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Référé précontractuel : le juge rappelle que quantité ne fait pas qualité dans l’analyse des offres

TA Versailles, 10 janvier 2025, Société de rénovation générale, n°2411058

Ce qu’il faut retenir :

Le juge du référé précontractuel ne substitue pas son appréciation à celle de l’acheteur mais contrôle la dénaturation des offres. Un effectif supérieur à celui de l’attributaire ne garantit pas une meilleure offre en termes de moyens humains. Un délai d’intervention plus court à celui de l’attributaire ne garantit pas une meilleure offre en termes de méthodologie.

Enseignement n° 1 : Le juge du référé précontractuel ne contrôle pas l’appréciation des mérites des offres mais uniquement l’absence de dénaturation

Les articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative fondent le référé précontractuel en matière de marchés et concessions des pouvoirs adjudicateurs. La jurisprudence administrative a de longue date et avec constance établi une frontière, dans l’office du juge du référé précontractuel, entre le contrôle de régularité de la procédure suivie et le contrôle technique de l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur les mérites des offres. Dans une affaire jugée le 10 janvier 2025, le tribunal administratif de Versailles a ainsi rappelé que le contrôle du juge dans ce dernier cas doit se limiter à un contrôle de la dénaturation : « vérifier que le pouvoir adjudicateur n’a pas dénaturé le contenu d’une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l’attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d’égalité de traitement des candidats ».

Enseignement n° 2 : L’évaluation des moyens humains ne se réduit pas à un calcul arithmétique

L’affaire en cause aura bien illustré le pouvoir discrétionnaire d’appréciation dont jouit le pouvoir adjudicateur. En l’espèce, la société SRG contestait son éviction en soutenant que son offre avait été mal évaluée par groupement hospitalier de territoire Yvelines Sud (GHT) comparativement à celle du titulaire. Elle contestait en particulier deux points de l’analyse des offres.

D’une part, elle alléguait une erreur manifeste dans l’analyse du sous-critère « moyens humains », eu égard à l’affectation de 14 compagnons exécutants à l’exécution du marché alors même que les effectifs globaux du titulaire étaient inférieurs à ce nombre. Toutefois ce raisonnement purement mathématique peine à convaincre le TA de Versailles, qui rappelle que quantité n’est pas qualité. Et, plus exactement, qu’il relève du pouvoir discrétionnaire d’appréciation de l’acheteur de déterminer si l’organisation proposée pour mobiliser ces ressources, et/ou si les profils de l’équipe proposée sont en adéquation avec les besoins spécifiques du marché. Sur ce point, le juge s’en tiendra donc à rappeler que les éléments du mémoire technique ont été regardés comme insuffisants.

Enseignement n° 3 : Ni la rapidité d’exécution ni l’expérience de titulaire sortant ne garantissent une meilleure offre

D’autre part, la société SRG alléguait une erreur manifeste dans l’analyse du sous-critère « méthodologie d’étude du besoin », eu égard à ses délais d’intervention plus courts et à sa connaissance approfondie du besoin en tant que titulaire sortant du marché. Là encore, le tribunal ne se laisse pas convaincre. Et pour cause, puisqu’il relève qu’un des documents fournis au soutien de l’offre (trame de DOE) ne correspondait tout simplement pas au contexte hospitalier, mais concernait un collège… L’argument de l’expérience du marché, quant à lui, ne fait pas précisément l’objet d’une réponse. Cependant il n’est pas difficile d’imaginer qu’il n’aura eu aucune portée car si la qualité de titulaire sortant devait, en elle-même et pour elle-même, jouer en faveur des soumissionnaires, le principe d’égalité de traitement serait lui-même vidé de son sens.

Enseignement n° 4 : Le juge du référé précontractuel ne sanctionne que les manquements pouvant léser les personnes qui les invoquent

En dernier lieu, le TA de Versailles parachève son rejet de la requête en rappelant que, en tout état de cause, l’auteur d’un référé précontractuel ne peut se prévaloir que de manquements qui « eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésé ou risquent de le léser, fûtce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent » (v. CE, sect., 3 oct. 2008, Smirgeomes, n° 305420). Or, souligne le juge, en l’espèce la société SRG a été classée 6e sur les deux lots en litige, position très éloignée des premiers candidats laissant présager qu’un éventuel réexamen de ses deux notes ne l’aurait, de toute façon, pas placée en situation d’être attributaire. La société n’ayant pas démontré l’existence d’un risque de lésion, ce motif pouvait justifier à lui seul le rejet de sa requête.


TA Versailles, 10 janvier 2025, Société de rénovation générale, n°2411058

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis en date du 20 septembre 2024, le groupement hospitalier de territoire Yvelines Sud (GHT) a lancé une consultation ayant pour objet la conclusion d’un accord-cadre portant sur des travaux d’entretien et d’aménagement de ses bâtiments. La consultation a été lancée sous la forme d’un appel d’offres ouvert. Le marché était passé sous forme d’accord-cadre multi-attributaires à bons de commandes et divisé en 16 lots techniques, dont certains étaient divisés en lots géographiques correspondant aux trois zones d’intervention du GHT. La société SRG a émis une offre pour le lot 4A et le lot 4B. Par lettre du 9 décembre 2024, le centre hospitalier de Versailles a informé la société SRG du rejet de son offre pour ces deux lots. Par la présente requête, la société SRG demande au juge du référé précontractuel, sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, d’annuler la procédure de passation du marché du lot 4B et de reprendre la procédure de passation au stade de l’analyse des offres.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : ” Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, la délégation d’un service public ou la sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une société d’économie mixte à opération unique. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. “.

3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l’administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d’être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l’opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

4. Il n’appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d’un contrat, de se prononcer sur l’appréciation portée sur la valeur d’une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu’il est saisi d’un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n’a pas dénaturé le contenu d’une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l’attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d’égalité de traitement des candidats.

5. La société requérante soutient qu’elle aurait dû obtenir la même note au titre du sous-critère technique n°1 ” moyens humains ” que le second attributaire, la société SPCB dès lors que son offre comprenait l’affectation de 14 compagnons exécutants alors que les effectifs totaux du second attributaire étaient inférieurs et que, s’agissant du sous-critère technique n°3 ” méthodologie d’étude du besoin “, son offre était meilleure eu égard notamment aux délais d’intervention et elle rappelle qu’elle est la titulaire sortante du marché. Toutefois, s’agissant du sous-critère technique n°1, il ressort du rapport d’analyse des offres que le mémoire technique a été regardé comme insuffisant. Or l’appréciation de l’organisation proposée et l’adéquation entre les profils de l’équipe proposée au marché relèvent de la seule appréciation du centre hospitalier. S’agissant du sous-critère technique n°3, il ressort du rapport d’analyse technique que la réponse faite a été regardée comme insatisfaisante eu égard à la méthodologie proposée et au caractère de la trame de DOE produite qui concernait un collège et non un établissement hospitalier. Il suit de là que l’analyse des offres ne laisse pas apparaitre une dénaturation de l’offre de la société requérante. Le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation ne peut dès lors qu’être écarté. Au surplus la société requérante qui a été classée en 6ième position sur les deux lots 4A et 4B ne démontre pas l’existence d’une lésion. Enfin, comme le fait valoir le centre hospitalier de Versailles, l’intérêt public justifie de ne pas annuler les décisions postérieures à l’analyse des offres.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la requête présentée par la société SRG doit être rejetée.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Le sens de la présente ordonnance fait obstacle à ce qu’une somme, demandée par la société requérante, soit mise à la charge du centre hospitalier de Versailles. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société requérante les sommes que les sociétés défenderesses réclament au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

  • Article 1er : La requête de la société SRG est rejetée.
  • Article 2 : Les demandes des parties formées en application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
  • Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société SRG, au centre hospitalier de Versailles, à la société Balas et à la société SPCB.

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Table des matières
appréciation quantitative et qualitative,
Contrôle restreint à la dénaturation des offres,
évaluation technique,
Marché public,
méthodologie,
moyens humains,
Office du juge du référé précontractuel,
tribunal administratif,
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