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Publié le 06 Jan 2025

En cas de négociation, la date de fixation du prix est celle de remise de l’offre… sauf si la négociation n’a pas porté sur le prix !

CE 31 octobre 2024, Société routière de Haute-Corse et Société Corse Travaux, n° 491280

Ce qu’il faut retenir :

La date de fixation du prix de l’offre à retenir pour l’actualisation du prix ferme est la date à laquelle le candidat a remis son offre. En cas de négociation, la date à retenir est celle à laquelle le candidat a remis son offre finale après négociation. Cependant si la négociation n’a pas pu porter sur le prix, la date à retenir est celle à laquelle le candidat a remis sa dernière offre avant négociation.

Enseignement n° 1 : La date de fixation du prix dans l’offre est en principe celle de la remise de l’offre la plus récente

Dans le cadre des articles R.2112-10 et 11 du code de la commande publique, les marchés conclus à prix définitifs doivent nécessairement prévoir une clause d’actualisation lorsqu’ils portent sur autre chose que des fournitures et services courants. Le cas échéant, le code fixe un certain nombre de points concernant les conditions de l’actualisation, et notamment le point de départ du délai ouvrant droit à l’actualisation des prix.

Ces dispositions trouvaient déjà une source dans le III de l’article 18 du code des marchés publics, aux termes duquel le marché doit prévoit que le prix sera actualisé « si un délai supérieur à trois mois s’écoule entre la date à laquelle le candidat a fixé son prix dans l’offre et la date de début d’exécution des prestations ». Ce qui a pu poser la question un temps de ce qu’il faut entendre par « date à laquelle le candidat a fixé son prix dans son offre ». Le CCAG-Travaux de 1976 prévoyait pour sa part que le marché peut fixer le « mois d’établissement des prix » ou, à défaut, que ce dernier est réputé être le mois qui précède la signature de l’acte d’engagement (art. 10.45). Mais, outre que cette signature peut être postérieure au dépôt de l’offre et donc à l’élaboration réelle de l’offre de prix, ce mois d’établissement des prix n’était en fait que le référentiel qui permettait de savoir quelle était la règlementation à appliquer pour actualiser les prix donc ne tranchait directement qu’une question d’application temporel de la loi (art. 10.42)… Le CCAG-Travaux de 2009 sur ce point n’est pas venu préciser les choses puisque la « date d’établissement du prix initial » qu’il définit ne concernait que la révision des prix.

Au surplus, la progression de la négociation au sein des procédures d’achat public a posé la question supplémentaire de savoir quelle date il convenait de retenir lorsque plusieurs offres étaient déposées dans le cadre d’une même procédure. S’il est heureux que le CCAG-Travaux 2021 soit venu préciser les choses, il est encore plus heureux que le Conseil d’État soit venu, par un  arrêt du 31 octobre 2024, consacrer l’applicabilité de leur logique aux marchés passés sous l’empire des précédents CCAG : ainsi, « dans le cas où une négociation a eu lieu entre l’acheteur public et le candidat, c’est la date à laquelle ce dernier a remis, après négociation, son offre finale qui doit être regardée comme la date de fixation du prix de l’offre au sens de ces dispositions ».

Enseignement n° 2 : Lorsqu’une négociation a eu lieu sans pouvoir porter sur le prix, la date à retenir est celle de la dernière offre remise avant négociation

Allant encore plus loin, c’est aussi la logique de la réalité économique que le Conseil d’État consacre, en creux, dans son arrêt. Il vient en effet préciser que « lorsque la négociation ne (peut) porter sur le prix, c’est la dernière offre remise par le candidat avant négociation qui, étant ainsi ferme sur le prix, doit être regardée comme date de fixation du prix de l’offre au sens de ces dispositions ».

L’objectif des dispositions des textes dans cette hypothèse est en effet d’assurer une cohérence entre les coûts pris en compte par le candidat dans son offre et les coûts réels du titulaire une fois l’exécution du contrat démarré. Lorsqu’un délai trop important s’est écoulé, a fortiori dans le contexte économique actuel, l’entreprise risque fort d’être lésée par ce décalage. Le mécanisme de l’actualisation des prix vise précisément à répondre à cette problématique en permettant de « recontextualiser » l’offre de prix. Par conséquent il relève du bon sens que de considérer que, lorsque l’entreprise n’aura pas « eu la main » sur son offre de prix car ce point n’aura pas été ouvert aux négociations, la date de fixation du prix dans l’offre ne peut pas être autre chose que la date de l’offre antérieure aux négociations !

 


CE 31 octobre 2024, Société routière de Haute-Corse
et Société Corse Travaux, n° 491280


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un contrat conclu le 30 octobre 2009, la chambre de commerce et d’industrie de Bastia et de la Haute-Corse, aux droits et obligations de laquelle vient la chambre de commerce et d’industrie de Corse, a confié à un groupement solidaire constitué de la société Routière de Haute-Corse, mandataire, et de la société Corse Travaux, un marché public de travaux ayant pour objet la mise aux normes de l’aéroport de Bastia-Saint-Exupéry, dont la maîtrise d’œuvre était assurée par la société Ingerop. Après la réception des travaux, les sociétés ont saisi le tribunal administratif de conclusions tendant à la condamnation de la chambre de commerce et d’industrie à leur payer la somme de 712 353,53 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché. Le tribunal administratif de Bastia a partiellement fait droit à leur demande, en condamnant la chambre de commerce et d’industrie à payer la somme de 332 836,92 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires à compter du 16 décembre 2019 et de leur capitalisation. La société Routière de Haute-Corse et la société Corse Travaux se pourvoient en cassation contre l’arrêt du 27 novembre 2023 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a ramené cette somme à 22 791,44 euros.

2. En premier lieu, aux termes de l’article 13.33 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, dans son édition de 1976, qui est au nombre des pièces contractuelles du marché en application du B de l’article 2 du cahier des clauses administratives particulières : ” 13.31. Après l’achèvement des travaux, l’entrepreneur, concurremment avec le projet de décompte afférent au dernier mois de leur exécution ou à la place de ce projet, dresse le projet du décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l’exécution du marché dans son ensemble, les évaluations étant faites en tenant compte des prestations réellement exécutées. / (…) 13.32. Le projet de décompte final est remis au maître d’œuvre dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux (…) 13.33. L’entrepreneur est lié par les indications figurant au projet de décompte final, sauf sur les points ayant fait l’objet de réserves antérieures de sa part, ainsi que sur le montant définitif des intérêts moratoires. / 13.34. Le projet de décompte final établi par l’entrepreneur est accepté ou rectifié par le maître d’œuvre ; il devient alors le décompte final. / 13.4. Décompte général – Solde : / 13.41. Le maître d’œuvre établit le décompte général qui comprend : / Le décompte final défini au 34 du présent article ; / L’état du solde établi, à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel, dans les mêmes conditions que celles qui sont définies au 21 du présent article pour les acomptes mensuels ; / La récapitulation des acomptes mensuels et du solde. / Le montant du décompte général est égal au résultat de cette dernière récapitulation. (…) “.

3. Il ressort des termes mêmes de l’arrêt attaqué que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, la cour n’a pas jugé irrecevables leurs conclusions tendant à la condamnation de la chambre de commerce et d’industrie à leur payer les sommes demandées au titre de la situation n° 6, correspondant au dernier mois d’exécution du marché, faute pour cette dernière d’avoir fait l’objet d’une notification distincte et préalable à celle du projet de décompte final mais au motif, exempt d’erreur de droit, que le projet de décompte final, qui intégrait ces sommes, n’avait pas été adressé au maître d’œuvre, conformément aux stipulations citées au point 2.

4. En second lieu, aux termes du III de l’article 18 du code des marchés publics alors en vigueur, repris en substance aux articles R. 2112-10 et R. 2112-11 du code de la commande publique : ” III.- Un prix ferme est un prix invariable pendant la durée du marché. Toutefois, il est actualisable dans les conditions définies ci-dessous. (…) Lorsqu’un marché est conclu à prix ferme pour des fournitures ou services autres que courants ou pour des travaux, il prévoit les modalités d’actualisation de son prix. Il précise notamment : / 1° Que ce prix sera actualisé si un délai supérieur à trois mois s’écoule entre la date à laquelle le candidat a fixé son prix dans l’offre et la date de début d’exécution des prestations (…) “.

5. Il résulte des dispositions précitées que le contrat conclu à prix ferme doit comporter une clause d’actualisation du prix, applicable lorsqu’un délai supérieur à trois mois s’écoule entre la date à laquelle le candidat a fixé son prix dans l’offre et la date de début d’exécution des prestations. Dans le cas où une négociation a eu lieu entre l’acheteur public et le candidat, c’est la date à laquelle ce dernier a remis, après négociation, son offre finale qui doit être regardée comme la date de fixation du prix de l’offre au sens de ces dispositions. Il n’en va différemment que lorsque la négociation ne pouvant porter sur le prix, c’est la dernière offre remise par le candidat avant négociation qui, étant ainsi ferme sur le prix, doit être regardée comme date de fixation du prix de l’offre au sens de ces dispositions.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu’en calculant, pour l’application des dispositions précitées de l’article 18 du code des marchés publics, le délai de trois mois à compter de la date de remise de l’offre définitive du groupement candidat, la cour, qui n’a pas dénaturé les pièces du dossier en retenant la date du 7 octobre 2009, qui était celle de la signature par le mandataire du groupement de l’acte d’engagement contenant son offre finale après négociation, n’a pas commis d’erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêt qu’elles attaquent.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge des sociétés Routière de Haute-Corse et Corse Travaux la somme de 1 500 euros chacune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la chambre de commerce et d’industrie de Corse qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :
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  • Article 1er : Le pourvoi des sociétés Routière de Haute-Corse et Corse Travaux est rejeté.
  • Article 2 : Les sociétés Routière de Haute-Corse et Corse Travaux verseront à la chambre de commerce et d’industrie de Corse une somme de 1 500 euros chacune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
  • Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Routière de Haute-Corse, premier requérant dénommé et à la chambre de commerce et d’industrie de Corse.

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Table des matières
Actualisation,
CE 31 octobre 2024 n° 491280,
Clause d’actualisation du prix,
Code de la commande publique R.2112-10,
Date d’établissement des prix,
Date de fixation du prix,
Date de remise de l’offre finale,
Dernière offre avant négociation,
Marchés à prix définitifs,
Négociation,
Offre finale après négociation,
Prix ferme actualisable,
Réalité économique et actualisation,
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