CE, 15 juillet 2025, Société Le Chalet des Jumeaux, n° 490592
Ce qu’il faut retenir :
L’autorité concédante peut limiter le nombre de lots pour lesquels un même opérateur économique peut présenter une offre à la condition, d’une part de faire figurer cette limite dans les documents de la consultation, d’autre part de s’assurer que cette limite est à la fois justifiée par l’objet de la concession, par les nécessités propres au service public délégué ou par la procédure de passation, et non disproportionnée.
Enseignement n° 1 : En concession, l’autorité concédante peut limiter le nombre de lots pour lesquels un même opérateur peut présenter une offre
Pour l’attribution des concessions, le code de la commande publique est peu dissert comparativement aux dispositions régissant les marchés publics. Son article L.3121-1 du code prévoit en particulier que « l’autorité concédante organise librement une procédure de publicité et mise en concurrence qui conduit au choix du concessionnaire ». Sur cette base le Conseil d’État a déjà été amené à compléter le régime juridique de la passation des concessions par analogie des règles en matière de marchés. Il en est allé ainsi récemment de la question de la régularisation des offres (CE, 30 déc. 2024, Société Ciné Espace Évasion, n° 491266).
Réitérant cette approche, le Conseil d’État s’est saisi de la question de la limitation du nombre de lots sur lesquels un même candidat peut présenter une offre dans un arrêt du 15 juillet 2025. Comme le juge d’appel, il concède qu’aucun texte n’interdit à l’autorité concédante de limiter le nombre des offres que peut présenter chaque opérateur économique. Par ailleurs, s’appuyant sur les dispositions équivalentes à l’article L.3121-1 CCP de l’ordonnance « marchés » alors applicable, il rappelle « que l’autorité concédante organise librement la procédure de publicité et de mise en concurrence qui conduit au choix du concessionnaire dans le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique ».
Enseignement n° 2 : La limitation du nombre de lots « ouverts » à la soumission d’une offre doit être annoncée, justifiée et non disproportionnée
Pour assurer l’effectivité de ces principes et tenir compte de la nature et des enjeux spécifiques des contrats de concessions, le Conseil d’État s’inspire des marchés pour construire un régime autonome. En matière de marchés, l’article L2113-10 CCP pose clairement la possibilité pour l’acheteur de limiter le nombre de lots pour lesquels un même opérateur économique peut présenter une offre – ou qui pourra être attribué à chaque candidat – : le juge administratif n’a eu qu’à ajouter la précision de bon sens selon laquelle cette limitation doit être indiquée dans les documents de la consultation pour garantir le principe de transparence des procédures (CE, 20 février 2013, n° 363656, Sté Laboratoire Biomnis). Récemment, le tribunal administratif d’Orléans a même été jusqu’à suggérer que les exigences d’efficacité de la commande public et de bonne utilisation des deniers pourraient venir constituer une limite face à une forme d’abus de ce droit par l’acheteur (TA Orléans, 7 juillet 2025, Sté Acthuis, n°2502957).
En matière de concessions, les choses sont désormais clairement posées. Aucun texte n’interdit à l’autorité concédante de limiter le nombre des offres que peut présenter chaque opérateur économique, par conséquent « l’autorité concédante peut, même sans texte le prévoyant, sous le contrôle du juge, limiter le nombre de lots pour lesquels un même opérateur économique peut présenter une offre, sous réserve que cette limitation, qui doit être indiquée dans les documents de la consultation, soit justifiée par l’objet de la concession, les nécessités propres au service public délégué ou la procédure de passation du contrat, et non disproportionnée ». Le Conseil d’État impose donc deux séries de conditions : formelle, s’agissant de garantir le principe de transparence en énonçant la règle dans les documents de la consultation ; substantielles, s’agissant d’exiger que cette limitation soit à la fois justifiée et proportionnée.
Le cas d’espèce permet d’illustrer, de manière relative, les justifications adéquates à apporter par l’autorité concédante. Il s’avère en effet que le juge d’appel a accueilli l’argumentation de l’autorité concédante en estimant que la limite litigieuse avait permis à la fois de rationnaliser l’analyse des offres et de rétablir un équilibre concurrentiel (en laissant à des entreprises de moindre taille et aux moyens humains et financiers plus limités davantage de possibilités de présenter des offres). Reste toutefois qu’en tant que juge de cassation prononçant le rejet du pourvoi le Conseil d’État ne pouvait que répondre aux moyens qui étaient la méconnaissance du contradictoire et l’erreur de droit, et non porter lui-même une appréciation sur le bienfondé de ces arguments.
CE, 15 juillet 2025, Société Le Chalet des Jumeaux, n° 490592
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 7 avril 2017, le préfet du Var a accordé à la commune de Ramatuelle la concession de la plage naturelle de Pampelonne pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 2019. La commune de Ramatuelle a engagé, le 30 juin 2017, une procédure de mise en concurrence en vue de l’attribution de traités de sous-concession du service public balnéaire sur cette plage. Par une délibération du 16 juillet 2018, la commune de Ramatuelle a procédé à l’attribution des différents lots. La société Le Chalet des Jumeaux a postulé, à titre principal, pour l’attribution du lot n° E3 et, à titre subsidiaire, pour celle du lot n° T3d. Le lot n° E2 a été attribué à la société 24 GV, le lot n° E3 à la société Foncière PLM, le lot n° P1 à la société Le Byblos, le lot n° P2 à la société La Serena, le lot n° P3 à la société Les Murènes, le lot n° T1d à la société L’O, le lot n° T2d à la société Loisirs Soleil, le lot n° G1d à la société Tropicana et le lot n° G2d à la société L’Esquinade. Par des jugements du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté les demandes de la société Le Chalet des Jumeaux contestant la validité de ces contrats ainsi que sa demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 3 618 121 euros en réparation des préjudices qu’elle estimait avoir subis à raison de son éviction irrégulière des procédures de passation des traités de sous-concessions. Par des arrêts du 10 mai 2022, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé ces jugements, prononcé la résiliation des contrats en litige à compter du 1er avril 2023 et condamné la commune de Ramatuelle à verser à la société Le Chalet des Jumeaux une somme de 2 725 795 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisés. Par des décisions du 10 mars 2023, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux a annulé ces arrêts et renvoyé les affaires devant la cour administrative d’appel de Marseille. Par des arrêts des 30 octobre et 13 et 20 novembre 2023, contre lesquels la société Le Chalet des Jumeaux se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté les appels formés par cette société contre les jugements du 1er juillet 2021 du tribunal administratif de Toulon.
Sur les pourvois nos 490592, 490596, 490598, 490600, 490601, 490604, 490606, 490608 :
En ce qui concerne le cadre juridique :
3. Aux termes du premier alinéa du I de l’article 1er de l’ordonnance du 25 janvier 2016 relative aux contrats de concession, repris en substance à l’article L. 3 du code de la commande publique : ” Les contrats de concession soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. / Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics “. Aux termes du premier alinéa de l’article 36 de la même ordonnance, repris en substance à l’article L. 3121-1 du même code : ” Sans préjudice des dispositions du chapitre préliminaire et du chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales, l’autorité concédante organise librement la procédure qui conduit au choix du concessionnaire, dans le respect des principes énoncés à l’article 1er de la présente ordonnance, des dispositions du présent chapitre et des règles de procédure fixées par voie réglementaire “. Il résulte de ces dispositions que l’autorité concédante organise librement la procédure de publicité et de mise en concurrence qui conduit au choix du concessionnaire dans le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique.
4. Dans le cadre rappelé au point 3, l’autorité concédante peut, même sans texte le prévoyant, sous le contrôle du juge, limiter le nombre de lots pour lesquels un même opérateur économique peut présenter une offre, sous réserve que cette limitation, qui doit être indiquée dans les documents de la consultation, soit justifiée par l’objet de la concession, les nécessités propres au service public délégué ou la procédure de passation du contrat, et non disproportionnée.
En ce qui concerne les pourvois :
5. En premier lieu, il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que l’article 4.3 du règlement de la consultation stipulait que : ” Les candidats sont informés de la possibilité de présenter une offre pour un ou pour deux lots au maximum en précisant expressément leur préférence “. Il résulte des termes mêmes de ces stipulations que la limitation qu’elles prévoient s’appliquait à la présentation des offres et non, contrairement à ce que soutient la société requérante, à celle des candidatures. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour administrative d’appel aurait entaché ses arrêts de dénaturation en donnant cette portée au règlement ne peut qu’être écarté.
6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’aucun texte législatif ni réglementaire n’interdisait à l’autorité concédante de limiter le nombre des offres que pouvait présenter chaque opérateur économique.
7. En troisième lieu, la société requérante ne peut utilement soutenir pour la première fois en cassation que la limitation par l’autorité concédante du nombre de lots pour lesquels les candidats peuvent présenter une offre serait de nature à porter atteinte à l’exercice de la libre prestation de services garantie par l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
8. En quatrième lieu, en se fondant, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance, par la règle fixée par les stipulations de l’article 4.3 du règlement de la consultation mentionnées au point 5, du principe de libre accès à la commande publique, sur ce que cette règle avait permis à la commune de rationaliser l’analyse des offres et de rétablir un équilibre concurrentiel en laissant à des entreprises de moindre taille et aux moyens humains et financiers plus limités davantage de possibilités de présenter des offres, la cour, qui s’est bornée à se prononcer sur le bien-fondé du moyen dont elle était saisie au regard de l’argumentation de la commune intimée, laquelle pouvait présenter ces justifications pour la première fois devant le juge, et qui n’avait pas à rechercher si l’autorité concédante aurait pu retenir d’autres modalités d’organisation des procédures de passation en litige qu’elle organise librement ainsi qu’il a été rappelé au point 3, n’a pas méconnu le principe du contradictoire ni, en tout état de cause, la portée des écritures de la commune de Ramatuelle, et n’a pas non plus commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l’espèce.
9. En dernier lieu, il ressort des énonciations des arrêts attaqués que c’est par un motif surabondant que la cour a relevé qu’il résultait d’une note du 4 août 2022, produite par la commune, que la limite à deux du nombre de présentations des offres restait neutre sur les chances de réussite d’une société qui s’était portée candidate à l’un des lots. Par suite, les moyens par lesquels la société requérante, qui ne peut au demeurant utilement se prévaloir à cet égard d’une note d’analyse qu’elle produit pour la première fois en cassation, conteste ce motif sont inopérants et ne peuvent qu’être écartés.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Le Chalet des Jumeaux n’est pas fondée à demander l’annulation des arrêts qu’elle attaque.
Sur le pourvoi n° 490593 :
11. En premier lieu, aux termes de l’article 27 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession : ” La nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. ” Les concessions sont soumises aux principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique. Pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l’attribution d’une concession, avant le dépôt de leurs offres, une information suffisante sur la nature et l’étendue des besoins à satisfaire. Il lui appartient à ce titre d’indiquer aux candidats les caractéristiques essentielles de la concession et le type d’investissements attendus ainsi que les critères de sélection des offres.
12. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour écarter le moyen soulevé par la société Le Chalet des Jumeaux, tiré de ce que la commune de Ramatuelle n’aurait pas défini avec suffisamment de précision, pour chaque lot de plage, le type d’établissement et de gamme de prestation de service, de redevance et de tarifs attendus en fonction des catégories d’usagers, aurait comparé des offres trop différentes et aurait ainsi disposé d’un pouvoir discrétionnaire, la cour a relevé, d’une part, que l’autorité concédante avait informé les candidats des principales caractéristiques du service public concédé et, d’autre part, que les documents de la consultation précisaient la nature des activités, l’étendue géographique des différents lots, la durée des contrats et les investissements attendus, ainsi que les critères d’attribution par ordre d’importance décroissant. En déduisant de ces constatations, qu’elle a souverainement appréciées sans dénaturer les pièces du dossier, que les candidats étaient suffisamment informés sur la nature et l’étendue des besoins à satisfaire par l’autorité concédante et en jugeant que cette dernière n’était pas tenue de définir les éléments de la stratégie commerciale des établissements exploités sur chacun des lots et que la société requérante n’était pas fondée à soutenir qu’en l’absence de définition suffisamment précise des besoins de la commune, la procédure de passation du contrat du lot n° E3 méconnaîtrait l’objectif de diversité d’accueil fixé à l’article 4 de l’avis d’appel public à la concurrence ainsi que l’article 27 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 et les principes de libre accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, la cour administrative d’appel de Marseille, qui a suffisamment motivé son arrêt, n’a pas commis d’erreur de droit.
13. En deuxième lieu, aux termes de l’article 47 de l’ordonnance du 25 janvier 2016 relative aux contrats de concession : ” Le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du contrat de concession ou à ses conditions d’exécution. / Les critères d’attribution n’ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l’autorité concédante et garantissent une concurrence effective. ” Aux termes de l’article 27 du décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession : ” I. – Pour attribuer le contrat de concession, l’autorité concédante se fonde, conformément aux dispositions de l’article 47 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 susvisée, sur une pluralité de critères non discriminatoires. Au nombre de ces critères, peuvent figurer notamment des critères environnementaux, sociaux, relatifs à l’innovation. Lorsque la gestion d’un service public est déléguée, l’autorité concédante se fonde également sur la qualité du service rendu aux usagers. / Les critères et leur description sont indiqués dans l’avis de concession, dans l’invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation. / II. – Pour les contrats de concession qui relèvent du 1° de l’article 9, l’autorité concédante fixe les critères d’attribution par ordre décroissant d’importance. Leur hiérarchisation est indiquée dans l’avis de concession, dans l’invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation (…) “. Aux termes de l’article 28 du même décret : ” Les offres qui n’ont pas été éliminées en application de l’article 25 sont classées par ordre décroissant sur la base des critères prévus à l’article 27. / L’offre la mieux classée est retenue “.
14. L’autorité concédante définit librement la méthode d’évaluation des offres au regard de chacun des critères d’attribution qu’elle a définis et rendus publics. Elle peut ainsi déterminer tant les éléments d’appréciation pris en compte pour son évaluation des offres que les modalités de leur combinaison. Une méthode d’évaluation est toutefois entachée d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d’appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre de chaque critère d’attribution sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l’évaluation ou si les modalités d’évaluation des critères d’attribution par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée, ou, au regard de l’ensemble des critères, à ce que l’offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que l’autorité concédante, qui n’y est pas tenue, aurait rendu publique, dans l’avis d’appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode d’évaluation.
15. D’une part, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que l’article 8.3 du règlement de la consultation prévoyait quatre critères d’attribution ” par ordre d’importance décroissant “, parmi lesquels en quatrième et dernière position, un critère de ” qualité et cohérence de l’offre au plan financier : cohérence entre le compte prévisionnel d’exploitation, la tarification de service proposé et le niveau de redevance communal proposé “. Pour écarter le moyen soulevé par la société requérante tiré de ce que ce critère financier était incohérent car il aurait été exigé des candidats d’un côté des redevances forfaitaires et variables les plus élevées possible et de l’autre de garantir des prix modérés pour les usagers, ce qui confèrerait, selon elle, à l’autorité concédante un pouvoir d’appréciation discrétionnaire, la cour s’est fondée sur ce que l’autorité concédante avait, au moyen de ce critère, entendu apprécier la cohérence d’ensemble, la solidité et la crédibilité de l’offre au plan financier en comparant le plan prévisionnel d’exploitation avec la tarification du service et le niveau de redevance communale proposés. En statuant ainsi, la cour, qui n’a pas entaché son arrêt d’erreur de qualification juridique des faits en regardant les éléments pris en compte par l’autorité concédante pour son évaluation des offres comme ne constituant pas des sous-critères du critère financier, s’est livrée à une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n’a pas commis d’erreur de droit.
16. D’autre part, en jugeant que la commune de Ramatuelle n’avait pas entaché d’irrégularité la méthode d’évaluation du critère ” qualité et cohérence de l’offre au plan financier ” en prévoyant, dans le règlement de la consultation, que celui-ci prendrait en compte le ” compte prévisionnel d’exploitation “, alors même que celui-ci inclut le chiffre d’affaires prévisionnel qui repose seulement sur les déclarations des candidats et non sur des engagements contractuels, dès lors qu’un tel élément d’appréciation n’est pas dépourvu de tout lien avec le critère en cause et vise à apprécier non la valeur financière de l’offre mais la cohérence et la crédibilité de celle-ci au plan financier, la cour s’est livrée à une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n’a pas commis d’erreur de droit.
17. Enfin, il ressort des pièces du dossier soumis aux juge du fond que l’autorité concédante a, pour évaluer les offres qui lui étaient soumises, associé à chacun des critères hiérarchisés qu’elle avait fixés et rendus publics une appréciation qualitative des offres. Cette appréciation était composée d’une évaluation littérale décrivant les qualités des offres pour chaque critère, suivie d’une flèche qui la résumait. Dans le cadre de cette méthode, une flèche verte orientée vers le haut représentait la meilleure appréciation, une flèche rouge vers le bas la moins bonne, tandis que des flèches orange orientées en haut à droite ou en bas à droite constituaient deux évaluations intermédiaires. Elle a enfin classé les offres au regard de l’appréciation qu’elle avait portée sur chacun des critères. Il résulte des principes énoncés au point 14 que cette méthode d’évaluation des offres, qui permet de comparer et de classer tant les évaluations portées sur une même offre au titre de chaque critère que les différentes offres entre elles, n’est pas de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation, ni n’a octroyé à l’autorité concédante une marge de choix totalement discrétionnaire dans la notation des offres financières, contrairement à ce que soutient la société requérante, et n’était, par suite, pas entachée d’irrégularité comme l’a jugé la cour sans erreur de droit ni dénaturation des pièces du dossier.
18. En dernier lieu, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour a, par des motifs non contestés, relevé un manquement affectant l’appréciation par l’autorité concédante de l’offre de la société Le Chalet des Jumeaux sur le critère ” qualité et cohérence de l’offre au plan financier “. En jugeant qu’il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, notamment du rapport d’analyse des offres, que, quand bien même l’offre de la société requérante aurait été correctement appréciée sur le critère financier, une telle circonstance ne lui aurait pas permis d’être mieux classée que la société attributaire, de sorte que ce manquement était sans rapport avec son éviction, la cour administrative d’appel s’est livrée à une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n’a pas commis d’erreur de droit.
19. Il résulte de ce qui précède que la société Le Chalet des Jumeaux n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.
Sur le pourvoi n° 490610 :
20. D’une part, en ce qui concerne les lots n°s E2, P1, P2, P3, T1d, T2d, G1d et G2d, les moyens soulevés par la société Le Chalet des Jumeaux pour contester l’arrêt en tant qu’il a rejeté sa demande d’indemnisation du préjudice résultant des fautes que la commune de Ramatuelle aurait commises en l’empêchant de participer aux procédures d’attribution de ces lots, sont identiques à ceux soulevés à l’appui des pourvois nos 490592, 490596, 490598, 490600, 490601, 490604, 490606 et 490608, et ne peuvent, par suite, qu’être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 à 10. D’autre part, pour contester l’arrêt en tant qu’il rejette sa demande d’indemnisation du préjudice résultant des fautes que la commune aurait commises en l’évinçant irrégulièrement des procédures de passation des traités de sous-concession portant sur les lots nos E3 et T3d pour lesquels elle avait présenté une offre, la société Le Chalet des Jumeaux se borne à reprendre les mêmes moyens que ceux qu’elle a soulevés à l’appui de ses pourvois relatifs à chacun de ces lots, enregistrés respectivement sous les numéros 490593 et 490605. L’ensemble de ces moyens, dont ceux soulevés à l’appui du pourvoi n° 490605, dont l’admission a été refusée par une décision du Conseil d’Etat, statuant au contentieux du 5 juin 2024, étaient identiques à certains moyens soulevés à l’appui du pourvoi n° 490593, ne peuvent, par suite, qu’être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 11 à 19.
21. Il résulte de ce qui précède que la société Le Chalet des Jumeaux n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.
Sur les frais de l’instance :
22. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Ramatuelle et des sociétés 24 GV, Foncière PLM, Le Byblos, La Serena, Les Murènes, L’O, Loisirs Soleil, Tropicana et L’Esquinade qui ne sont pas, dans les présentes instances, les parties perdantes. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre, au titre des mêmes dispositions, à la charge de la société Le Chalet des Jumeaux, la somme de 6 000 euros à verser à la commune de Ramatuelle, ainsi qu’une somme de 3 000 euros à verser à chacune des sociétés Foncière PLM, Le Byblos, La Serena, Les Murènes, L’O, Loisirs Soleil et Tropicana.
D E C I D E :
- Article 1er : Les pourvois de la société Le Chalet des Jumeaux sont rejetés.
- Article 2 : La société Le Chalet des Jumeaux versera une somme de 6 000 euros à la commune de Ramatuelle, ainsi qu’une somme de 3 000 euros à chacune des sociétés Foncière PLM, Le Byblos, La Serena, Les Murènes, L’O, Loisirs Soleil et Tropicana, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
- Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Le Chalet des Jumeaux, à la commune de Ramatuelle, à la société 24 GV, à société Foncière PLM, à la société Le Byblos, à la société La Serena, à la société Les Murènes, à la société L’O, à la société Loisirs Soleil, à la société Tropicana et à la société L’Esquinade.
