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Publié le 22 Jan 2025

Réception avec ou sous réserve : la G.P.A. prend le relai des pénalités !

CE 13 décembre 2024, Commune de Puget-Ville, n° 489720

Ce qu’il faut retenir :

Le délai de garantie de parfait achèvement court à compter de la réception, qu’elle soit ou non assortie de réserves. Dans le cas où la réception est prononcée avec ou sous réserves, les pénalités de retard sont inapplicables au dépassement du délai imparti pour lever les réserves.

Enseignement n° 1 : Le délai de garantie de parfait achèvement court à compter de la réception, qu’elle soit ou non assortie de réserves

L’article 44 du CCAG-Travaux institue au profit du maître d’ouvrage public une garantie de parfait achèvement comparable à celle du code civil. En effet, et ainsi que le consacre formellement le Conseil d’État dans un arrêt du 13 décembre 2024, celle-ci couvre à la fois les désordres ayant fait l’objet de réserves à la réception et ceux qui apparaissent et sont signalés pendant le délai de garantie.L’article 44 du CCAG-Travaux prévoit notamment que ce délai de garantie est, sauf prolongation décidée par le maître d’ouvrage, d’un an « à compter de la date d’effet de la réception ».

De là, le Conseil d’État est venu poser la règle, inédite dans sa formulation mais néanmoins déjà actée par la pratique, selon laquelle, que la réception soit prononcée avec réserves concernant des malfaçons, ou sous réserves d’épreuves concluantes ou d’achèvement de prestations manquantes, le délai de garantie de parfait achèvement commence toujours à courir à la date d’effet de la réception du marché.

Autrement dit, à la date fixée pour l’achèvement des travaux ainsi que le précise l’article 41 du CCAG consacrée à la réception.

Il est à noter que le contrat pourra prévoir des stipulations contraires sur l’un et l’autre point puisque la garantie de parfait achèvement a, en droit administratif, une nature purement contractuelle et non légale ou de principe général de droit (CE, 28 février 1986, Blondet, n° 40381).

Enseignement n° 2 : Les pénalités de retard sont inapplicables au dépassement du délai imparti pour lever les réserves

Le Conseil d’État profite également de l’occasion pour consacrer une autre règle, plus incertaine cette fois et néanmoins généralisée dans la jurisprudence d’appel. Depuis quelques années, la question s’était posée de savoir si les pénalités de retard étaient applicables au retard pris dans la levée des réserves. Plusieurs cours administratives d’appel avaient répondu par la négative en considérant deux points (CAA Paris, 24 fév. 2005, n° 00PA01865 ; CAA Lyon, 18 fév. 2010, n°7LY01299 ; CAA Bordeaux, 4 avr. 2022, n°19BX04834 ; v. aussi CAA Marseille, 13 nov. 2023, Cne de Puget-Ville, n°23MA02332 dans la même affaire). D’une part, les pénalités de retard étaient dues jusqu’à l’achèvement des travaux. D’autre part, la date de réception correspond à la date d’achèvement de l’ouvrage, conformément aux dispositions précitées de l’article 41 du CCAG-Travaux, et ce même en cas de réception sous réserve de l’exécution de prestations manquantes… en gardant à l’esprit que la réception sera alors être retirée à défaut d’exécution dans le délai imparti.

Le maître d’ouvrage peut aisément faire échec à ce principe soit en prévoyant une stipulation expressément contraire (CAA Marseille, 8 oct. 2018, n° 17MA01844), soit en ne prononçant tout simplement pas la réception !

Cette tendance jurisprudentielle est ainsi validée par le Conseil d’État, au regard de l’objet même des pénalités de retard telles que définies par l’article 20 du CCAG-Travaux : « réparer forfaitairement le préjudice qu’est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d’exécution contractuellement prévus ». Or, comme le souligne le Haut Juge administratif, le retard pris dans la levée des réserves intervient nécessairement après la date fixée pour l’achèvement des travaux, donc la date à laquelle plus aucun délai d’exécution contractuellement prévu ne trouve à s’appliquer.

Fort heureusement, le CCAG-Travaux n’est pas en reste de sanctions au défaut de levée des réserves dans le délai imparti, étant notamment prévue la possibilité de faire exécuter les travaux aux frais et risques du titulaire, au besoin en prélèvement les sommes nécessaires sur la retenue de garantie éventuellement constituée.

 


CE 13 décembre 2024, Commune de Puget-Ville, n° 489720

 

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un contrat conclu le 5 novembre 2012, la commune de Puget-Ville a confié à la société Idex Energies les trois lots d’un marché public de travaux ayant pour objet la construction d’un réseau de chaleur, sous maîtrise d’œuvre de la société Lavalin, devenue Edeis. Les travaux des trois lots ont fait l’objet, le 12 juillet 2013, de décisions de réception prononcées à la fois ” sous ” réserve de l’exécution de certaines prestations et ” avec ” réserves. Le 15 octobre 2019, la commune a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulon d’une demande tendant à la condamnation de la société Idex Energies à lui verser, à titre de provision, trois sommes de, respectivement, 49 569 euros, 30 921 euros et 437 075,10 euros, au titre du coût, toutes taxes comprises, des travaux de reprise de l’étanchéité du silo, des travaux de reprise de la chaudière à bois et de pénalités de retard. Ce juge a, par une ordonnance du 24 août 2023, rejeté ces demandes. Sur appel de la commune de Puget-Ville, la cour administrative de Marseille a, par un arrêt du 13 novembre 2023, annulé cette ordonnance et, statuant par la voie de l’évocation, rejeté sa demande. Eu égard aux moyens qu’il soulève, le pourvoi de la commune de Puget-Ville doit être regardé comme dirigé contre cet arrêt en tant seulement qu’il a rejeté sa demande de première instance et le surplus de ses conclusions d’appel.

Sur le cadre juridique applicable au litige :

2. D’une part, aux termes des articles 41.3 à 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, approuvé par l’arrêté du 8 septembre 2009 visé ci-dessus, auquel renvoie l’article 2 du cahier des clauses administratives particulières : ” 41.3. Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d’œuvre, le maître de l’ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. S’il prononce la réception, il fixe la date qu’il retient pour l’achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. / La réception prend effet à la date fixée pour l’achèvement des travaux. / (…) 41.4. Dans le cas où certaines épreuves doivent, conformément aux stipulations prévues par les documents particuliers du marché, être exécutées après une durée déterminée de service des ouvrages ou certaines périodes de l’année, la réception ne peut être prononcée que sous réserve de l’exécution concluante de ces épreuves. Si de telles épreuves, exécutées pendant le délai de garantie défini à l’article 44.1, ne sont pas concluantes, la réception est rapportée. / 41.5. S’il apparaît que certaines prestations prévues par les documents particuliers du marché et devant encore donner lieu à règlement n’ont pas été exécutées, le maître de l’ouvrage peut décider de prononcer la réception, sous réserve que le titulaire s’engage à exécuter ces prestations dans un délai qui n’excède pas trois mois. La constatation de l’exécution de ces prestations doit donner lieu à un procès-verbal dressé dans les mêmes conditions que le procès-verbal des opérations préalables à la réception prévu à l’article 41.2. / 41.6. Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l’absence d’un tel délai, trois mois avant l’expiration du délai de garantie défini à l’article 44.1. / Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, le maître de l’ouvrage peut les faire exécuter aux frais et risques du titulaire, après mise en demeure demeurée infructueuse. ”

3. D’autre part, aux termes de l’article 44.1 du même cahier : ” Le délai de garantie est, sauf prolongation décidée comme il est précisé à l’article 44.2, d’un an à compter de la date d’effet de la réception / Pendant le délai de garantie, outre les obligations qui peuvent résulter pour lui de l’application de l’article 41.4, le titulaire est tenu à une obligation dite obligation de parfait achèvement, au titre de laquelle il doit : / a) Exécuter les travaux ou prestations éventuels de finition ou de reprise prévus aux articles 41.5 et 41.6 ; / b) Remédier à tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage ou le maître d’œuvre, de telle sorte que l’ouvrage soit conforme à l’état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées lors de celle-ci ; / c) Procéder, le cas échéant, aux travaux confortatifs ou modificatifs, dont la nécessité serait apparue à l’issue des épreuves effectuées conformément aux stipulations prévues par les documents particuliers du marché ; / d) Remettre au maître d’œuvre les plans des ouvrages conformes à l’exécution dans les conditions précisées à l’article 40. Les dépenses correspondant aux travaux complémentaires prescrits par le maître de l’ouvrage ou le maître d’œuvre ayant pour objet de remédier aux déficiences énoncées aux b et c ci-dessus ne sont à la charge de l’entrepreneur que si la cause de ces déficiences lui est imputable. / L’obligation de parfait achèvement ne s’étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l’usage ou de l’usure normale. / A l’expiration du délai de garantie, le titulaire est dégagé de ses obligations contractuelles, à l’exception des garanties particulières éventuellement prévues par les documents particuliers du marché. / (…) “.

4. La garantie de parfait achèvement s’étend à la reprise d’une part des désordres ayant fait l’objet de réserves dans le procès-verbal de réception, d’autre part de ceux qui apparaissent et sont signalés dans l’année suivant la date de réception.

5. Il résulte de ce qui est dit aux points 2 à 4 que, sauf stipulations contraires du contrat, la réception des travaux, même lorsqu’elle est prononcée avec réserves en application des stipulations de l’article 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux ou sous réserve de l’exécution concluante d’épreuves ou de l’exécution de prestations en application des stipulations des articles 41.4 ou 41.5 du même cahier, fait courir le délai de garantie de parfait achèvement à compter de la date d’effet de cette réception telle que prévue par l’article 41.3 du même cahier.

Sur le pourvoi :

6. En premier lieu, il résulte, de ce qui est dit au point 5 que la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le délai de garantie de parfait achèvement avait commencé à courir à compter de la date d’effet de la réception, alors même que celle-ci avait été, d’une part, assortie de réserves et, d’autre part, prononcée sous réserve de l’exécution concluante d’épreuves et de l’exécution d’autres prestations.

7. Il en résulte également qu’après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que le désordre affectant l’étanchéité du silo n’avait été ni réservé au moment de la réception, ni signalé dans le délai d’un an de la garantie de parfait achèvement, la cour a pu juger sans erreur de droit que l’obligation dont se prévalait la commune au titre des travaux de reprise liés à ce désordre ne pouvait être regardée comme non sérieusement contestable, la circonstance que le solde du décompte définitif n’avait pas encore été établi étant dépourvue d’incidence à cet égard.

8. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la commune de Puget-Ville, la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit en ne recherchant pas d’office si les désordres qu’elle avait invoqués entraient dans le champ d’application de la garantie décennale des constructeurs.

9. En dernier lieu, aux termes de l’article 20 du cahier des clauses administratives générales approuvé par l’arrêté du 8 septembre 2009 visé ci-dessus, auquel renvoie l’article 2 du cahier des clauses administratives particulières : ” 20.1. En cas de retard imputable au titulaire dans l’exécution des travaux, qu’il s’agisse de l’ensemble du marché ou d’une tranche pour laquelle un délai d’exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué une pénalité journalière de 1/3 000 du montant hors taxes de l’ensemble du marché, de la tranche considérée ou du bon de commande. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c’est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix initiaux du marché hors TVA définis à l’article 13.1.1. / 20.1.1. Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d’œuvre. (…) “. Aux termes de l’article 4.3.1 du cahier des clauses administratives particulières commun aux trois lots du marché en litige, relatif aux pénalités de retard dans l’exécution des travaux : ” Les stipulations de l’article 20.1 du CCAG sont seules applicables. / (…) En plus des pénalités journalières définies ci-dessus, le titulaire subit une pénalité forfaitaire de 1 / 250e du montant en prix de base du marché, en cas de non-respect de la date limite d’achèvement ou du délai d’exécution des travaux “.

10. Sauf stipulation contraire du contrat, les pénalités prévues par les stipulations de l’article 20.1 du cahier des clauses administratives générales citées au point 9, qui ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu’est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d’exécution contractuellement prévus, ne peuvent être mises à la charge du titulaire pour un retard pris dans la levée des réserves, lequel intervient nécessairement après la date fixée pour l’achèvement des travaux par la décision de réception en application de l’article 41.3 du même cahier. Ce motif, qui répond aux moyens invoqués devant les juges du fond et dont l’examen n’implique l’appréciation d’aucune circonstance de fait nouvelle, doit être substitué au motif retenu par l’arrêt attaqué pour rejeter la demande de provision de la commune de Puget-Ville au titre des pénalités de réclamées au titre du retard dans la levée des réserves.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Puget-Ville la somme de 3 000 euros à verser à la société Idex Energies au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune de Puget-Ville au même titre, ainsi qu’à celles des sociétés Edeis et Qualiconsult qui n’ont pas la qualité de partie dans la présente instance.

 

D E C I D E :

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  • Article 1er : Le pourvoi de la commune de Puget-Ville est rejeté.
  • Article 2 : La commune de Puget-Ville versera à la société Idex Energies une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
  • Article 3 : Les conclusions présentées par les sociétés Edeis et Qualiconsult au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
  • Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Puget-Ville et à la société Idex Energies.
  • Copie en sera adressée à la société Edeis et à la société Qualiconsult.

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Table des matières
CCAG-Travaux article 44.,
Commune de Puget-Ville,
Garantie de parfait achèvement CCAG,
Intangibilité décompte général,
Levée des réserves travaux publics,
n° 489720,
Pénalités de retard marchés publics,
Réception sous réserve marchés publics,
Sanctions levée des réserves,
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