CE 22 janvier 2018, Communauté de communes Caux Estuaire, req.n°414337
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat considère que dans le cadre d’un marché public de travaux, le défaut de production par l’attributaire pressenti d’un marché public de travaux d’une attestation d’assurance de responsabilité décennale dans les délais prescrits par le règlement de la consultation constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui justifie l’annulation de la procédure d’attribution.
Pour que la procédure d’attribution d’un marché public de travaux puisse être considérée comme régulière, l’attributaire pressenti est tenu de produire une attestation d’assurance de responsabilité décennale
Selon l’article 1792 du code civil tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui est susceptible de compromettre la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rende impropre à sa destination. L’article 1792-2 du même code rappelle que la présomption de responsabilité établie par l’article 1792 s’étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert. Un élément d’équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l’un des ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.
Selon l’article L. 241-1 du code des assurances tout candidat à l’obtention d’un marché public doit être en mesure de justifier qu’il a souscrit un contrat d’assurance le couvrant pour cette responsabilité.
Dès lors que le marché public vise ou ouvrage ou un équipement susceptible de rentrer dans le champ d’application de l’article 1792 du Code civil, alors chaque candidat doit pouvoir justifier d’une attestation d’assurance de responsabilité décennale avant d’être déclaré attributaire du contrat.
Ce document doit être produit (i) dans les délais prescrit par le règlement de la consultation et (ii) avant l’information des candidats évincés
L’autre intérêt de l’arrêt consiste dans la précision apportée par le Conseil d’Etat sur le stade de la procédure où la production des documents exigés par le règlement de la consultation doit intervenir. En effet, cette affaire donne l’occasion au Conseil d’Etat de préciser deux points d’une importance capitale qui n’étaient jamais respectés par le juge du référé précontractuel :
En premier lieu, le Conseil d’Etat rappelle que le titulaire pressenti du marché public doit produire une copie de l’attestation d’assurance de responsabilité décennale dans les délais prescrits par le règlement de la consultation.
En deuxième lieu, la Haute Juridiction précise que le titulaire pressenti du marché public doit produire une copie de l’attestation d’assurance de responsabilité décennale dans les délais prescrits par le règlement de la consultation et « avant l’information des candidats évincés » avant que puisse éventuellement jouer le dispositif de l’article 55-IV du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.
Cette précision est la bienvenue ! Elle a vocation à s’appliquer à tous les documents exigés par le règlement de la consultation à l’égard de l’attributaire pressentie y compris donc en ce qui concerne les attestations fiscales et sociales qui doivent désormais être produits non seulement dans les délais impartis par le règlement de la consultation mais aussi avant l’information des candidats évincés !
Conseil d’État
N° 414337
Lecture du vendredi 26 janvier 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Futura Play a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen, sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, d’annuler la procédure de passation du lot n° 4 du marché public de construction d’un équipement aquatique lancée par la communauté de communes Caux Estuaire, ainsi que toutes les décisions qui s’y rapportent, et d’enjoindre à la communauté de communes de lui communiquer les motifs du rejet de son offre ainsi que les caractéristiques et avantages de l’offre retenue.
Par une ordonnance n° 1702471 du 29 août 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a annulé la procédure de passation du lot en litige et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 septembre 2017, 2 octobre 2017 et 11 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la communauté de communes Caux Estuaire et la société Variopool BV demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter les demandes de la société Futura Play ;
3°) de mettre à la charge de la société Futura Play la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Considérant, en dernier lieu, qu’aux termes de l’article 7.4 du règlement de la consultation : “ L’attributaire pressenti ne saurait être désigné définitivement comme titulaire du marché qu’à la condition de produire dans un délai de sept (7) jours calendaires à compter de la réception par courriel, les documents suivants : (…) – Les attestations d’assurance en cours de validité (article 44 III du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016). (…) / Si le candidat dont l’offre a été retenue ne peut produire les attestations et certificats demandés, son offre est rejetée et le candidat éliminé “ ; que le juge des référés n’a pas dénaturé ces stipulations en estimant qu’elles imposaient la production par le candidat pressenti d’une attestation d’assurance de responsabilité décennale avant l’information des candidats évincés ; que le moyen tiré de ce que le juge des référés aurait dénaturé les stipulations de l’article 6.2 du cahier des clauses administratives particulières est inopérant dès lors que le juge ne s’est pas fondé sur ces stipulations pour annuler la procédure de passation du lot en litige ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi de la communauté de communes Caux Estuaire et de la société Variopool BV est rejeté.
Article 2 : La communauté de communes Caux Estuaire et la société Variopool BV verseront chacune la somme de 1 500 euros à la société Futura Play au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la communauté de communes Caux Estuaire et aux sociétés Variopool BV et Futura Play.