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Publié le 26 Sep 2025

Le juge exerce un contrôle rigoureux des causes d’exclusion de la commande publique

TA Réunion, ord. 6 août 2025, Société Réel Électricité, n°2501116

Ce qu’il faut retenir :

L’exclusion de plein droit de l’article L.2141-1 du CCP ne produit ses effets ni en cas de condamnation assortie de sursis, ni lorsque le dirigeant condamné a cessé ses fonctions. Une exclusion facultative ne peut être mise en œuvre par l’acheteur qu’à la condition que les manquements invoqués à son soutien soient directement caractérisés dans la procédure en cause.

Enseignement n° 1 : Une exclusion de plein droit n’a pas d’effet automatique

En vertu de l’article L.2141-1 du code de la commande publique, sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive » pour certaines infractions prévues par le code pénal. Ces dispositions précisent également deux choses.

D’une part, la condamnation définitive d’une personne qui accomplit des actes de représentation, de gestion ou de contrôle de l’opérateur économique entraîne également l’exclusion de ce dernier des procédures d’attribution du marché, dès lors que cette personne n’a pas cessé d’exercer ses fonctions.

D’autre part, « cette exclusion n’est pas applicable en cas d’obtention d’un sursis ».

Dans une ordonnance du 6 août 2025, le tribunal administratif de la Réunion a pu faire application de ces principes au regard d’une situation particulière. En l’espèce la société C Réunion s’était vu attribué un marché par la CASUD. Cependant cette société avait été impliquée dans une affaire d’entente et de corruption concernant les marchés publics du SIDELEC en 2021 et 2022. L’un des concurrents évincés reprochait dès lors à l’acheteur de n’avoir pas écarté sa candidature de plein droit.

Le juge rappelle cependant que la condamnation de la société « était assortie de sursis ». Dès lors la société n’entrait pas de ce fait dans un cas d’exclusion de plein droit. Le requérant soutenait néanmoins que l’exclusion aurait dû s’appliquer en raison de la condamnation définitive, et sans sursis cette fois, de M. D C en sa qualité de président de la société impliquée au moment des faits. Cependant, le juge note que cette personne a concrètement renoncé, depuis janvier 2025, a tout rôle de gestion ou de représentation auprès de la société.

L’attributaire n’a donc pas fait de faux en déclarant sur l’honneur n’être dans aucun cas d’interdiction de plein droit de soumissionner.

Enseignement n° 2 : Une exclusion à l’appréciation de l’acheteur ne peut être prononcée que si les causes constitutives sont caractérisées

L’argument était également soulevé, par la demande, selon lequel l’acheteur aurait commis une irrégularité en ne faisant pas usage de ses pouvoirs d’exclusion à son appréciation sur le fondement des articles L.2147-7 et suivants du code de la commande publique. Pour répondre à ce moyen, le juge écarte la possibilité même pour l’acheteur d’en faire usage en l’espèce en estimant qu’aucune des causes constitutives n’est caractérisée.

Ainsi, l’attributaire n’a pas altéré de manière significative son dossier de candidature en produisant des attestations se rattachant aux marchés anormalement conclus avec le SIDELEC, car il a également fourni en parallèle un nombre important et récent d’autres attestations de bonne exécution sans rapport avec les faits condamnés. De plus, aucun acte ayant pu influencer la décision de la CASUD ne saurait se déduire des agissements répréhensibles passés imputés à la société attributaire concernant les marchés du SIDELEC « eu égard à la substantielle différence d’objet entre ces procédures et la procédure actuelle ». Dès lors, la CASUD n’était pas en situation de pouvoir mettre en œuvre une exclusion facultative et le recours ne peut qu’être rejeté.


TA Réunion, ord. 6 août 2025, Société Réel Électricité, n°2501116

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : ” Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat “. Aux termes de l’article L. 551-2 : ” I – Le juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat (). Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat () “. Aux termes de l’article L. 551-10 : ” Les personnes habilitées à engager les recours () sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué () “.

2. La SPL Maraina a lancé en décembre 2024, pour le compte de la CASUD, un appel d’offres pour un marché dénommé ” travaux d’aménagement de la ZAE du 14ème km au Tampon “, comportant un lot 2 ” basse tension – éclairage public “. Parmi d’autres concurrents, les sociétés C Réunion et Réel Electricité se sont portées candidates pour ce lot. A l’issue de la procédure, c’est la société C Réunion qui a été déclarée attributaire le 26 juin 2025. Par la présente requête, la société Réel Electricité, dont l’offre était classée au 2ème rang, soumet au juge des référés précontractuels une contestation fondée sur la prétendue irrecevabilité de la candidature de la société C Réunion.

3. Aux termes de l’article L. 2141-1 du code de la commande publique : ” Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive pour l’une des infractions prévues aux articles 222-34 à 22-40 () du code pénal (). / La condamnation définitive pour l’une de ces infractions () d’un membre de l’organe de gestion, d’administration, de direction ou de surveillance ou d’une personne physique qui détient un pouvoir de représentation, de décision ou de contrôle d’une personne morale entraîne l’exclusion de la procédure de passation des marchés de cette personne morale, tant que cette personne physique exerce ces fonctions. / () Cette exclusion n’est pas applicable en cas d’obtention d’un sursis () “.

4. Si la société C Réunion, impliquée dans l’affaire d’entente et corruption concernant les marchés publics passés par le SIDELEC en 2021 et 2022, a fait l’objet d’une condamnation dans le cadre d’une procédure avec reconnaissance de culpabilité homologuée par ordonnance du tribunal judiciaire de Paris du 12 novembre 2024, ladite condamnation était assortie du sursis. Si la société requérante insiste plus particulièrement sur la condamnation ayant frappé, par ordonnance du même jour, M. D C en sa qualité de président de la société C Réunion, cette condamnation portant notamment sur une exclusion des marchés publics pour une durée de 3 ans et n’étant pas assortie du sursis, il résulte de l’instruction que M. C a concrètement renoncé, depuis janvier 2025, a tout rôle de gestion ou de représentation auprès de la société C Réunion, qui est désormais dirigée par Mme B C, laquelle accomplit désormais l’ensemble des actes de gestion concernant cette entreprise. Ainsi, la société C Réunion n’a pas fourni des faux renseignements lorsqu’elle a soumis à l’acheteur, dans le cadre de son dossier de candidature, une déclaration sur l’honneur attestant de ce qu’elle ne se trouvait dans aucun des cas d’exclusion de plein droit définis à l’article L. 2141-1 du code de la commande publique

5. Par ailleurs, la société Réel Electricité fait grief à la CASUD de n’avoir pas fait usage, vis-à-vis de la société C Réunion, de ses pouvoirs d’exclusion à l’appréciation de l’acheteur définis par les articles L. 2141-7 et suivants du code de la commande publique.

6. Il ne résulte pas de l’instruction que les agissements répréhensibles imputés par la société requérante à la société C Réunion à l’occasion des procédures menées en 2021 et 2022 auprès du SIDELEC puissent être regardés, eu égard à la substantielle différence d’objet entre ces procédures et la procédure actuelle, comme susceptibles de caractériser un acte ayant pu influencer la récente prise de décision de la CASUD. De même, aucun avantage concurrentiel ne peut se déduire, au regard de la procédure actuelle, de la situation anormalement favorable dans laquelle s’était trouvée la société C Réunion par rapport aux marchés du SIDELEC. Enfin, eu égard au nombre important et au caractère récent des attestations de bonne exécution dont justifie la société C Réunion suite à ses prestations effectuées auprès d’acheteurs autres que le SIDELEC, le dossier de candidature de cette entreprise n’était pas altéré de manière significative par la présence des attestations se rattachant aux marchés anormalement conclus avec le SIDELEC. Dès lors, la CASUD n’était pas en situation de pouvoir mettre en œuvre une exclusion facultative sur le fondement des articles L. 2141-7 et suivants du code de la commande publique.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Réel Electricité, qui ne démontre pas l’existence d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, n’est pas fondée à demander l’annulation des décisions prises par la CASUD à l’issue de la procédure de passation concernant le lot 2 des ” travaux d’aménagement de la ZAE du 14ème km au Tampon “. La requête doit donc être rejetée en toutes ses conclusions.

8. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de la CASUD ou de la société C Réunion.

ORDONNE :

  • Article 1er : La requête de la société Réel Electricité est rejetée.
  • Article 2 : Les conclusions présentées par la CASUD et par la société C Réunion sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
  • Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Réel Electricité, à la CASUD, à la SPL Maraina et à la société C Réunion. Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.

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cessation des fonctions,
condamnation avec sursis,
condamnation pénale définitive,
contrôle du juge,
exclusion facultative,
exclusion obligatoire,
interdiction de soumissionner,
personne physique impliquée,
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