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Publié le 30 Sep 2019

Zoom sur le relèvement des seuils pour les marchés publics

Un « coup de pouce » pour les PME mais attention aux mauvaises pratiques !

C’est dans son édition du 11 septembre dernier que le quotidien national Les Échos a confirmé les informations selon lesquelles le Gouvernement allait rehausser le seuil en-deçà duquel les marchés publics peuvent être conclus sans être soumis à des obligations de publicité et mise en concurrence. Ce seuil passerait par voie de conséquence de 25 000 à 40 000€ HT. Plusieurs éléments doivent être examinés : l’origine de la réévaluation et ses effets escomptés (Point 1), le maintien d’une obligation de bon sens (Point 2) et une approche comparatiste avec les autres États membres de l’Union européenne (Point 3).

Point 1 : L’origine de la réévaluation et ses effets escomptés : la dynamisation de l’accès des PME à la commande publique

 Le seuil en-deçà duquel les marchés peuvent être signés sans publicité ni mise en concurrence n’a pas toujours été de 25 000€ HT. Bien au contraire, il a fait l’objet de plusieurs évolutions. S’il n’est pas nécessairement pertinent ici de faire le recensement de toutes les évolutions, notons cependant que la nature réglementaire (Cons. cons., 13 août 2015, n°2015-257L) du seuil a justifié que le Conseil d’État censure en 2010 son passage de 4 000€ à 20 000€ HT (CE, 10 février 2010, Pérez, req. n°329100 ; JCP Adm., 2010, comm. 2068, note F. Linditch).

Codifié au nouvel article R. 2122-8 du Code de la commande publique, le montant maximal des marchés pouvant être signés de gré à gré va connaître prochainement une augmentation grâce à une réforme portée par le ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Précisément, c’est dans la présentation du projet de loi « Engagement et proximité » que la réévaluation du seuil a été annoncée. L’origine institutionnelle de la réforme est lourde de sens.

En effet, l’augmentation du seuil aurait tout à fait pu être impulsé par Bercy. Or, c’est bien du ministère de la Cohésion des territoires que « le coup de pouce » est venu. Par voie de conséquence, nous pouvons en toute hypothèse considérer qu’une nouvelle fois, les pouvoirs publics se saisissent de l’épineuse question de l’accès des TPE et PME à l’achat public. L’idée à peine cachée derrière cette réforme à venir est d’encourager la dépense publique locale en dynamisant les contrats signés pour une valeur allant jusqu’à 40 000€. C’est en tout cas ce qu’affirmait le Conseil d’État en 2017 en se prononçant sur la légalité du passage de 15 000€ à 25 000€ HT : « par la nécessité d’éviter que ne soit imposé, pour des marchés d’un montant peu élevé, le recours à des procédures dont la mise en œuvre ne serait pas indispensable pour assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics et qui pourraient même, en certains cas, dissuader des opérateurs économiques de présenter leur candidature » (CE, 17 mars 2017, Ordre des avocats au barreau de Paris, req. n°403768).

Dans ce cas de figure, ce sont bien les TPE et les PME qui sont les premières cibles. Les grands groupes industriels sont davantage concentrés sur les marchés d’un montant bien supérieur. D’autre part, qu’il nous soit permis de considérer que ce ne sont pas simplement les TPE et PME de manière générale qui sont visées mais bien le tissu local ou « le territoire » des acheteurs. L’objectif annoncé est que – 50% des marchés publics soient signés avec des TPE et des PME contre 32% aujourd’hui.

Cependant et bien qu’il ne soit pas tenable juridiquement de l’affirmer haut et fort, la réévaluation est bien portée par le ministère des territoires. Le contexte politico-social national semble favorable à l’investissement local, au « manger local » et de manière général, à la consommation locale. Par voie de conséquence, nous pouvons légitimement considérer que cette augmentation du seuil va dans le sens de cet objectif.

Point 2 : Le maintien d’une obligation de bon sens pesant sur les acheteurs

Les objectifs de la réévaluation du seuil, s’ils sont louables, attendus voire nécessaires, peuvent malgré tout représenter un risque non-négligeable en matière de légalité et du respect du Code de la commande publique. Précisément, peu importe le montant fixé au cœur de l’article R. 2122-8 du Code de la commande publique, il ne s’agit surtout pas d’un « chèque en blanc » donné aux acheteurs publics. Bien au contraire, les principes fondamentaux de la commande publique s’appliquent en définitive dès le premier euro dépensé par un acheteur.

Dès lors, l’article R. 2122-8 du Code de la commande publique enseigne aux acheteurs quelques éléments de bon sens pour ne pas violer les principes immanents de l’achat public : veiller à choisir une offre pertinente ; faire une bonne utilisation des deniers publics et enfin, ne pas signer systématiquement avec le même opérateur économique.

En pratique, l’acheteur confronté à la satisfaction d’un besoin inférieur à 40 000€ HT devra de prime abord s’assurer que le bien ou le service est bien inférieur au montant précité. Ensuite, il procèdera à plusieurs consultations par le truchement de devis qu’il gardera en sa possession. Enfin, il signera le contrat avec l’opérateur lui ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse.

Point 3 : Vers une harmonisation européenne des seuils ? 

 Le droit de la commande publique contribue, s’il faut encore le démontrer, à l’intégration du droit de l’Union européenne en droit interne des États membres (v° en ce sens, J. Lebied, « Intégration de l’Union européenne et droit de la commande publique, levier d’intégration et vecteur de légitimation », RUE, 2019, n°631, p. 495). Dès lors, l’essentielle des dispositions du Code de la commande publique français se retrouvent dans les droits nationaux des États membres de l’Union européenne. Autrement dit, il n’est pas tenable que la Cour de justice de l’Union européenne impose, sur le fondement des Traités, des principes fondamentaux de non-discrimination et d’égalité de traitement entre les candidats si les droits nationaux ne sont pas harmonisés. Pourtant, le seuil en-deçà duquel les acheteurs peuvent signer de gré à gré n’a jamais été unifié au sein de l’Union européenne. Gageons que les instances européennes fixeront prochainement un seuil unique pour tous les États membres.

À titre d’illustration :

Grande-Bretagne : de 12 000€ à 30 000€

Belgique : 25 000€

Italie : 40 000€

Allemagne : 50 000€ en moyenne (le montant fluctuant en fonction des Länder/ A quand cette possibilité pour les régions?)

 


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