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Publié le 24 Août 2024

Offre inacceptable, maximum de l’accord-cadre et limite des crédits budgétaire

CE, 12 juin 2024, Société Actor France, n° 475214

Ce qu’il faut retenir :

Si l’acheteur peut rejeter comme inacceptable une offre qui, sans excéder le montant maximum contractuel prévu pour l’accord-cadre, excède la limite des crédits budgétaires alloués, c’est à la condition d’avoir porté cette limite budgétaire à la connaissance des candidats à l’attribution.

Enseignement n° 1 : Le maximum de l’accord-cadre peut être inférieur à la limite des crédits budgétaires

L’article L2152-3 du code de la commande publique définit l’offre inacceptable comme celle « dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché, déterminés et établis avant le lancement de la procédure ». L’offre inacceptable peut être régularisée dans le cadre d’une négociation, mais doit être rejetée par l’acheteur sinon. La jurisprudence a eu l’occasion de préciser que la qualification d’offre inacceptable ne dépend que de la seule capacité de financement, et non pas de l’estimatif, si bien qu’une offre supérieure au second mais ne dépassant pas la première ne peut être qualifiée d’inacceptable (CE, 24 juin 2011, Office public de l’habitat interdépartemental de l’Essonne, du Val d’Oise et des Yvelines, n° 346665).

Dans un arrêt du 12 juin 2024, le Conseil d’État est venu préciser cette règle de qualification eu égard au maximum des accords-cadres. En l’espèce, l’entreprise évincée avait présenté une offre pour un montant de 2 784 095 euros hors taxe, dans le cadre d’une consultation pour l’attribution d’un accord-cadre au maximum fixé à 3 500 000 euros hors taxe. Elle avait vu son offre rejetée comme inacceptable au motif qu’elle excédait la limite budgétaire allouée à l’accord-cadre par l’acheteur, à savoir 2 500 000 euros hors taxe.

Le Conseil d’État confirme tout d’abord que « les crédits budgétaires alloués à un marché destiné à être passé sous la forme d’un accord-cadre peuvent être inférieurs au montant maximum que prévoit le pouvoir adjudicateur ». En effet, ainsi que l’avait relevé le juge d’appel, l’acheteur n’est pas tenu de commander le montant maximum de l’accord-cadre mais seulement le montant minimum. Dès lors, la circonstance que le budget soit inférieure au montant maximum de l’accord-cadre est, certes déroutante, mais en elle-même sans incidence sur la légalité du rejet de l’offre comme inacceptable.

Enseignement n° 2 : Une offre inférieure au maximum de l’accord-cadre mais excédant les crédits budgétaires peut être déclarée inacceptable

Dans l’affaire, la cour administrative d’appel avait souligné que le dépassement des crédits budgétaires était établi et que ce seul motif pouvait valablement entraîner le rejet de l’offre comme inacceptable. Elle soulignait en particulier qu’aucun texte légal ou règlementaire ni aucun principe n’impose à l’acheteur de communiquer aux candidats le montant des crédits budgétaires alloués au marché, ni par suite le montant au-dessus duquel une offre sera considérée comme inacceptable. Le principe de transparence n’impliquerait donc pas la communication de la limite budgétaire aux candidats à l’attribution.

Sans pour autant contredire frontalement cette affirmation, le Conseil d’État est venu prendre le contrepied du juge d’appel en estimant au contraire que, au moins dans le cas de figure d’un budget inférieur au maximum de l’accord-cadre, l’acheteur « ne peut toutefois écarter comme inacceptable une offre au motif qu’elle excède le montant de ces crédits budgétaires qu’à la condition que ce dernier montant ait été porté à la connaissance des candidats à son attribution ».

Il s’en suit que n’ayant pas communiqué sur le maximum budgétaire mais seulement contractuel, l’acheteur sera tenu d’analyser les offres en présence et soit attribuer le contrat au prix d’une modification budgétaire, soit déclarer sans suite sa procédure.

 


CE, 12 juin 2024, Société Actor France, n° 475214

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un avis d’appel public à la concurrence publié les 6 et 7 décembre 2018, la Ville de Paris a lancé une consultation en vue de conclure un accord-cadre à bons de commande d’une durée ferme de 48 mois en vue de la fourniture et de la maintenance de corbeilles de rue compactantes à énergie solaire. Trois candidats ont présenté des offres, dont la société Actor France. Par courrier du 8 avril 2019, cette société a été informée de ce que son offre était rejetée comme inacceptable. Elle a saisi le tribunal administratif de Paris d’une demande tendant à l’annulation, ou, à défaut, la résiliation du contrat conclu entre la Ville de Paris et un groupement comprenant les société Connect Sytee et Future Street, qui a fait l’objet d’un avis d’attribution publié le 31 mai 2019. Par un arrêt du 18 avril 2023, contre lequel la société Actor se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 9 avril 2021 du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l’article 59 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, applicable au litige : ” I. – L’acheteur vérifie que les offres (…) sont régulières, acceptables et appropriées. / (…) Une offre inacceptable est une offre dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché public tels qu’ils ont été déterminés et établis avant le lancement de la procédure. / (…) II. – Dans les procédures d’appel d’offres (…), les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. (…) “.

3. En second lieu, aux termes de l’article 78 du même décret : ” I. – Les acheteurs peuvent conclure des accords-cadres définis à l’article 4 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée avec un ou plusieurs opérateurs économiques. (…)/ II. – Les accords-cadres peuvent être conclus :/ 1° Soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ;/ 2° Soit avec seulement un minimum ou un maximum ;/ 3° Soit sans minimum ni maximum. / (…) “.

4. Si les crédits budgétaires alloués à un marché destiné à être passé sous la forme d’un accord-cadre peuvent être inférieurs au montant maximum que prévoit le pouvoir adjudicateur, celui-ci ne peut toutefois écarter comme inacceptable une offre au motif qu’elle excède le montant de ces crédits budgétaires qu’à la condition que ce dernier montant ait été porté à la connaissance des candidats à son attribution.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le montant total du devis estimatif établi par la société Actor France s’élevait à 2 784 095 euros hors taxes, soit un montant inférieur au montant maximum de l’accord-cadre à bons de commande, qui avait été fixé à 3 500 000 euros hors taxes dans l’avis d’appel public à la concurrence. En jugeant que la Ville de Paris avait pu régulièrement rejeter comme inacceptable l’offre de cette société au motif qu’elle excédait le montant maximum de 2 500 000 euros hors taxes auquel la collectivité avait limité le budget alloué à cet accord-cadre, alors qu’il résultait des pièces du dossier qui lui était soumis que la Ville de Paris n’avait pas informé les candidats du montant maximum du budget qu’elle avait alloué à ce marché, la cour a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Actor France est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros à verser à la société Actor France au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de cette société qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DÉCIDE :
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  • Article 1er : L’arrêt du 18 avril 2023 de la cour administrative d’appel de Paris est annulé.
  • Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Paris.
  • Article 3 : La Ville de Paris versera à la société Actor France la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ses conclusions présentées sur le même fondement sont rejetées.
  • Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Actor France, à la Ville de Paris et aux sociétés Connect Sytee et Future Street.

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CE 12 juin 2024,
L2152-3 du code de la commande publique,
n° 475214,
Offre inacceptable,
Offre inacceptable et limite crédits budgétaires,
Société Actor France,
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