusions d’appel provoqué présentées par la société Gruet Ingénierie :

16. La société Gruet Ingénierie demande à la cour, à titre subsidiaire, par la voie de l’appel provoqué, de condamner solidairement les sociétés Sombat et Qualiconsult à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre. Compte tenu de la part de responsabilité de ces sociétés dans l’apparition des désordres litigieux telle qu’elle résulte de ce qui a été dit au point 9 ci-dessus, il y a lieu de confirmer sur ce point le jugement condamnant les sociétés Sombat et Qualiconsult à garantir la société Gruet Ingénierie respectivement à hauteur de 85 % et de 5 % des condamnations prononcées à leur encontre.

En ce qui concerne les conclusions d’appel incident et d’appel provoqué présentées par la société Qualiconsult :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 9 ci-dessus, que la responsabilité décennale de la société Qualiconsult est engagée dans l’apparition des mêmes désordres litigieux. Dès lors, cette société n’est pas fondée à demander l’annulation du jugement attaqué en tant que le tribunal administratif de Nantes l’a condamnée in solidum à indemniser Cap Atlantique des conséquences desdits désordres et mis à sa charge les dépens de l’instance. Par suite, ses conclusions d’appel incident doivent être rejetées.

18. En second lieu, la société Qualiconsult demande à la cour, à titre subsidiaire, par la voie de l’appel provoqué, de condamner solidairement les sociétés Sombat et Gruet Ingénierie à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre. Compte tenu de la part de responsabilité de ces sociétés dans l’apparition des désordres litigieux telle qu’elle résulte de ce qui a été dit au point 9 ci-dessus, il y a lieu de confirmer sur ce point le jugement condamnant les sociétés Sombat et Gruet Ingénierie à la garantir respectivement à hauteur de 85 % et de 10 % des condamnations prononcées à leur encontre.

Sur les frais de l’instance :

19. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de CAP Atlantique, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les sociétés Sombat et Qualiconsult demandent au titre des frais qu’elles ont exposés et non compris dans les dépens.

20. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des sociétés Sombat, Gruet Ingénierie et Qualiconsult une somme de 1 000 euros chacune au titre des frais exposés par CAP Atlantique et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

  • Article 1er : La somme de 445 782,69 euros TTC que les sociétés Sombat, Gruet Ingénierie et Qualiconsult ont été condamnées, in solidum, à verser à Cap Atlantique par le jugement du 29 novembre 2023 du tribunal administratif de Nantes est portée à la somme de 752 696,26 euros TTC.
  • Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 novembre 2023 est réformé en ce qu’il a de contraire à l’article 1er ci-dessus.
  • Article 3 : Les sociétés Sombat, Gruet Ingénierie et Qualiconsult verseront une somme de
  • 1 000 euros chacune à CAP Atlantique au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
  • Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
  • Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Communauté d’agglomération de la Presqu’île de Guérande Atlantique et aux sociétés Sombat, Gruet Ingénierie, Qualiconsult et Axa France Iard.

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Table des matières
Condamnation in solidum des constructeurs,
Contribution à la dette,
garantie décennale,
Gravité des désordres,
Imputabilité,
Répartition,
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