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Publié le 30 Sep 2017

Marchés publics de mobiliers urbains : le non-respect du règlement local de publicité entraîne l’annulation de la procédure !

 

CE 18 septembre 2017, Ville de Paris, req.n°410336

La ville de Paris a lancé une procédure de passation d’une concession de services relative à l’exploitation de mobiliers urbains d’information supportant de la publicité. Après s’être portée candidate, la société requérante a renoncé à présenter une offre et a demandé à la ville de déclarer la procédure sans suite. Après la désignation de l’attributaire, ladite société  a décidé de saisir le juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de Paris qui a annulé la procédure au motif pris du non-respect par les documents de la consultation du règlement local de publicité interdisant toute publicité lumineuse autre que la publicité par projection ou transparence (TA Paris, Ord. 21 avril 2017, Sté Extérion Média France, n°1704976).

En cassation, le Conseil d’Etat a décidé de confirmer cette solution.

 

Règle n°1 : Les cahiers des charges d’un marché de mobilier urbain doivent respecter les règles du règlement local de publicité

 

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat considère qu’une procédure de passation d’un marché de mobiliers urbains qui ne respecte pas les règles du règlement local de publicité qui a été adopté par le pouvoir adjudicateur doit être considérée comme irrégulière.

Le Conseil d’Etat considère que tel est le cas en l’espèce dans la mesure où les documents de la consultation autorisaient les candidats à proposer des mobiliers urbains supportant de la publicité numérique en violation avec le règlement local de publicité adopté par la Ville de Paris.

Les documents de la consultation indiquaient en effet que les mobiliers urbains « pourront supporter de l’affichage et de la publicité non lumineuse ou éclairée par projection ou transparence, voire numérique à titre accessoire » tout en précisant que « dans une proportion qui ne saurait excéder 15% des mobiliers mis en place au titre de la concession, les mobiliers pourront supporter de l’affichage et de la publicité numérique ».

 

Règle n°2 : La méconnaissance de la règlementation applicable au contrat constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence

 

Cet arrêt donne l’occasion de rappeler que la méconnaissance par les cahiers des charges d’une règlementation applicable au contrat constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

Un tel manquement est susceptible par nature de léser un candidat potentiel ou évincé dans la mesure où elle ne permet pas de déposer une offre régulière

 

 

Conseil d’État

N° 410336

Lecture du lundi 18 septembre 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu les procédures suivantes :

Procédure antérieure

La société Clear Channel France et la société Extérion Media France ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, d’annuler la procédure de passation de la concession de service relative à l’exploitation de mobiliers urbains d’information à caractère général ou local, supportant de la publicité, engagée par la ville de Paris.

Par deux ordonnances n° 1705054 et n° 1704976 du 21 avril 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a annulé la procédure de passation de la concession de service en litige.

  1. Considérant que les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
  2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : “ Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, ou la délégation d’un service public (…) “ ; qu’aux termes du I de l’article L. 551-2 de ce code : “ I. Le juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s’il estime, en considération de l’ensemble des intérêts susceptibles d’être lésés et notamment de l’intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l’emporter sur leurs avantages./ Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations (…) “ ;
  3. Considérant qu’il ressort des énonciations des ordonnances attaquées que, par un avis d’appel public à concurrence, paru au Journal officiel de l’Union européenne du 24 mai 2016 et au Bulletin officiel des annonces de marchés publics du 22 mai 2016, la ville de Paris a engagé une procédure en vue de la passation d’une concession de services relative à l’exploitation de mobiliers urbains d’information à caractère général ou local supportant de la publicité ; que trois candidatures ont été retenues ; que, invitées par la ville de Paris à remettre une offre au plus tard le 3 octobre 2016 par lettres du 22 juillet 2016, les sociétés Clear Channel France et Extérion Media France ont renoncé à déposer une offre ; que le 28 mars 2017, la société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information (Somupi) a été désignée comme attributaire de la concession de services ; que, par deux ordonnances du 21 avril 2017, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris, saisi par les sociétés Clear Channel France et Extérion Media France, a annulé la procédure de passation de cette concession ; que la ville de Paris et la société Somupi se pourvoient en cassation contre ces ordonnances ;
  4. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 581-9 du code de l’environnement : “ Dans les agglomérations, (…) la publicité est admise. Elle doit toutefois satisfaire (…) à des prescriptions fixées par décret en Conseil d’Etat en fonction des procédés, des dispositifs utilisés, des caractéristiques des supports et de l’importance des agglomérations concernées. Ce décret précise également les conditions d’utilisation comme supports publicitaires du mobilier urbain installé sur le domaine public (…) “ ; qu’aux termes de l’article L. 581-14 du même code : “ (…) la commune peut élaborer sur l’ensemble du territoire (…) de la commune un règlement local de publicité qui adapte les dispositions prévues à l’article L. 581-9 (…) “ ; qu’aux termes de l’article R. 581-14 du même code, dans sa rédaction en vigueur lorsque le règlement local de publicité a été arrêté par le maire de Paris : “ La publicité lumineuse est la publicité à la réalisation de laquelle participe une source lumineuse spécialement prévue à cet effet. / Les dispositions du présent paragraphe ne sont pas applicables aux dispositifs de publicité lumineuse ne supportant que des affiches éclairées par projection ou par transparence, lesquels sont soumis aux dispositions des articles R. 581-8 à R. 581-25 “ ; qu’aux termes de l’article R. 581-26 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la même date : “ Le mobilier urbain installé sur le domaine public peut, à titre accessoire eu égard à sa fonction et dans les conditions définies au présent paragraphe, supporter de la publicité non lumineuse ou de la publicité éclairée par projection ou par transparence “ ; qu’aux termes de l’article R. 581-42 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 30 janvier 2012 : “ le mobilier urbain ne peut pas supporter de la publicité numérique dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants (…). / Lorsqu’il supporte de la publicité numérique, il ne peut être placé à moins de 10 mètres d’une baie d’habitation (…) “ ;
  5. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article P3.1 du règlement local de publicité, arrêté par le maire de Paris le 7 juillet 2011 : “ le mobilier urbain installé sur le domaine public peut supporter de la publicité, à titre accessoire eu égard à sa fonction et dans les conditions définies par les articles R. 581-14 du code de l’environnement et les articles P3 à P3.8.2 du présent règlement “ ; qu’aux termes de l’article P4.1.1 du même règlement : “ La publicité lumineuse, notamment les écrans, est interdite à l’exception des dispositifs publicitaires installés sur les toitures-terrasses. La publicité clignotante, défilante, animée ou à luminosité variable est interdite “ ;
  6. Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des articles P3.1 et P4.1.1 du règlement local de publicité citées ci-dessus que toute publicité lumineuse autre que la publicité éclairée par projection ou par transparence, qui est assimilée à de la publicité non lumineuse, est interdite sur le mobilier urbain à Paris ; que le renvoi, par l’article P3, aux dispositions de l’article R. 581-14 du code de l’environnement ne pouvait avoir pour objet ou pour effet d’autoriser d’autre forme de publicité lumineuse que celle qui est éclairée par projection ou par transparence, qui n’inclut pas la publicité numérique, dès lors que les dispositions de l’article R. 581-26 du code de l’environnement citées au point 4, en vigueur lorsque le règlement local de publicité a été arrêté par le maire de Paris, interdisaient que le mobilier urbain supporte de la publicité lumineuse, à l’exception de la publicité éclairée par projection ou par transparence ; que si, à la date de passation de la concession en litige, les dispositions de l’article R. 581-42 du code de l’environnement autorisaient la publicité numérique sur le mobilier urbain dans les agglomérations d’au moins 10 000 habitants, le règlement local de publicité de Paris n’a pas été modifié pour supprimer l’interdiction de la publicité numérique sur le mobilier urbain, qui résulte, ainsi qu’il a été dit, de la combinaison de ses articles P3 et P4.1.1 ; qu’il suit de là que le juge des référés n’a entaché son ordonnance ni d’erreur de droit ni de dénaturation en jugeant que la publicité numérique sur le mobilier urbain est interdite par le règlement local de publicité de la ville de Paris ;
  7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la ville de Paris et la société Somupi ne sont pas fondées à demander l’annulation des ordonnances attaquées ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la ville de Paris et de la société Somupi la somme globale de 5 000 euros chacune à verser à parts égales aux sociétés Clear Channel France et Extérion Media France, au titre des mêmes dispositions ;

 

D E C I D E :
Article 1er : Les pourvois de la ville de Paris et de la société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information sont rejetés.
Article 2 : La ville de Paris et la société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information verseront, chacune, la somme globale de 5 000 euros, à parts égales, aux sociétés Clear Channel France et Extérion Media France.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ville de Paris, à la société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information, à la société Clear Channel France et à la société Extérion Media France.

 


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