Une commune ne peut invoquer un vice de consentement en se retranchant derrière l’absence de crédits budgétaires et ses incidences sur la compétence déléguée du maire, dès lors que le vice est régularisable et qu’aucun refus exprès n’a été formulé par le conseil municipal. Le juge privilégie une lecture concrète et loyale des circonstances sur une approche strictement organique.
Par ses arrêts Béziers I et Béziers II, le Conseil d’État a systématisé le contentieux de l’invalidité du contrat invoquée par les parties, que ce soit par voie d’action (CE, ass., 28 déc. 2009, Cne de Béziers, n°304802) ou par voie d’exception (CE, sect., 21 mars 2011, Cne de Béziers, n° 304806). Le juge administratif assujettit ainsi les parties à une exigence de loyauté des relations contractuelles en limitant le panel des moyens invocables. Cette limite est rappelée à titre liminaire par la cour administrative d’appel de Bordeaux à l’occasion du litige opposant la commune du Marin à son cocontractant.
En l’espèce, le titulaire d’un contrat de prestations intellectuelles avait réclamé devant le juge de première instance le paiement de deux factures impayées. En défense, la commune concluait devant le juge d’appel à l’invalidité du contrat et ainsi au défaut d’engagement de sa responsabilité contractuelle. Ainsi que le réaffirme la CAA de Bordeaux, il incombe en principe au juge de faire application du contrat en pareille situation, sauf s’il constate ou si est invoqué devant lui un vice qui justifierait, par voie d’action, l’annulation pure et simple du contrat : caractère illicite du contenu ou « vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement ».
L’argument principal de la commune consistait à dénier au maire qui avait signé le contrat la compétence pour ce faire. En l’occurrence l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé qu’il prévoit la possibilité, pour le conseil municipal, de lui déléguer la charge de prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des marchés « lorsque les crédits sont inscrits au budget ». Or la commune du Marin soutenait que l’absence d’inscription des crédits préalables sur le budget municipal impliquait que la délégation consentie au maire ne pouvait plus produire son effet. En d’autres termes, « le maire de la commune du Marin n’était pas compétent pour signer la convention ». Ce dont la commune déduisait que le marché était entaché d’un vice affectant les conditions d’expression de son consentement.
Cette tentative d’assimilation entre compétence et consentement n’est pas nouvelle en jurisprudence. Le Conseil d’État ayant déjà eu l’occasion par ailleurs de rejeter toute automaticité entre méconnaissance des règles de répartition des compétences et défaut d’intégrité du consentement donné : ainsi l’absence de transmission de la délibération autorisant le maire à signer, quoiqu’elle prive a priori la délibération d’effet exécutoire et donc le maire de son habilitation, ne caractérise pas pour autant un vice d’une particulière gravité relatif aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement (CE, 27 févr. 2015, Cne de Béziers, n° 357028).
Dans la même veine, la CAA de Bordeaux rejette l’argument de la commune en l’espèce dans la mesure au regard de plusieurs séries de considérations : le maire disposait d’une délégation de compétence générale ; le marché litigieux s’inscrivait dans la continuité de relations contractuelles établies depuis dix ans ; et par ailleurs, le juge relève que l’absence d’inscription des crédits budgétaires aurait pu faire l’objet d’une régularisation par l’inscription des crédits nécessaires au budget municipal. En effet, dès lors que le contentieux de la contestation du contrat ne se résout plus en termes de nullité mais de validité, les actes de régularisation peuvent avoir une portée rétroactive et corriger ab initio les vices entachant le contrat (CE, 8 juin 2011, Cne de Divonne-les-Bains, n° 327515).
Suite à ces considérations, le juge relève enfin qu’il ne résulte pas de l’instruction que le conseil municipal aurait décidé de refuser, expressément, l’inscription des crédits au budget municipal. Il en déduit l’absence de vice d’une particulière gravité justifiant la mise à l’écart du contrat. En s’appuyant ainsi sur cette absence de refus exprès pour écarter l’hypothèse du vice affectant son consentement, le juge semble mettre en avant l’exigence de loyauté contractuelle comme pour l’opposer à toute éventuelle forme de mauvaise foi. Dans la même veine le Conseil d’État a déjà pu refuser de mettre à l’écart le contrat d’une commune qui se prévalait de l’absence de délibération autorisant le maire à signer alors même que le contrat avait été exécuté, et payé, pendant plusieurs années sans aucune objection de la part du conseil municipal (CE, 8 oct. 2014, Cne d’Entraigues-sur-la-Sorgue, n° 370588 : le conseil est regardé comme ayant donné son accord a posteriori, le vice de consentement n’étant pas dès lors expressément écarté mais simplement regardé comme régularisé par confirmation de l’acte).
Faute de vice ne justifiant la mise à l’écart du contrat, la mise en cause de la responsabilité contractuelle de la commune est confirmée.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention signée le 12 juin 2020, la commune du Marin a confié à la société coopérative d’intérêt collectif Groupement européen Odyssea tourisme durable et croissance bleue et verte (Sas SCIC GE Odyssea) la réalisation de prestations intellectuelles dans le cadre d’un programme de coopération territoriale européenne Interreg Caraïbes dénommé “Odyssea Antilles Sustainable and Cultural Blue Routes”, pour un montant total de 174 000 euros toutes taxes comprises. La société a demandé le paiement de deux factures d’un montant total de 85 205,48 euros toutes taxes comprises, qui sont restées impayées. Elle a formé une réclamation préalable par un courrier du 17 mars 2022 resté sans réponse. La SCIC GE Odyssea a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la commune du Marin, sur le fondement contractuel, à lui verser une somme de 86 915,01 euros toutes taxes comprises en règlement de ces factures ou, subsidiairement, à lui verser la même somme sur le fondement de l’enrichissement sans cause.
2. Par un jugement du 18 avril 2023, le tribunal a condamné la commune du Marin à verser à la SCIC GE Odyssea au titre de la facture n° 1020-05, la somme de 14 139,72 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2020, et au titre de la facture n° 1020-06, la somme de 13 749,12 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2020 et a rejeté le surplus de sa demande. La commune du Marin relève appel de ce jugement dont elle demande l’annulation et conclut au rejet de la demande de première instance de la SCIC GE Odyssea. Cette dernière conclut au rejet de la requête d’appel de la commune du Marin et, par la voie de l’appel incident, demande que la condamnation de la commune du Marin soit portée la somme de 17 600 euros hors taxe soit 19 096 euros toutes taxes comprises au titre de la facture n°1020-06 assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter du 17 novembre 2020 et demande en outre la capitalisation des intérêts.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la société :
3. D’une part, en vertu des dispositions combinées des articles R. 751-1 et R. 811-7 du code de justice administrative, les requêtes d’appel doivent, à peine d’irrecevabilité, être accompagnées d’une copie du jugement attaqué.
4. D’autre part, aux termes de l’article R. 811-2 du code de justice administrative : ” Sauf disposition contraire, le délai d’appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l’instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues par les articles R. 751-3 et R. 751-4. () “. Selon l’article R. 811-5 du même code, ” les délais supplémentaires de distance prévus à l’article R. 421-7 s’ajoutent aux délais normalement impartis “. Enfin, aux termes de l’article R. 421-7 de ce code : ” Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d’Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l’article R. 421-1 est augmenté d’un mois pour les personnes qui demeurent () à la Martinique () “. Il résulte de ces dispositions que le délai pour introduire une requête d’appel dirigée contre un jugement du tribunal administratif de la Martinique devant une cour administrative d’appel qui a son siège en France métropolitaine est de trois mois lorsque le requérant demeure sur ce territoire.
5. Il résulte de l’instruction que la requête d’appel présentée par la commune du Marin n’est pas accompagnée d’une copie de la lettre de notification du jugement attaqué, alors que la notification de ce jugement mentionnait cette obligation. Toutefois, à l’initiative du greffe de la cour, le dossier de première instance, incluant une lettre de notification du jugement et l’avis de réception de cette lettre, a été demandé au tribunal administratif puis joint par le greffe au dossier de la requête d’appel. Il en ressort que le jugement attaqué a été notifié à la commune du Marin par une lettre du greffe du tribunal administratif de la Martinique du 20 avril 2023, reçue le jour même. Ainsi, la requête d’appel de la commune du Marin, enregistrée au greffe de la cour le 21 juillet 2023, soit dans le délai augmenté de trois mois qui lui était imparti pour contester le jugement attaqué, n’est pas tardive. Il s’ensuit que la fin de non-recevoir opposée par la SCIC GE Odyssea doit être écartée.
Sur l’appel principal de la commune :
En ce qui concerne la validité du contrat :
6. Les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d’un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie. Il appartient alors au juge, lorsqu’il constate l’existence d’irrégularités, d’en apprécier l’importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu’elles peuvent, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité commise et en tenant compte de l’objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d’une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation. D’autre part, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.
7. Aux termes de l’article L. 2311-3 du code général des collectivités territoriales : ” I – Les dotations budgétaires affectées aux dépenses d’investissement peuvent comprendre des autorisations de programme et des crédits de paiement. / () Les crédits de paiement constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être mandatées pendant l’année pour la couverture des engagements contractés dans le cadre des autorisations de programme correspondantes () “. Selon l’article L. 2122-22 du même code : ” Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / () 4° De prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres ainsi que toute décision concernant leurs avenants, lorsque les crédits sont inscrits au budget ; () “.
8. La commune du Marin conteste la validité du contrat conclu avec la SCIC GE Odyssea. Elle soutient qu’en l’absence d’inscription des crédits préalable sur le budget municipal comme le prévoit le 4° de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, le maire de la commune du Marin n’était pas compétent pour signer la convention le 12 juin 2020, soit pendant l’entre-deux tours des élections municipales aux termes desquelles il n’a pas été réélu.
9. La commune du Marin fait valoir que le conseil municipal du Marin n’a pas procédé à l’inscription des crédits préalables à ce marché sur le budget municipal de la commune et qu’en conséquence, le contrat correspondant au marché litigieux, est entaché d’un vice affectant les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement. Toutefois, et compte tenu du principe de loyauté des relations contractuelles, alors que la commune reconnait que le maire disposait d’une délégation de compétence générale pour signer le marché concerné et que ce dernier s’inscrivait dans la continuité des relations contractuelles nouées avec la société requérante depuis l’année 2013, il ne résulte pas de l’instruction que cette irrégularité, à la supposer avérée, qui pouvait, par une délibération du conseil municipal, faire l’objet d’une régularisation par l’inscription des crédits nécessaires au budget communal, puisse être regardée, dans les circonstances particulières de l’espèce, comme un vice d’une gravité telle qu’il justifie l’annulation du marché. Dès lors, et alors en outre qu’il ne résulte pas de l’instruction que le conseil municipal aurait décidé de refuser une telle inscription, cette irrégularité qui ne relève pas du contenu illicite du contrat et qui ne constitue pas un vice d’une particulière gravité, ne fait pas obstacle à l’application du contrat justifiant que le juge du contrat ne puisse régler le litige sur le terrain contractuel.
10. Dans ces conditions, c’est à bon droit que le tribunal a réglé le litige sur le terrain contractuel.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
11. Aux termes du paragraphe intitulé ” Budget contrat de mission ” du marché public de prestations intellectuelles relatif au programme de coopération territoriale européenne Interreg Caraïbes dénommé “Odyssea Antilles Sustainable and Cultural Blue Routes”, conclu avec la commune du Marin le 12 juin 2020 : ” () le pouvoir adjudicateur convient que ce marché doit être entendu de manière restrictive, à des tarifs en dessous de l’aide payante de l’Etat concernant les modalités d’assistance prix journée expert ETAT 1 100 € HT / jour – prix journées adoptées par la Scic Odyssea à 880 €, à 650 €, à 570 €. Les journées d’ingénierie ne portent que sur les mission, produits et actions développées à titre exclusif (protections INPI). / Mission 1. Aménagement d’un espace d’information numérique au sein de la Maison de la Mer(r) du Marin dédié à la médiation, à la promotion et à la valorisation des Routes Bleues(r) Mythiques des Antilles – Jours : 50 – Prix HT : 570 € – Total : 28 500 € / Mission 2. Réalisation d’un Livre Bleu opérationnel de la définition des aménagements touristiques par du mobilier d’interprétation connecté et éco-responsable et par de la signalétique directionnelle et de jalonnement 2.0, éco-responsable, intégrée à son environnement, dans le cadre de la mise en tourisme des Routes Bleues(r) Mythiques des Antilles du Marin – Jours : 20 – Prix HT : 880 € – Total : 17 600 € / Mission 3. Dans le cadre du ” Contrat Territorial des Destinations Bleues d’Excellence ” et son ” Contrat de Filière du Tourisme bleu durable et ses métiers de la croissance bleue et verte “, réalisation des Routes Bleues(r) Mythiques des Antilles – ” Le Marin – Destination Sud Martinique, Escale de la Martinique, Patrimoine Phare des Antilles “, en lien avec la Communauté d’Agglomération de l’Espace Sud Martinique – Jours : 60 – Prix HT : 880 € – Total : 52 800 € / Mission 4. Assistance, soutien, coordination pour l’adaptation à la Commune du Marin de la gestion dans la suite logicielle exclusive Odyssea de la branche Marin sur la plateforme collective du Tourisme Bleu multi-destination Odyssea(r) et de la branche Marin sur de l’application mobile ” Le Marin – Destination Sud Martinique, Escale de la Martinique, Patrimoine Phare des Antilles – Jours : 52 – Prix HT : 570 € – Total : 29 640 € / Mission 5. Assistance, soutien, coordination avec les autres partenaires Interreg Caraïbes pour décliner la ligne éditoriale Odyssea(r) pour la réalisation du premier guide* transnational de Destination Bleue ” Le Marin – Destination Sud Martinique, Escale de la Martinique, Patrimoine Phare des Antilles ” et de valorisation des entreprises le long des itinéraires nautiques de la destination Caraïbe, dans le cadre des outils marketing du réseau des partenaires, des 10 grands opérateurs touristiques et de la collection des outils numériques et print Odyssea(r) – Jours : 32 – Prix HT : 650 € – Total : 20 800 € / () La Scic Odyssea(r) Tourisme Durable et Croissance Bleue se verra attribuer une avance de 10 % de l’ensemble du marché soit la somme de 17 400 € pour engager les différentes missions () “.
12. La SCIC GE Odyssea a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la commune du Marin à lui verser les sommes correspondantes aux factures n° 1020-05 et n° 1020-06 émises le 15 octobre 2020 portant sur un montant total pour la première facture de 14 180,40 euros hors taxe, soit 15 385,73 euros toutes taxes comprises et pour la seconde facture sur un montant total de 64 350,00 euros hors taxe, soit 69 819,75 euros toutes taxes comprises.
13. S’agissant de la facture n° 1020-05 du 14 octobre 2020 le tribunal a jugé que l’ensemble des prestations réalisées par la société qui figurent sur cette facture ouvraient droit à une rémunération totale de 14 480 euros hors taxe et que celle-ci ayant déjà perçu sur le prix de ces prestations le montant de l’avance de 10 %, soit 1 448 euros hors taxe, elle avait droit au paiement à hauteur de la différence entre ces deux montants, égale à 13 032 euros hors taxe, soit 14 139,72 euros toutes taxes comprises et a en conséquence condamné la commune du Marin à verser cette somme à la SCIC GE Odyssea.
14. S’agissant de la facture n° 1020-06 du 15 octobre 2020 le tribunal a jugé que l’ensemble des prestations réalisées par la société qui figurent sur cette facture ouvraient droit pour la société à une rémunération totale limitée au montant de 14 080 euros hors taxe et que la SCIC GE Odyssea ayant déjà perçu sur le prix de ces prestations le montant de l’avance de 10 %, soit 1 408 euros hors taxe, elle justifiait de son droit au paiement à hauteur de la différence entre ces deux montants, égale à 12 672 euros hors taxe, soit 13 749,12 euros toutes taxes comprises et a, en conséquence, condamné la commune du Marin à lui verser cette somme.
15. La commune du Marin soutient que le tribunal s’est mépris sur l’application du contrat litigieux et sur la matérialité des pièces qui lui étaient soumises par la société en retenant au titre de diligences conformes au contrat ” des prestations de pures circonstances et en maintenant au profit de la requérante des jours de travail sans aucun lien avec les prestations prétendument exécutées “. Toutefois, alors qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport joint aux factures en cause, que les prestations en litige ont été exécutées par la SCIC GE Odyssea et que le prix de ces prestations correspond aux stipulations contractuelles, la commune du Marin n’apporte aucun élément de nature à établir que les factures en litige mettraient à sa charge des prestations non réalisées ou comptabiliseraient des jours de travail sans lien avec les prestations.
16. Il résulte de ce qui précède que la commune du Marin n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de la Martinique l’a condamnée à verser à la SCIC GE Odyssea les sommes respectives de 14 139,72 euros toutes taxes comprises et de 13 749,12 euros toutes taxes comprises au titre des factures n° 1020-05 et 1020-06 du 15 octobre 2020.
Sur l’appel incident de la SCIC GE Odyssea :
17. La SCIC GE Odyssea soutient que c’est à tort que le tribunal a limité à 13 749,13 euros toutes taxes comprises la somme dont la commune du Marin est redevable au titre de la facture n°1020-06 du 15 octobre 2020. Elle fait valoir que le tribunal a déduit à tort de cette facture 4 journées d’ingénierie qui ont été réalisées ainsi qu’une avance de 10% qui n’a jamais été payée par la commune.
18. Il résulte à cet égard du rapport détaillé établi par la société lors de l’émission de cette facture que les prestations facturées, pour un montant total de 46 800 euros hors taxe, figurant sous la désignation ” Rédaction du livre bleu Odyssea Port du Marin – label européen Odyssea(r) Croissance Bleue et verte entre mer et terre (75 pages) ” correspondent à une partie des prestations, à hauteur de 60 journées d’ingénierie, mises à la charge de la SCIC GE Odyssea au titre de la mission 2. ” Réalisation d’un Livre Bleu opérationnel de la définition des aménagements touristiques par du mobilier d’interprétation connecté et éco-responsable et par de la signalétique directionnelle et de jalonnement 2.0, éco-responsable, intégrée à son environnement, dans le cadre de la mise en tourisme des Routes Bleues(r) Mythiques des Antilles du Marin ” définie par le contrat litigieux du 12 juin 2020.
19. En premier lieu, si la réalité de l’exécution de ces prestations est établie par le rapport établi par la société, qui reproduit la version définitive du ” livre bleu “, en application des stipulations du contrat citées au point 7, la société était seulement en droit de prétendre, pour l’ensemble des prestations mises à sa charge au titre de la ” mission 2 ” définie par le contrat, à une rémunération de 20 journées d’ingénierie pour un montant journalier de 880 euros hors taxe, soit un montant total ne pouvant dépasser la somme de 17 600 euros hors taxe. En l’espèce, il résulte de l’instruction ainsi que l’a relevé à juste titre le tribunal que les prestations relatives à 4 journées d’ingénierie sur les 20 prévues au total se rapportant à cette mission étaient déjà décomptées dans la facture n° 1020-05 du 14 octobre 2020. Si la société le conteste, elle n’apporte aucun élément permettant de remettre en cause les mentions portées sur la facture 1020-05 précitées faisant état de 4 journées d’ingénierie au titre de la mission 2 précitée et en particulier n’indique pas qu’il s’agirait de prestations d’ingénierie différentes ne relevant pas de cette mission. Il s’ensuit que la rémunération à laquelle la SCIC GE Odyssea pouvait prétendre au titre des prestations restantes se rapportant à la ” mission 2 ” du contrat s’élevait à un total de 16 journées d’ingénierie au montant journalier de 880 euros hors taxe, soit un total de 14 080 euros hors taxe. C’est donc à bon droit que le tribunal a limité le montant dû à la société à cette somme.
20. En second lieu, il résulte de l’instruction que contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, la SCIC GE Odyssea n’a pas déjà perçu sur le prix de ces prestations le montant de l’avance de 10 %, soit 1 408 euros hors taxe. La société justifie dès lors de son droit au paiement de cette somme. Il y a lieu, par suite, de condamner la commune du Marin à lui verser une somme supplémentaire de 1 408 euros hors taxe augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la SCIC GE Odyssea est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué le tribunal a limité son indemnité à la somme de 13 749,12 euros toutes taxes comprises au titre de la facture n° 1020-06 du 15 octobre 2020 qui doit être portée à la somme de 15 276,80 euros toutes taxes comprises, ainsi qu’au paiement des intérêts correspondants à compter du 17 novembre 2020.
Sur la capitalisation des intérêts :
22. Aux termes de l’article 1343-2 du code civil : ” Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise “.
23. Pour l’application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu’à cette date il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière.
24. La capitalisation des intérêts a été demandée le 4 décembre 2023, date d’enregistrement du mémoire en défense de la SCIC GE Odyssea par la cour. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 4 décembre 2023, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d’intérêts, ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais liés au litige :
25. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune du Marin la somme que la SCIC GE Odyssea demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la commune du Marin soient mises à la charge de la SCIC GE Odyssea, qui n’est pas la partie perdante.
DECIDE :